Raphaël a écrit :Pourquoi le jumeau sédentaire aura-t-il plus vieilli que l'autre ? Je ne vois pas d'explication du phénomène dans ce que tu dis.
C’est normal puisque je ne l’ai pas donnée, or elle ne saute pas immédiatement aux yeux. C'est ce que l'on appelle
le paradoxe des jumeaux de Langevin. Ce point a d'ailleurs été vérifié expérimentalement en 1971 par
Hafèle et
Keating avec
deux horloges atomiques embarquées dans deux avions ayant fait le tour de la terre en sens inverse.
On peut calculer le vieillissement moindre, entre son départ et son retour, du "jumeau voyageur" (le jumeau qui ne reste pas tout le temps au repos dans un seul et même référentiel inertiel) par rapport à son "jumeau sédentaire" (celui qui reste tout le temps au repos dans le même référentiel inertiel).
On suppose (par exemple) :
- qu'à l'aller, le jumeau voyageur s'éloigne en ligne droite à vitesse v du jumeau sédentaire,
- qu'au retour, le jumeau voyageur revient sur ses pas en ligne droite à vitesse v vers son jumeau sédentaire.
On appelle T la durée, mesurée par le jumeau sédentaire, séparant :
- le moment où son jumeau voyageur est parti,
- du moment (sur la ligne d’univers du jumeau sédentaire) simultané (au sens de la simultanéité ayant cours dans le référentiel inertiel du jumeau sédentaire) avec le retournement du jumeau voyageur.
On peut alors calculer le vieillissement du jumeau voyageur.
- A l'aller, le vieillissement propre T1 du jumeau voyageur vaut : T1 = T(1-v²/c²)1/2
- Au retour, le vieillissement propre T2 du jumeau voyageur vaut : T2 = T(1-v²/c²)1/2
- Au total, entre le départ et le retour du jumeau voyageur, le jumeau sédentaire aura vieilli de 2T alors que, entre ces deux mêmes évènements, le jumeau voyageur aura vieilli de seulement T1+T2=2T(1-v²/c²)1/2.
Ça se verra à la fois par l’indication temporelle des instruments de bord du voyageur et par la jeunesse du jumeau voyageur par rapport au jumeau sédentaire. Le temps biologique est un temps atomique. L’horloge du jumeau voyageur n’a jamais ralenti ou accéléré par rapport à son temps biologique et ne l’a donc pas informé qu’il vieillissait moins vite que son jumeau sédentaire.
La question qui vient immédiatement à l'esprit est la suivante :
qu'est-ce qui fait que l'on a pas le droit d'appliquer le même raisonnement en inversant le rôle du jumeau voyageur avec celui du jumeau sédentaire ? Par quel phénomène mystérieux la symétrie de point de vue est-elle brisée ? La raison en est la suivante.
Le jumeau sédentaire est tout le temps dans le même référentiel inertiel R0, alors que le jumeau voyageur est :
- à l'aller, au repos dans un référentiel inertiel R_aller se déplaçant à vitesse v dans un sens par rapport à R0,
- au retour, au repos dans un référentiel inertiel R_retour se déplaçant à vitesse v dans l'autre sens par rapport à R0.
.
Si on considère maintenant les
deux référentiels inertiels successifs
R_aller et R_retour du jumeau voyageur, on notera que :
- l'évènement localisé à l'emplacement du jumeau sédentaire au moment où le jumeau voyageur « rebrousse chemin » au sens de la simultanéité du référentiel inertiel R_aller du jumeau voyageur à l'aller est différent,
- de l'évènement localisé, aussi, à l'emplacement du jumeau sédentaire au moment où le jumeau voyageur « rebrousse chemin » mais cette fois au sens de la simultanéité du référentiel inertiel R_retour du jumeau voyageur au retour.
On a donc un "saut de simultanéité" (la simultanéité entre deux évènements dépend du référentiel inertiel considéré). Si on ajoute les vieillissements T1 (1-v²/c²)
1/2 et T2 (1-v²/c²)
1/2 du jumeau sédentaire calculés par le jumeau voyageur, on obtient un total de 2T(1-v²/c²) au lieu de 2T.
Il manque le terme 2Tv²/c².
En effet, en rebroussant chemin, le jumeau voyageur a "sauté" du référentiel inertiel R_aller au référentiel R_retour. Si on ajoute les durées propres aller + retour du jumeau sédentaire calculées par le jumeau voyageur
dans ses deux référentiels inertiels successifs sans tenir compte de ce saut de simultanéité, on obtient un vieillissement propre du jumeau sédentaire moindre que celui du jumeau voyageur.
Ce résultat est faux.
C'est le jumeau sédentaire qui vieillit le plus entre le départ et le retour de son jumeau voyageur.
L’erreur de calcul vient du fait que l’on a oublié d’ajouter à 2T(1-v²/c²) le vieillissement 2Tv²/c² du jumeau sédentaire entre :
- L’évènement (de la ligne d’univers du jumeau sédentaire) simultané avec le retour de son jumeau voyageur au sens de la simultanéité de son référentiel inertiel R_aller à l’aller.
- L’évènement (de la ligne d’univers du jumeau sédentaire) simultané avec le retour de son jumeau voyageur au sens de la simultanéité de son référentiel inertiel R_retour au retour.
On trouve le bon résultat (confirmé expérimentalement en 1971 par l'expérience de Hafèle et Keating) si l'on tient compte du saut de simultanéité induit lorsque le voyageur "saute" du référentiel inertiel R_aller au référentiel inertiel R_retour quand le jumeau voyageur décide de rebrousser son chemin.
On peut s'en sortir sans avoir bien assimilé le caractère relatif de la simultanéité en RR en appliquant simplement la règle suivante. Le vieillissement propre d'un observateur
inertiel ou non inertiel le long de sa ligne d'univers entre un évènement initial z1 et un évènement final z2 peut être calculé par intégration
dans n'importe quel référentiel inertiel. On obtiendra le bon résultat, mais
à condition de faire, du début à la fin du calcul intégral, le calcul d'intégration du temps propre dtau = ds/c
dans le même référentiel inertiel.