Dash a écrit :Par exemple, peut-être sommes nous tous dans une gigantesque "Matrice" où tout ce que nous vivons n'est qu'illusion. N'empêche que se faire arracher un bras demeure douloureux (euphémisme).
La sensation subjective de douleur est un qualia et ce n’est pas une illusion.
Le côté « désagréable » de la douleur, de même d’ailleurs que la notion de « désagréable », sont le résultat d’un déterminisme évolutif, mais ce ne sont pas des illusions.
Le problème sémantique vient du fait que le terme "illusion" renferme une idée de « diaphane », de « non réel ». C'est défini comme une construction fantasmagorique sans "solidité", c'est à dire qui ne participe pas de notre concept de "solidité"... un concept de « solidité » qui est aussi le résultat d’un déterminisme évolutif.
Quand nous expérimentons subjectivement, la "solidité" et la douleur
(ce qui nous fait sentir le monde comme "réel"), nous sommes dans le domaine des qualia.
Et les qualia subjectifs constituent notre réalité phénoménale. Il n'y a pas d'autre réalité pour nous.
Ce que nous vivons subjectivement devant notre monde d'objets, c'est la
réalité opérative, celle qui intéresse d’ailleurs uniquement le positivisme.
Le mot, "illusion", n’est pas bien choisi, ce que nous vivons n'est pas illusoire. Et je trouve d’ailleurs dommage que la branche philosophique dont parle la vidéo de thewild s’appelle « l’illusionnisme ». Je suis persuadé que cette dénomination va poser des problèmes pour populariser le concept.
Mais il faut d’abord se mettre d’accord sur ce que l’on entend par « réalité ».
Parce qu’il y a confusion entre deux sortes de réalités : la
réalité opérative, ce n’est pas le fondement des choses (ça, c’est qu’on appellerait plutôt la
réalité en soi… et c’est cette
réalité en soi, ta « matrice »).
La
réalité opérative, elle, c’est tout ce que nous pouvons percevoir et ça englobe aussi ce que nous pouvons faire en pratique avec toutes ces choses que nous percevons. Et c’est aussi (et finalement) notre ressenti, l’ensemble de tous nos qualia…
la réalité opérative, c’est tout ce que perçoit intersubjectivement notre
conscience phénoménale.
Dash a écrit :L'illusion, l'inexistence de ce que j'expérimente dans "l'absolu" ne fait pas pour autant disparaitre la douleur et l'absence de douleur.
Il se passe bien quelque chose dans ton « absolu » (qui est la
réalité en soi). Mais son expérience directe nous est inaccessible, son formalisme nous est inaccessible. Son formalisme n’existe pas sous une forme que notre conscient pourrait appréhender
(pour autant que nous puissions parler de formalisme puisqu’il n’y en a peut être même pas du tout, de formalisme tel que nous l’entendons, dans cette réalité en soi). Bref, c’est le mystère total. C'est ce qui fait d'ailleurs dire aux positivistes qu'elle n'a aucun intérêt en tant que telle, on ne peut rien en tirer au point de vue pratique.
De ce fait, nous approchons la
réalité en soi, depuis que le biologique existe, au travers d’une représentation issue des contingences évolutionnistes de notre survie en tant que prédateurs/victimes.
En gros, on a intérêt pour notre survie à « ressentir » les choses comme étant « dures » et de ressentir de la douleur quand on est blessé... ressentir la douleur est un avantage évolutionniste.
Mais nous commettons l’erreur, sous la force de nos qualia, de croire que puisque les choses sont si "solides", c'est que nous sommes en face d’une réalité ultime.
Bref, il se passe bien quelque chose dans ta « matrice » (la
réalité en soi). Mais nous n'appréhendons son reflet qu'au travers de nos qualia, dans notre conscience interne des phénomènes, pour construire à partir d'elle notre
réalité opérative.
La
réalité opérative, c’est la forme que prend la traduction de ce qui se passe dans la
réalité en soi pour la rendre intelligible à la conscience phénoménale et permettre à celle-ci d’agir sur notre environnement.
La forme que prend pour nous la
réalité opérative est la conséquence du conditionnement que nous a imposé l’évolution pour notre survie.
Mais attention aux mots. Attention de ne pas réifier l’évolution : l’évolution « n’impose » rien, ça se fait petit à petit selon le hasard et la nécessité.
Le monde que nous percevons n’est donc pas illusoire.
L’illusion est dans le fait que nous pensons percevoir un monde d’objet qui serait une réalité ultime, alors que c’est une traduction de la
réalité en soi, qui, elle seule, est ultime, mais qui nous est inaccessible directement.
Ouf !