Mikaël a écrit :groucho max a écrit :Je n'avais pas ecrit semantiquement sans contenu, mais ne satisf[aisant] aucun critere de "semantique empirique". Nuance.
Tu as dit :
La metaphysique, bien qu'etant capable d'accoucher des enonces syntaxiquement corrects, est un corpus vide de sens par le simple fait que ces derniers ne satisfont aucun critere de "semantique empirique".
Vide de sens et sans contenu sémantique, c'est-y pas un peu du pareil au même ? Et sinon, quelle différence fais-tu ?
Bordel de chameau hydrocephale a deux roues! Arf! Il y a une implication bien precise et des attributions tout aussi precises: {les
enonces metaphysiques ne satisfonts
aucun critere de semantique empirique} => {la
metaphysique est un corpus
vide de sens}.
L'enonce "mon aisselle gauche est sous mon pied droit" est syntaxiquement correct mais ne satisfait aucun critere de semantique empirique. Une accumulation d'enonces du meme type constitue un corpus vide de sens. La phrase (je te cite) "Dieu a créé le monde et tout ce qu'il contient il y a 5 min" est egalement un enonce de ce corpus vide de sens puisqu'il ne satisfait aucun critere de semantique empirique. Maintenant, si tu estimes que ce dernier enonce a un quelque interet parce que tu lui attribues une certaine valeur litteraire (= tu lui attribues la semantique d'un des mondes possibles du langage naturel) et bien soit, tu es libre: tu fais alors de la litterature, mais certainement pas de la science. Pour etre franc, j'appelle plutot ca de la branlette. La litterature est noble. Enfin, ca depend. Bref.
Autre question : qu'appelles-tu "sémantique empirique" ?
Il s'agit simplement du sens donne par le controle empirique. Ca m'avait l'air d'etre explicite.
groucho max a écrit :Falsifiable, infalsifiable... dis donc, ca vire a l'obsessionnel chez toi.
C'est parce que :
1°) Je tiens beaucoup à cette distinction.
2°) Je pense néanmoins que ce qui est infalsifiable peut être démontré vrai ou très probable, et avoir une certaine utilité.
Le point 1) ne regarde que toi mais il releve sans doute d'un abus puisque le falsificationnisme popperien se voulait etre une critique de l'inductivisme: il ne faut donc pas le mettre a toutes les sauces. Ensuite, pour le point 2), le critere de Popper est bancal: il est donc tres difficilement maniable et se trouve etre moins puissant qu'on ne l'imagine. Ce n'est d'ailleurs pas une nouveaute.
Il n'est peut-etre pas inutile de rappeler qu'une trentaine d'annees (si je ne fais erreur) avant la premiere publication de la theorie popperienne, Duhem avait deja fait remarquer, avec la finesse qui le caracterisait, quelque chose d'extremement important: une hypothese ne peut etre soumise seule au controle empirique, i.e. c'est toujours un faisceau d'hypotheses qu'on lui soumet. A cela s'ajoute le fait qu'une experience ne sera pas en mesure de dire laquelle (ou lesquelles) de ces hypotheses est "refutee": si A est une hypothese auxiliere a l'hypothese H et si de {H et A} il decoule une "evidence" experimentale E (je reste volontairement vague pour ne pas sombrer dans des details superfetatoires), i.e.
si {H et A} alors E,
alors tout va bien; si par contre tu trouves non-E, i.e.
si {H et A} alors non-E,
tu refutes la conjonction {H et A} "toute entiere". Ainsi, non-E pourrait contredire A sans que H ne soit concernee. En outre, pour pouvoir affirmer qu'une E "falsifie" H, un popperien (comme tu sembles l'etre) devrait etre certain que l'hypothese A est vraie (on fait de la logique du 1° ordre la). Mais cela lui est impossible puisqu'il presuppose - c'est l'essence meme du popperisme - qu'une assertion, quelle qu'elle soit, peut etre au plus falsifiable ou infalsifiable, mais ne peut certainement pas etre declaree vraie. Cela s'appelle etre dans la merde.
Voyons un petit exemple bidon (comme il se doit) pour ne pas donner la fastidieuse impression de causer dans le vide: supposons que l'on decide de verifier une des consequences de la relativite generale (RG) - comme cela a d'ailleurs ete fait - en observant une etoile a proximite (apparente) du soleil lors d'une eclipse, et supposons que l'on ne detecte pas la deviation des rayons lumineux prevue par la RG. A-t-on refute la RG (qui est ici notre hypothese H)? Oui, si l'on admet que l'optique classique est parfaitement
verifiee et que notre instrument de mesure (telescopes et tout le tintoin) a fonctionne de facon aussi fiable que tout autre instrument de mesure du meme type avant lui (c'est notre hypothese auxiliere A). Non, si l'on n'admet pas le processus inductif - bienvenu au Club Popper! - qui fait que l'on ne peut pas etre sur (meme en termes de probabilites) de A. C'est ce que j'appelais etre dans la merde (pour un popperien).
Le falsificationnisme popperien, c'est sympa, amusant, et tout ce que tu voudras, mais il est en general, comme on vient de le voir, on ne peut plus inoperant. Alors, l'utiliser pour des trucs comme ton point 2), bof et re-bof.
Je prefere des trucs comme les theories formelles de l'inference inductive a la
Solomonoff &
Cie, qui est la version "epistemologique" (oh le vilain mot!) de l'idee de compression de l'information (selon Chaitin-Kolmogorov): dit grossierement, une bonne theorie est une theorie qui comprime le mieux l'information.
Mikaël a écrit :Par exemple, la proposition suivante peut être considérée comme métaphysique :
"Il n'existe pas de surfaces colorées de dimension nulle"
D'un point de vue purement logique, il pourrait en exister. Le concept de surface colorée de dimension nulle n'est pas auto-contradictoire. Pour réfuter cette proposition, il suffirait d'en trouver une. Cependant, une surface colorée de dimension nulle ne peut pas donner lieu à une expérience possible (au sens large d'expérience subjective). Et ceci est quasi certain. Je défis quiconque de réussir à s'imaginer une telle chose.
Tu balances une proposition sans en definir les hypotheses. Que signifient "etre coloree", "etre une suface", "etre de dimension nulle"? Il est donc impossible de dire quoi que ce soit de sense, tant logiquement qu'empiriquement.
Si maintenant - pour te faire plaisir - on suppose que ces hypotheses sont connues et qu'elles corroborent l'intuition qu'on peut avoir de ta proposition dans une premiere lecture, du point de vue logique, ta proposition est equivalente a
"
L'ensemble des surfaces colorees de dimension nulle est vide".
Ce qui est demontrable (puisqu'initialement il s'agit d'une proposition de type existentiel, tu peux par exemple raisonner par l'absurde en supposant que cet ensemble n'est pas vide et aboutir a une contradiction du genre "la surface n'est pas coloree", "il ne s'agit pas d'une surface" ou "la dimension est non-nulle").
Si maintenant on se place du point de vue empirique, avec les memes precautions que ci-dessus, ta proposition est equivalente a
"
La probabilite que l'ensemble des surfaces colorees de dimension nulle soit vide est epsilon-voisine de 1".
Tu trouves ca "metaphysique"? Oui, peut-etre. Mais il s'agit surtout d'une proposition sans interet. C'est tout. Et elles sont majoritaires. Le role de la science est justement de selectionner celles qui ont du sens ou un quelque interet.
groucho max
P.S.: premier et dernier post de taille aussi importante.