Nous vous écrivons pour exprimer notre grave déception face à la « Déclaration
de la fête du Canada »
de la Société historique du Canada (SHC). Celle-ci affirme que « les études historiques existantes … rendent cette conclusion on ne peut plus claire », à savoir que le traitement des peuples autochtones chez nous était génocidaire et qu'il existe « un large consensus parmi les experts en histoire » quant à la preuve
de « l'intention génocidaire ». La SHC attaque également la profession en déclarant que les historiens ont fermé les yeux sur les tragédies qui ont marqué l'histoire du Canada. Il n'y a aucun fondement à
de telles affirmations et la SHC n'a aucune légitimité quand elle affirme représenter le point
de vue des professeurs d’histoire dans cette affaire.
La récente découverte
de tombes près d'anciens pensionnats autochtones est une preuve tragique
de ce que la Commission
de vérité et réconciliation a documenté dans le volume 4
de son rapport final - un rapport que nous encourageons tous les Canadiens à lire. Nous encourageons également la poursuite des recherches sur les lieux
de sépulture à travers le pays et soutenons la tenue d'un registre des enfants décédés dans ces écoles.
Cependant, la SHC existe pour représenter les historiens professionnels et, à ce titre, a le devoir
de représenter l'éthique et les valeurs
de l'érudition historique. En faisant une annonce à l'appui d'une interprétation particulière
de l'histoire et en insistant sur le fait qu'il n'y a qu'une seule interprétation valide, la direction actuelle
de la SHC a commis une entorse fondamentale aux normes et aux attentes qui régissent notre profession.
Avec cette tactique d'intimidation, le Conseil
de la SHC agit en tant qu'organisation militante et non en tant qu'organisme professionnel représentant des professeurs d’université. Ce virage est inacceptable.
La question des pensionnats fait l’objet d’un débat parmi les chercheurs. Beaucoup diffèrent dans leurs évaluations
de cette problématique. Des interprétations différentes sont à prévoir au sein d’une communauté universitaire très animée sur cette question. Cela doit permettre un débat ouvert, une diversité
de points
de vue et également une évaluation du passé sur la base
de preuves.
En prétendant qu'il n'y a qu'une seule interprétation, les dirigeants
de la SHC musèlent les universitaires qui en sont arrivés à une conclusion différente
de la leur. Ils présentent aux publics canadien et québécois un prétendu « consensus » qui n'existe pas.
Leur attitude constitue une entorse aux standards les plus élémentaires
de la recherche académique. Ils trahissent le public qui s’attend à ce que le milieu académique fonde ses débats sur des faits et des preuves qui ont été corroborés. Les bonnes intentions importent peu ici car il est particulièrement important qu’une organisation professionnelle d’universitaires soutienne la diversité et l’ouverture dans les débats. Cela est encore plus vrai quand plusieurs insistent pour mettre
de l’avant une interprétation particulière. En
de telles situations, nos principes intellectuels sont mis à l’épreuve et doivent être maintenus.
Nous demandons donc à la SHC
de retirer sa déclaration. Sa véritable mission est
de permettre des débats ouverts à tous les points
de vue tout en défendant la diversité intellectuelle. Son travail n'est pas
de promouvoir une seule histoire « consensuelle » du Canada.
Nous savons que nous parlons au nom d'une multitude d'historiens qui ont franchement peur
de soutenir cette lettre ouverte. Ils craignent vivement qu'un tel geste ne mette en danger leurs candidatures à la titularisation et aux promotions. Nous avons également été encouragés en privé par d'autres qui occupent des postes officiels qui les empêchent
de s'exprimer sur ce sujet.
Alors que la SHC célèbre son centenaire, elle doit rester fidèle à ce qu’il y a
de meilleur dans ses traditions. Comme organisation professionnelle, elle doit défendre sans réserve l'objectivité, le doute, le débat et le libre accès aux ressources qui aideront les historiens à faire la lumière sur notre histoire, incluant sur les épisodes les plus sombres
de notre passé.
Frédéric Bastien - Collège Dawson
Éric Bédard - Université TELUQ
David J. Bercuson - University of Calgary
John Bonnett - Brock University
Robert Bothwell - University of Toronto
Félix Bouvier - Université du Québec à Trois-Rivières
Gerry Bowler - Frontier Centre for Public Policy
Patrick H. Brennan - University of Calgary
Phillip Buckner - University of London
C. P. Champion - Editor, Dorchester Review
Marie-Aimée Cliche - Université du Québec à Montréal
Rodney Clifton - University of Manitoba
Luca Codignola - University of Genoa
Robert Comeau - l’Université du Québec à Montreal
Terry Copp - Wilfrid Laurier University
Jack Cunningham - University of Toronto
Kenneth Dewar - Mount Saint Vincent University
Ian Dowbiggin - University of Prince Edward Island
Christopher Dummitt - Trent University
Patrice Dutil - Ryerson University
Lucia Ferretti - Université du Québec à Trois-Rivières
Tom Flanagan - University of Calgary
Dany Fougères - Université du Québec à Montréal
Brian L French - Historian and Author
Yves Gingras - Université du Québec à Montréal
J. L. Granatstein - York University
Roger Hall - University of Western Ontario
René Hardy - Université du Québec à Trois-Rivières
Geoffrey Hayes - University of Waterloo
Michiel Horn - York University
P. Whitney Lackenbauer - Trent University
Gilles Laporte - Cégep du Vieux Montréal et l’Université du Québec à Montreal
Margaret Macmillan - University of Oxford
Susan Mann - York University
David B. Marshall - University of Calgary
Joe Martin - University of Toronto
Kathleen E. McCrone - University of Windsor
Duncan L McDowell - Queen's University
Ken McLaughlin - St. Jerome's University
Barbara Messamore - University of the Fraser Valley
J. R. Miller - University of Saskatchewan
Allen Mills - University of Winnipeg
Toby Morantz - McGill University
Matthew Neufeld - University of Saskatchewan
Doug Owram - University of British Columbia
John Pepall - Historian
Isabelle Perrault - sociologue, independent scholar
Stephen J. Randall - University of Calgary
John Robson - Historian
Jacques Rouillard - Université de Montréal
Jean Roy - Université du Québec à Trois-Rivières
Donald B. Smith - University of Calgary
Arthur Silver - University of Toronto
J. D. M. Stewart - Teacher and Author
Mark Theriault - Collège Dawson
Ryan Touhey - St. Jerome's University
Jonathan F. Vance - University of Western Ontario
Jean-François Veilleux - Historien
Frances Widdowson - Mount Royal University
Glen Williams - Carleton University
Robert J. Young - University of Winnipeg