Fake-news, biais cognitifs et vie quotidienne: un exemple.
Le 31 mai 2025, alors que l'ensemble de ses amis parisiens célébrait la victoire 5-0 du Paris Saint-Germain face à l'Inter Milan en finale de la Ligue des champions, Thomas Huchon passait en revue des extraits du match sur TikTok.
« Les vidéos sur lesquelles je tombais évoquaient toutes un match truqué. Elles expliquaient qu'un sponsor qatari avait fait pression sur l'Inter et que des membres du club avaient été malades la veille du match, les images montraient les joueurs systématiquement mal placés sur le terrain… » explique-t-il.
Tout cela était faux, évidemment.
Thomas Huchon aurait dû s'en rendre compte tout de suite. Journaliste, spécialiste du complotisme et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, il sait habituellement détecter les sources fallacieuses...
https://www.lepoint.fr/societe/reseaux- ... 317_23.php
Dans notre vécu quotidien, le biais de confirmation est constamment à l'œuvre.
C'est celui qui sélectionne les informations qui vont dans notre sens et qui écarte les cas contraires.
Thierry Ripoll parlerait du stade intuitif du fonctionnement du cerveau, avec la mise à distance du stade analytique, celui qui demande plus de temps et d'énergie.
Ce biais cognitif est un raccourci mental qui a ses avantages mais une pléthore d'inconvénients (cf. texte cité ci-dessous), dans nos sociétés modernes ultra-connectées, surchargées d'informations, avec un bombardement permanent, qui ne connaît aucune pause.
Il existe l'effet Duning-Krüger, le biais dont la caractéristique est la trop confiance accordée à ses propres compétences *, ainsi que le biais d'exposition ci-dessous détaillé, avec deux autres biais :
...le biais de simple exposition, qui résulte d'une confrontation répétée à une information, si peu crédible soit-elle. Plus on l'entend, plus on l'intériorise et plus notre sentiment positif à son égard augmente.
À l'inverse, un raisonnement entendu pour la première fois apparaît plus difficile à intégrer. Cette mécanique, qu'on appelle biais d'ancrage, explique pourquoi on se laisse si facilement séduire par le prix cassé d'un commerçant si un prix plus élevé a d'abord été annoncé.
Le biais d'aversion à l'incertitude, qui fait qu'on préfère une explication même fausse et simpliste à l'absence d'explication, permet quant à lui de comprendre l'adhésion aux théories complotistes...
Il peut être judicieux de rappeler le fonctionnement de nos sociétés ultra-consuméristes (l'information est un produit, qui a un coût et un prix, elle occupe des parts de marché), et les stratégies commerciales afférentes déployées pour que les systèmes économiques fonctionnent :
.....De l’avis de tous, il faut se faire à l'idée que les fake news sont en train d'envahir le monde numérique et qu'il ne sera bientôt plus possible de distinguer une vraie information d'une fausse. Comment dès lors s'en protéger ?
Et surtout, comment endiguer une méfiance généralisée, pouvant conduire à tous les complotismes ?
« Il n'y a pas de solution miracle qui fonctionnerait dans tous les cas », prévient Thomas Huchon, prônant, entre autres, la création de textes de loi rendant les grandes plateformes comptables de l'information diffusée, « comme n'importe quel autre média ».
Il faut également développer le sens critique des utilisateurs, à commencer par celui des plus jeunes, à travers l'éducation aux médias. « Cela veut dire, notamment, leur apprendre à identifier les vrais médias et leur rappeler que le travail des journalistes consiste à ne diffuser que des informations vérifiées », ajoute-t-il.
Mais tout cela ne servira à rien si on ne leur apprend pas en parallèle comment fonctionne leur cerveau, complète Grégoire Borst.
« Il faut leur expliquer aussi ce que sont les biais cognitifs, leur dire que tout le monde est concerné et qu'il existe des facteurs les favorisant. »
De fait, être dans un environnement agréable et hospitalier a tendance à inhiber notre vigilance.
À l'inverse, un environnement plus hostile participera à nous mettre davantage en alerte… jusqu'à un certain point. Car, dans les situations émotionnellement chargées, empreintes de stress, de peur, de dégoût, de colère ou d'angoisse, le système limbique, siège des émotions, aura tendance à prendre le dessus et à nous faire passer en mode automatique.
Parce qu'il ne sera bientôt plus possible de juger de la véracité d'une information d'un seul coup d'œil, « il serait bon, enfin, de ralentir un peu, de prendre le temps de vérifier une information, surtout quand elle provoque une réaction émotionnelle, avant de réagir et de la partager », observe Christine Dugoin-Clément. Sans doute le plus grand des défis à l'heure actuelle.....
* cette trop grande confiance inhibe les possibilités déterminant le ciblage de ses incompétences, ce qui est une compétence pourtant fondamentale pour le fonctionnement de l'esprit critique: reconnaître et admettre ses propres limites, et l'impossibilité, suivant les cas, de se prononcer sur telle ou telle situation.
Le recours, dans ces cas, à des spécialistes reconnus par la communauté scientifique pour la qualité de leurs travaux semble une option qui réduit les démarches "aventureuses" et les égarements.
À noter que le "bon sens", si souvent évoqué, fait partie des biais cognitifs. Autant se pencher sur sa mécanique interne. Ce "bon sens" qui est en ancrage direct avec le mode intuitif de fonctionnement du cerveau (cf. Albert Moukheiber à ce sujet: "Votre cerveau vous joue des tours"
et Nicolas Gauvrit: "L’art d'avoir tort en toute bonne foi"
https://m.youtube.com/watch?v=lwJ1mzMbv9Q)
Autre remarque : le "lissage" résultant de la mise à disposition immédiate d'une somme d'informations qui sont loin d'être synonymes de connaissance: le pire (fake-news, désinformation,...) voisine, sans hiérarchisation, sans degré qualitatif, avec le meilleur (études scientifiques rigoureuses, attestées, travaux d'enquête,...).