Bretzel a écrit :Je vais vous dire ce qui me dérange réellement avec les gens qui croient dur comme fer à la version gouvernementale: La plupart que je connais sont aussi pour la guerre en Irak, en Afganistan, et ils croient réellement que la guerre en Libye était une "mission humanitaire" (dans un pays si riche en pétrole!).
Je passe sur l'aspect binaire qui consiste à penser que parce qu'on ne croit pas à un complot gouvernemental et qu'on ne remet pas en cause un certain nombre de faits et de discours gouvernementaux, on est forcement d'accord avec (ba non. Ce n'est pas parce que je ne conteste pas le fait que le 11 septembre soit le fait d'un complot terroriste que je suis d'accord avec l'invasion de l'Afghanistan, même si je comprends le lien de cause à effet.)
On pourrait d'ailleurs retourner le raisonnement en disant que ceux qui pensent que les actions américaines ou plus généralement de l'Otan sont une entreprise de domination mondiale déguisées sont en fait au service des régimes dictatoriaux qui ont été renversé. Mais ça serait peut-être tomber dans la réflexion facile dont ce garde, bien évidement, nos chers thrufer, n'est-il pas ?
Au de là de ça, j'insiste quand même sur un point qui me fait tiquer, à savoir le fait que Florence pointait du doigt en appelant ça un cas de "je n'y connais rien mais je donne mon avis" et qui semble vrai dans votre discours (comme quoi Florence est régulièrement d'une lucidité étonnante et je lui demande humblement si je peux lui consacrer un autel et lui sacrifier des moutons étant donné la preuve de sa divine compréhension.).
Le fait de pointer du doigt la présence de telle ou telle ressource naturelle dans un pays attaqué semble être l'alpha et l'oméga de la pensée stratégique des conspiros un peu bêbette, comme si le fait de dire qu'un pays a du pétrole était l'ultime preuve du fait qu'il y a un machiavélique complot derrière toute action militaire qui s'y passe.
Outre le fait qu'il faudrait quand même expliquer en quoi c'est une telle preuve, c'est une simplification caricaturale des enjeux géostratégiques (mot employé à dessein, la géostratégie étudiant les stratégies de contrôle de l'espace et donc, in fine, les enjeux de ressource et de terrain) que vous faites et que font la plupart des conspiros en ne considérant jamais les dynamiques de flux, les problématiques d'approvisionnement et l'élément coût/bénéfice d'une appropriation de ressource, puis de son exploitation, mais uniquement la géographie physique et statique des ressources.
En clair, la gestion d'une ressource est entièrement, pour les conspiros, du ressort de celui qui possèdent le territoire où elle est placée et donc toute action militaire viserait in fine à prendre le contrôle territorial de cette ressource (surtout si l'action est américaine.)
Comme pour la simplification "moyen-orient=aire musulmane", c'est une énorme caricature et on comprend tout à fait, quand vous sortez ce type de discours, pourquoi les conspiros sont à mille lieux de comprendre les enjeux et les mécaniques du monde. Je ne prétends pas moi même les comprendre entièrement, mais j'intègre certainement plus de donnée dans mes équations, donc j'ai peut-être quelques lieux de moins à parcourir que le conspiro moyen (reste à savoir combien...).
Encore, une fois, c'est quand même paradoxal de prétendre donner des leçons quand on s'en tient à un tel discours, où l'on prétend résumer un ensemble de territoire et de situation politique, culturelle, sociale, économique diverses en un seul mot et les enjeux d'une action militaire coalisé en une seule phrase.
Pour rester sur l'intervention en Libye, si on ne peut pas enlever totalement la question pétrolière, qui fait fatalement partie des enjeux, ne serait-ce que parce qu'une action militaire entraine l'arrêt prolonger de la production et donc un coût économique qui s'ajoute à celui utiliser pour le déploiement de troupe, le simple fait qu'il y ait du pétrole n'explique pas à lui tout seul cette action ou du moins, on ne peut pas la réduire à: invasion pour le pétrole et pillage.
Il ne faut pas raisonner qu'en terme de contrôle territorial, mais aussi en terme d'approvisionnement, de faciliter d'obtention, d'acheminement et d'emploi, d'enjeu stratégique régional, de compétition entre Etat.
Dans le cas de la Libye, il ne me semble pas que Khadafi menaçait particulièrement l'apport en pétrole des pays assaillant, ni qu'ils avaient, avant l'attaque, intérêt à faire tomber le régime. D'abord parce que Khadafi normalisait ses relations avec la communauté internationale depuis quelques années, ensuite parce que le pétrole Libyen était quand même très majoritairement exploité par les compagnies européenne et américaine.
Il n'y avait pas spécialement de problème d'approvisionnement non plus, ni de danger particulier pour la sécurité de celui-ci.
Bref, pas de raison particulière de faire la guerre, ni pour l'Europe, encore moins pour les américains, qui, si je me rappelle bien, n'ont pas un besoin absolument vital du pétrole Libyens (d'ailleurs l'arrêt d'une partie substantielle de la production n'a pas empêcher l'Europe et les USA de s'approvisionner même si le baril à augmenter)
En fait, si l'enjeu pétrolier a été de la partie pour décider de cette intervention (ce qui est probable, même si insuffisant pour expliquer celle-ci), c'est, à mon avis,qui vaut ce qu'il vaut, plus pour sécuriser la production qu'autre chose.
Les Européens et les Américains savaient, dès lors que Khadafi a vu son pouvoir menacé, qu'il y avait une possibilité bien réelle de guerre civile. Le pays a toujours été durablement parcouru de forces régionales en conflit, ne serait-ce que parce que la Libye n'a jamais vraiment été un ensemble politique unitaire avant la création du pays.
De fait, une guerre civile qui se prolonge dans un pays aussi proche des frontières des pays d'Europe, qui de surcroit produit du pétrole, est un problème majeur de stabilité pour l'approvisionnement mais aussi pour la sécurité des frontières, sachant que cela entraine des réfugiés, des problèmes avec des voisins qui, à ce moment, ont à faire avec leur propre révolution, sans parler du fait qu'il y a quand même aussi l'enjeu humanitaire.
Toute la question était de savoir si les troubles pouvait se calmer et si Khadafi pouvait reprendre la main. Les belligérants ont fait le pari que non et ont donc choisi d'accompagner le mouvement pour être sur de profiter du renouveau et surtout, parce que c'est plus ça qui est important, tenter de régler un problème potentiellement dangereux pour leurs intérêts tout en ressortant avec une image positive.
Ils ont plus tenter de maîtriser un feu (celui des révoltes arabes en général et l'instabilité de Khadafi en particulier) que tenter de contrôler un territoire où ils ont de toute manière déjà une influence non négligeable.
C'est évidement une analyse partielle, je ne prétends pas être dans le secret des délibérations stratégiques de l'Otan, mais j'intègre dans celle-ci quand même un peu plus de donnée que le simple enjeu pétrolier, lui même déjà décrit de manière réductrice par le discours thrufers habituel du "c'est pour le pétrole".
This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)