Yquemener a écrit :Oui, mais je répète qu'il s'agit d'une conviction forgée au fil des années à ne pas voir d'arguments contraires qui tienne la route.
Je me permets de penser qu'il est possible que tu n'aies pas tout à fait compris les idées derrière ces arguments. Je t'invite seulement (tout comme moi) à te remettre en question. Le but, c'est aussi d'avoir tort. D'autant plus que ce sujet reste assez largement philosophique. Si l'approche computationnaliste se veut une solution au problème de l'intelligence et de la conscience, comment est-il possible de la rendre réfutable? Tes réponses sont plutôt de l'ordre de la conviction, et non de l'ordre de la science.
Yquemener a écrit :Dave a écrit :Par contre, une chose qui me semble utile est d'établir des corrélations entre les états physiques et mentaux. La conscience devient alors immédiatement confondue avec sa façon d'être consciente. C'est déjà beaucoup plus scientifique.
Peux-tu donner un exemple? Tel que tu le décris j'ai l'impression que certains systèmes le font déjà.
Ce que je dis, c'est qu'il est plus enrichissant d'étudier le fonctionnement du corps humain, principalement le cerveau, pour mieux entrevoir ce que sont l'intelligence et la conscience, ou les mécanismes physiologiques qui sont (en partie, du moins) liés à elles, puisque cette activité est scientifique et ne suppose pas avoir déjà compris ce qu'est l'intelligence. Par contre, créer des lignes de code pour simuler une intelligence ne dit rien de plus sur l'intelligence que ce que l'on connait déjà, comme si nous avions compris ce qu'est l'intelligence, puisque, se dit-on, la machine simulerait bien les comportements apparentés à ce que l'on considère comme des comportements intelligents. On tombe alors dans ce qui est infalsifiable.
Yquemener a écrit :Peux-tu me prouver que tu ne simules pas ces sensations?
Non. Mais, les probabilités font que tu devrais faire comme si je ressentais vraiment une grande quantité de choses. Le solipsisme est une position intenable. Wittgenstein, entre autres, exprime en quoi c'est une telle position. D'ailleurs, ceux qui croient que « tout » ce qui existe doit être prouvé n'ont probablement pas compris que « tout » ne peut être prouvé et qu'il faut forcément baser nos preuves sur des axiomes ou des postulats, lesquels demeurent forcément en partie subjectifs.
Pour la connaissance/pratique, il est plus enrichissant de partir du postulat que la conscience émerge d'une inconscience « réglée », comme si la subjectivité provenait d'une pure objectivité. Mais, d'un point de vue philosophique et bien plus logique (je trouve), il est préférable de partir du postulat que l'un est irréductible à l'autre. La conscience et l'inconscience sont implicitement imbriquées (mêlées) l'un dans l'autre donnant une multitude de consciences-inconsciences. En effet, de constat, il n'y a pas d'objectivité pure. En science, on parlera d'observations ou de théories corroborées par une intersubjectivité. Ainsi, il y a une infime chance qu'un ensemble de règles de base (à priori inconscientes) produisent réellement une conscience-inconscience, puisque celles-ci se sont déjà extirpées d'une forme de conscience.
Question intermédiaire : Peux-tu TE prouver que tu les ressens vraiment au lieu d'avoir un circuit qui se contente de les simuler?
D'abord, l'un n'empêche pas l'autre. Si tu ne l'as pas déjà remarqué, j'établis une différence entre la conscience axiomatique (celle étant l'essence de l'existence en lui-même, le fait de ressentir) et la conscience façonnée, c'est-à-dire celle qui varie dans ses façons de ressentir, de percevoir, de penser, etc. Cette dernière correspond forcément à des manifestations matérielles (connaissables) variées. Ensuite, je « sais » que je ressens certaines choses. C'est une connaissance immédiate. J'ai connaissance de façons de ressentir. C'est justement à partir de la conscience que je peux prouver certaines choses. Évidemment, toute façon de ressentir est subjective et forcément en partie illusoire. Ma conscience-inconscience, étant limitée, n'arrive pas, par définition, à se débarrasser de toute illusion, mais le principe même de (se) ressentir ne peut pas (par nécessité) être une illusion en soi.
Yquemener a écrit :Si je montre que tous les comportements peuvent être programmés, on me répond « Ah, mais si tu dois tout programmer, c'est nul parce que le programme ne découvre pas les choses par lui-même. » Du coup, je montre qu'on peut aussi faire émerger des comportements et tu me réponds « Ah oui, mais si ça émerge c'est que tu ne comprends pas ce qui se passe ». Sérieux, je dois faire quoi pour vous convaincre?
Justement, je me demande bien ce que tu cherches à démontrer exactement. Car, dans la façon dont je te comprends, je ne vois pas la falsifiabilité de ton approche. Je crois qu'il est possible de simuler n'importe quel comportement apparent, je ne dis pas le contraire. Cependant, les comportements émergents ne seront pas nécessairement compréhensibles au même niveau. Aussi, tu sembles plutôt parler d'une émergence faible, tandis que la conscience semble surtout issue d'une émergence forte.
Le problème, c'est qu'il y a, à priori, un nombre pratiquement infini de comportements intelligents possibles. Puisqu'il faut bien arrêter la programmation un jour, on suppose alors que la base limitée de comportements programmés fera émerger les autres comportements intelligents restants (possibles) que l'on n'a pas programmés. Cette supposition n'est qu'un espoir non démontré. En effet, puisque, par incomplétude, on ne peut pas comprendre la liaison fondamentale, c'est-à-dire ce qui relie ensemble toutes les formes d'intelligences connues et possibles, nous n'avons alors pas démontré que les comportements émergents seront potentiellement ceux (qui sont connus ou qui le seront) que l'on n'a pas programmés, puisque certains comportements intelligents peuvent être indépendants de certains autres comportements intelligents.
Aussi, sinon, en quoi, selon ta définition de l'intelligence, un programme d'échecs ne serait-il pas intelligent? Ne penses-tu pas que ceux affirmant que le meilleur programme d'échecs n'a aucune intelligence en lui-même ne disent pas une bêtise?
Ce que l'on peut percevoir et connaitre de la réalité est une partie dénombrable de celle-ci qui, elle, peut (très certainement) être non dénombrable. Autrement dit, si la conscience (et l'intelligence) ne se limite pas à une partie dénombrable de la réalité, alors la base dénombrable (les connaissances humaines) qui cherche à la construire sera forcément insuffisante. Le modèle n'est pas la réalité.
La flexibilité d'un programme peut être suffisante à l'adaptabilité et à l'apprentissage.
Non. Il faudrait plutôt dire que la « flexibilité » d'un programme est suffisante à certains types précis et connus d'apprentissage et d'adaptabilité. Car, sinon, ton affirmation suppose que nous comprenons parfaitement ce qu'est l'apprentissage et donc la métacognition.
Yquemener a écrit :Dave a écrit :Si l'on décide qu'une procédure purement mécanique est l'expression d'une intelligence seulement parce qu'elle en a toutes les apparences, d'accord. Mais, on ne peut pas en conclure pour autant que cette procédure « ressente » sa seule propre existence intelligente, qu'elle soit dotée de conscience.
Même question que plus haut : dis-moi comment tu prouves que toi, tu ressens réellement ta propre intelligence et je te programme un truc qui passe le test.
En ne répondant pas à ma question, tu passes à côté de ce que j'essaie de te faire comprendre. À savoir, je te montre qu'il existe une façon de voir la conscience et l'intelligence de telle sorte qu'il est vraiment possible de ne pas pouvoir la programmer. C'est une question de point de vue. Je ne vois pas en quoi mes points seraient irrecevables. Ta réponse demeure tautologique. Je ne peux pas prouver ma conscience, puisque je me base déjà sur elle pour prouver d'autres choses. Par ailleurs, une loi de la nature, même si elle fonctionne, il y a une chance sur l'infini qu'elle soit absolument vraie. Il y a une chance sur l'infini que la réalité soit vraiment dénombrable (à un niveau accessible à nous).
Yquemener a écrit :Sauf que X ici signifiait « conscience », donc argument rejeté.
Ça dépend. Selon mon évidence, sans conscience en soi, rien n'existe. Grosso modo, la conscience peut être comprise comme l'essence de l'existence. J'en ai pourtant déjà glissé un mot. Je me demande si tu me lis sérieusement, sans juger à priori que certains passages sont abscons ou absurdes.
Ben oui. Si tu trouves que par exemple l'apparition de la vie consciente dépend d'une certaine quantité d'antimatière au moment du Big Bang, tu peux imaginer qu'un tel univers puisse exister. Aujourd'hui on a du mal à dire si c'est possible, car il nous reste des inconnues sur les conditions de l'abiogenèse et les conditions nécessaires à l'apparition de la vie intelligente, mais rien ne dit que dès qu'un univers existe, ces phénomènes apparaissent. Il est même relativement probable que ce ne soit pas le cas!
Mais, c'est encore à partir de notre conscience subjective que nous trouverions comment apparait cette subjectivité. Ne vois-tu pas qu'il y a un argument circulaire implicite dans ton explication? C'est comme si tu n'acceptais pas la possibilité que l'humain, étant forcément limité, ne pourra jamais tout comprendre. Je dis que la subjectivité serait simplement l'expression de cette impossibilité, de ce qui est inconnaissable, et pourtant réel. Si l'univers n'a aucune conscience ou forme de conscience, c'est donc qu'il n'a aucun point de vue sur lui-même, aucune relation (ou liaison) à lui-même. Comment peut-il alors exister, être différent du néant? De plus, ton explication force l'apparition d'un temps de l'univers, comme si l'univers était dans le temps, alors que c'est l'inverse. C'est normal, ton explication est reliée à ce qu'on peut imaginer de sensé comme explication, mais elle reste conditionnée par notre limite, notre expérience inévitablement soumise à une forme ou une autre d'espace-temps.
Si tu as redéfini « conscience » pour vouloir dire « existence », ma démonstration est donc très simple : le programme émet des informations, il existe donc, il est donc conscient.
À ce moment, je parlais de la conscience en soi, et non de consciences particulières. Tout ce que ça démontre, c'est que le programme est lié à une forme de conscience (la nôtre). Ça n'implique pas qu'il soit conscient en lui-même.
Sans définition claire, tu peux bien dire ce que tu veux!
Justement, par essence, la conscience sera toujours mal définie. Ce que j'essaie de t'expliquer est pourtant clair à mes yeux. J'ai dit :
Dave a écrit :Pourrait-on alors plutôt assimiler la machine à la projection et l'expression d'une forme de conscience humaine liée à ses solutions logiques actuelles?
Si le programme n'a pas de conscience immédiate de lui-même, s'il n'a pas la sensation ou la sensibilité en lui-même, on ne peut pas dire qu'il existe de la même façon que l'humain conscient.
Yquemener a écrit :Si je me souviens de ma philo, les qualia sont les stimulus bruts. Pas la conscience. On peut arguer que la moindre caméra USB génère des qualia.
Source?
Non-comptabilité et non-décidabilité sont des problèmes différents. Et le fait que les humains ne sont pas non plus capables de résoudre ces problèmes montre que ce n'est pas nécessaire à un système intelligent.
Quels problèmes? Le théorème de l'incomplétude est utilisé pour démontrer que certaines choses ne sont pas programmables. Tu m'as déjà même donné un exemple, il y a plusieurs années. Es-tu au moins d'accord pour dire que tout n'est pas programmable? Si oui, en quoi les arguments de ceux t'expliquant la réelle possibilité que la conscience ne soit pas programmable seraient-ils irrecevables? Comment pourrait-il y avoir des choses non programmables tout en ayant une subjectivité (ce qui est, par définition, une chose mystérieuse) forcément programmable?
Cordialement.