Carlita a écrit :J'ai un peu de mal à comprendre cette phrase. Comment une "prediction" peut-elle être qualifiée de "preuve"?
Ce n'est pas la prédiction en elle-même, c'est la découverte de fossile collant à la dite prédiction. À ce titre laisse-moi te parler d'un autre exemple très révélateur de ce qu'on entend ici par prédiction, prédiction d'un modèle théorique, c'est-à-dire scientifique. Cette prédiction concerne l'évolution des osselets des oreilles moyennes des mammifères. Nous allons à ce titre nous concentrer sur deux des osselets en question, à savoir le marteau et l'enclume. En effet un point intéressant concernant l'apparition des mammifères à partir de lointains ancêtres «reptiliens», est justement celui de l'évolution de ces fameux osselets de l'oreille moyenne que sont le marteau (
malleus), l'enclume (
incus) comme l'illustre les deux schémas ci-dessous.
En effet comment pareils osselets ont-ils pu évoluer graduellement? Pour les chercheurs il est apparu très tôt que les osselets de l'oreille moyenne des mammifères sont homologues (donc dérive du même ancêtre commun) à deux os faisant office d'articulation de la mâchoire chez les «reptiles» à savoir l’os articulaire et l’os carré. D'ailleurs le registre fossile de l'époque indiquait que les premiers amniotes, parmi lesquels devaient figurer les ancêtres des mammifères, avaient eux-mêmes une articulation «reptilienne» de la mâchoire comme l'indique les deux schémas ci-dessous.
Ainsi les chercheurs affirmèrent qu'au sein de la lignée ayant mené aux mammifères, l’os articulaire et l’os carré articulant la mâchoire de ces ancêtres, ont peu-à-peu évolué de manière graduelle pour devenir au final les fameux osselets de l'oreille moyenne qui nous sont si utiles à l'audition. Les chercheurs affirmant également qu'entre temps une nouvelle articulation de la mâchoire est apparu via la mandibule et l’os squamosal. Cette hypothèse était soutenu par des observations embryologiques. En effet les chercheurs savaient aux travers d'observation d’embryons de mammifères que les deux des osselets de l’oreille moyenne que sont le marteau et l'enclume, se forment durant le développement de l’embryon puis du fœtus, à partir du cartilage particulier. Ce cartilage s'appelle le Cartilage de Meckel. Or le cartilage de Meckel n’est rien d’autre en fait que la future mâchoire inférieure des mammifères (voir image ci-dessous). Mais on retrouve également ce même cartilage chez les embryons de «reptiles».
Voici une illustration du cartilage de Meckel durant le développement du futur enfant. On remarque que la partie postérieurs du cartilage, à savoir le futur marteau (malleus) et la future enclume (incus) sont encore attaché à ce qui pourrait bien constitué un os de la mâchoire inférieure, mais durant le développement ils s’en détacheront pour former de manière définitive le marteau et l’enclume de l’oreille moyenne tandis que le reste du cartilage de Meckel continuera à se développer pour former la mâchoire inférieur du nouveau-né en s’ossifiant aux autres os. Ce développement est d’ailleurs le même pour l’ensemble des mammifères. La différence est que chez les reptiles ce même cartilage continue son développement en voyant se former sur sa partie postérieure l'os articulaire et l'os carré qui formeront donc la future articulation de la mâchoire des «reptiles». Mais chez les mammifères la même partie inférieure du cartilage de Meckel, se détache pour former à terme les osselets de l'oreille moyenne des mammifères!
Mais donc il existe apparemment un gros problème! Pareille chose qui n'a apparemment pas pu évoluer graduellement cela semble même impossible! Car comment un os servant à l'articulation de la mâchoire peut-il devenir un os de l'audition? Et comment donc ces os de la mâchoire ont pu évoluer pour devenir des os de l'audition alors qu'en même temps une autre articulation de la mâchoire serait apparue? Il y a apparemment là un intervalle phénotypique absolument impossible à combler via le modèle d'évolution graduelle! De plus face à cette inconstance les chercheurs étaient initialement dépourvus du moindre intermédiaire structural dans le registre fossile pour justifier leur scénario évolutif. Scénario évolutif se basant apparemment uniquement sur la préconception d'une évolution graduelle telle que l'avait théorisé Charles Robert Darwin.
Cependant les chercheurs avaient déjà proposé une hypothétique solution à ce problème en concordance avec le paradigme d’une évolution graduelle. En effet les chercheurs affirmèrent que la nouvelle mâchoire mammalienne a pu apparaitre avant quand les os articulaires et carré aient abandonné leur fonction d’articulation de la mâchoire. Les chercheurs affirmant donc que l’évolution des amniotes «reptiliens» vers les mammifères a du se faire en passant par des créatures pourvu d’une double articulation de la mâchoire. Ainsi les chercheur affirmèrent qu’il a dut exister des «intermédiaires structuraux» pourvu à la fois d’une articulation «reptilienne» et d’une articulation mammalienne de la mâchoire. Bien évidemment à l’époque où pareille proposition fut faite pas le moindre fossile de pareille créature ne fut trouvé mais donc une prédiction évolutive fut faite sur des animaux qui auraient dû exister sans pour autant qu’on ait alors la moindre preuve fossile de leur existence.
Et la prédiction fut réalisée!
En effet depuis de nombreux fossiles d’un ordre nommé
Thérapsides furent retrouvé, et parmi ces derniers le sous-ordre des
Cynodontes comprenant plusieurs espèces montrant cette double articulation de la mâchoire. Mieux encore la succession des espèces composant ce sous-ordre nous permet de constater l’évolution des os de l’articulation «reptilienne» vers les osselets de l’oreille moyenne des mammifères (voir image ci-dessous). On peut ainsi observer dans le registre fossile comment l’articulation reptilienne s’atrophia au fur et à mesure que les os de cette articulation migrèrent vers l’oreille moyenne alors que l’articulation mammalienne gagnait de plus en plus en importance.
Et donc nous avons là la réalisation d’une prédiction évolutive en matière, d’homologie, de modalité évolutive et plus largement de phylogénie! Les chercheurs ont fait une prédiction évolutive à partir des données embryologiques et du paradigme théorique de la théorie de l’évolution, et il s’avère que le registre fossile à finit par confirmer haut la main leur prédictions. Ils devinèrent l’existence d’animaux pourvus d’une double articulation de la mâchoire (une reptilienne et autre mammalienne) avant même que le moindre fossile n’atteste de l’existence de pareils animaux!
Balèze même toi tu dois le reconnaitre! Et si jamais un compte-rendu détaillé de cette histoire sous la forme d’un essai intitulé «Un coup de gueule plein les oreilles» a été écrit par Stephen Jay Gould et est disponible dans son livre
«Comme les huit doigts de la main». Et bien sûr ce qui marche ici pour les mammifères marche également pour les oiseaux via les multiples fossiles de dinosaures à plumes ainsi que les fossiles d’oiseaux archaïques retenant des caractéristiques «reptiliennes».
Carlita a écrit :En effet ils sont très dissemblables.
Oui et justement le registre fossile contient des fossiles combinant des caractères propres aux reptiles et d'autres propres aux oiseaux, si bien que Dorothy ne parvenait pas à les classes dans un groupe ou dans l'autre.
Carlita a écrit :Que voulez vous dire? Les oiseaux sont apparus au jurassique mais pas véritablement? Pourriez vous préciser je vous prie.
C'est très simple généralement on considère
Archaeoptéryx comme le plus vieil oiseau connu or comme le montre l'image de départ et comme l'a d'ailleurs reconnu Dorothy elle-même, il était encore bien plus semblable à un
Vélociraptor qu'à n'importe quel oiseau moderne.
Carlita a écrit :Je comprends bien mais puisque cette évolution est censée s'être produite sur des dizaines, voire des centaines de millions d'années, alors il a dû exister des milliards et des milliards individus aux structures intermédiaires. Pourquoi les archives fossiles ne regorgent-elles pas de tels individus?
Encore une fois parce que la fossilisation requière des conditions très particulières et donc le registre fossile ne retranscrit qu'un infime fragment de la biodiversité passée. Encore une fois certaines espèces fossiles ne sont connues que par un seul spécimen alors que tu te doutes bien qu'il a dû en avoir des millions voir des milliards qui se sont succéder durant les laps de temps durant lesquels ces espèces ont vécu.
Carlita a écrit :Moi aussi je peux faire des prédictions en tant que chrétienne. Je peux prédire que les archives fossiles ne révéleront jamais rien d'autres que des individus completement formés sans ancêtres identifiables.
Ce n'est pas une prédiction car tu n'as rien définis clairement, c'est quoi des «individus complètement formés» ? Je suis sûr que tu dirais que les fossiles d’
Archaeoptéryx sont ceux d’individus complètement formés, moi aussi d’ailleurs, mais ils n’en demeurent pas moins d’indéniables intermédiaires structuraux.
Carlita a écrit :Sans doute, mais pour éviter un biais de sélection, il faudrait aussi prendre en compte toutes les espèces qui ne correspondent pas à ce modèle c'est à dire toutes celles dont le registre fossile ne laisse apparaître aucun ancêtre, ainsi que toutes celles dont les ancêtres identifiés dans le registre fossile sont quasiment identiques aux individus modernes.
Je n’aime pas me répéter alors je reposte une nouvelle fois
ce que j’ai déjà dit reposté sur la notion d’ancêtre dans le registre fossile.
«En paléontologie on ne peut jamais établir un lien direct, on raisonne en terme de proximité cladistique ou phylogénétique ou d’apparentement si tu préfères. Par exemple Aurornis pourrait être l’ancêtre des oiseaux actuels, c’est possible, mais il est également probable qu’il s’agisse d’un proche cousin de l’ancêtre réel et non pas réellement l’espèce ancestrale. Cela marche également au sein d’une seule et même espèce. Par exemple si tu trouves le corps d’un homme datant de la Renaissance au fond de ton jardin, tu ne peux pas dire si oui ou non il s’agit d’un de tes ancêtres, en revanche tu es sûr qu’il t’est apparenté de près ou de loin. D’avantage apparenté si membre de ton groupe ethno-géographique, plus éloigné si membre d’une ethnie plus «exotique», par exemple un Pygmée Africain, mais apparenté quand même. Dès lors ta question n’est pas, quel ancêtre à Archaeoptéryx, mais quel dinosaures étroitement apparentés à ce dernier ? Aurornis est un bon candidat, plus ancien et basal qu’Archaeoptéryx. Nous pouvons également mentionné Anchiornis huxleyi.»
On peut mentionner le cas de taxons pour lesquels il n’existe pas ou peu d’intermédiaires structurels dans le registre fossile. Cependant ce n’est pas un argument en faveur du créationnisme, sachant que par exemple jusque dans les années 1990 il n’existait pas de fossiles attestant de l’évolution de Cétacés à partir d’ancêtre terrestres. Nous pouvons également revenir sur l’exemple de l’évolution des mammifères mentionnés plus haut dans le présent message. L’absence de preuves n’est pas la preuve de l’absence et cela d’autant plus que des abonnés absents hier ne le sont plus aujourd’hui avec confirmation de prédictions à la clef. De plus l’évolution et l’ascendance commune des différentes espèces ne reposent bien évidemment pas que sur le seul registre fossile mais également et surtout sur la génétique.
Cependant il y a une autre manière par laquelle le registre fossile pourrait réfuter la théorie de l’évolution. Un seul fossile de pégase, de griffon ou d’une autre chimère du même type et la théorie de l’évolution s’effondrerait comme un immeuble dynamité. Car si la phylogénie évolutive prédit l’existence d’intermédiaires assez bien définis, elle en interdit d’autres. Les oiseaux sont une lignée distante des mammifères, dès lors un animal ayant à la fois des caractères dérivés propres aux mammifères et d’autres propres aux oiseaux ne peut pas exister. Et attention l’ornithorynque ne compte pas, son bec de canard n’est pas un bec mais un organe mou très sensible et le fait qu’il ponde des œufs n’est pas une anomalie non-plus sachant qu’il appartient, avec l’Échidné
à la lignée des Monotrèmes, un clade représenté par ces deux seuls espèces, génétiquement très distant des autres mammifères. Cela démontrant simplement que l’ancêtre commun des Monotrème et des autres mammifères pondaient encore des œufs, la viviparité a évolué après la séparation de ces deux lignées, parmi les ancêtres communs des seuls marsupiaux et placentaires.
Enfin concernant des individus fossiles quasiment identiques aux animaux modernes, il va falloir préciser car les créationnistes citent souvent les animaux qualifiés à tort de «fossiles vivants» comme
les cœlacanthes, or si des similitudes existent les cœlacanthes ne sont pas identiques aux cœlacanthes modernes. Enfin les mécanismes en cours en génétique des populations n’impliquent pas que la morphologie ne peut pas rester stable au sein de certaines lignées.
Carlita a écrit :Permettez-moi d'en profiter pour vous poser une question: quel est selon vous l'oiseau-dinosaure dont on ait retrouvé le plus d'exemplaires dans le registre fossile?
Il me semble qu’il s’agit d’
Archaeoptéryx connu par onze voir douze spécimens. Mais tu penses bien que ce genre a dû être représenté par une multitude d’individus au cours de son existence sur notre planète.