Timothy Snyder a écrit : 0/10 Le barrage
de Nova Kakhovka en Ukraine, contrôlé par la Russie, a été détruit. Cette destruction entraîne un désastre humanitaire, écologique et économique pour
les Ukrainiens. Voici quelques lignes directrices pour écrire sur cette catastrophe.
1. Évitez la tentation
de prendre
les deux côtés d'une calamité. Ce n'est pas du journalisme.
2. Lorsqu'un porte-parole russe affirme que l'Ukraine a fait quelque chose (par exemple, faire sauter un barrage), cela ne fait pas partie
de l'histoire d'un événement dans le monde réel. Cela fait partie d'une autre histoire : celle
de toutes
les affirmations scandaleuses que la Russie a faites au sujet
de l'Ukraine depuis son invasion en 2014.
3. Citer
les affirmations russes à côté des affirmations ukrainiennes est injuste pour
les Ukrainiens. Ce que
les porte-parole russes ont dit a presque toujours été faux, alors que ce que
les porte-parole ukrainiens ont dit a été largement fiable. La juxtaposition suggère une fausse égalité.
4. Si un porte-parole russe (par exemple Dmitri Peskov) doit être cité, il faut mentionner que ce personnage spécifique a menti sur tous
les aspects
de cette guerre. Il ne s'agit pas d'une insulte, mais du contexte.
Les lecteurs qui découvrent l'histoire en cours
de route ont besoin
de connaître le contexte.
5. Si la propagande russe destinée à la consommation extérieure est citée, celle destinée à la consommation intérieure doit l'être également.
Les propagandistes ont longtemps affirmé qu'il fallait faire sauter
les barrages ukrainiens. Un parlementaire russe considère que la Russie a fait sauter le barrage et se réjouit. Voir
@JuliaDavisNews
6. Lorsqu'une histoire commence par
les deux côtés,
les lecteurs sont informés qu'un objet du monde physique (comme un barrage) n'est qu'un élément
de la narration. Ils sont guidés vers le mauvais genre (la littérature) au moment même où l'analyse est nécessaire. Cela ne rend pas service à leur esprit.
7.
Les barrages sont des objets. La manière dont ils peuvent être détruits est un sujet pour
les experts. L'article du NYT a le mérite
de traiter
les barrages comme des objets physiques plutôt que comme des objets narratifs. Il apparaît clairement que le barrage a probablement été détruit par une explosion interne.
"Alors que la Russie et l'Ukraine se rejettent mutuellement la responsabilité de l'effondrement du barrage de Kakhovka, des experts estiment qu'une attaque extérieure ou même une défaillance structurelle pourrait expliquer la catastrophe, mais que c'est peu probable.
https://www.nytimes.com/2023/06/06/worl ... d=tw-share"
8. La Russie contrôlait la partie concernée du barrage lorsque celui-ci a explosé. Il s'agit là d'un élément essentiel du contexte. Elle passe avant tout ce que l'on dit. Lorsqu'ils enquêtent sur un meurtre,
les détectives pensent aux moyens. La Russie avait
les moyens. L'Ukraine n'en avait pas.
9. L'histoire ne commence pas au moment où le barrage explose. Au cours des quinze derniers mois, la Russie a tué des civils ukrainiens et détruit
les infrastructures civiles ukrainiennes, tandis que l'Ukraine tentait
de protéger sa population et
les structures qui la maintiennent en vie.
10. Le cadre comprend l'histoire militaire.
Les armées qui attaquent ne font pas sauter
de barrages pour bloquer leur propre progression.
Les armées qui battent en retraite font sauter des barrages pour ralentir l'avancée
de l'autre camp. L'Ukraine avançait et la Russie reculait.
11/10 L'objectivité ne consiste pas à traiter un événement comme un jeu
de pile ou face entre deux déclarations publiques. Elle exige
de réfléchir aux objets et aux contextes dont
les lecteurs ont besoin pour comprendre dans l'incertitude.