steph a écrit :Impossible de trouver une étude scientifique(hors de tout doute), quand on parle de psy, certain vont dire que c'est de la science humaine, mais au fond c'est de la philosophie humaine, par contre on peu trouver des études basé sur des statistiques(qui valent ce qu'elles valent).
C’est exactement la raison pour laquelle je n’ai pas répondu à la question. Ça n’existe pas UNE étude qui démontrerait que la psychothérapie ne marche pas pour telle question de santé publique précise. Le problème est beaucoup plus général.
En fait, il se pose en terme historique et scientifique. Alors que la psychothérapie est devenue omniprésente dans nos sociétés, il faut se demander si cette utilisation de plus en plus répandue de cette thérapeutique s’est développé à partir d’une base scientifique de connaissance ou, pour le résumer grossièrement, si c’est le marketing des ordres professionnels et les croyances populaires qui ont contribué à son épanouissement.
Je résume près de 60 ans de recherche en psychothérapie par ce constat : les données de la science révèlent une efficacité statistiquement significative à l’intervention psychothérapique en général, lorsqu’on la compare à l’absence de traitement, mais cette efficacité ne s’élève toutefois que légèrement au-dessus de l’effet placebo, une donnée signalant sa faible amplitude. Lorsque l’on compare ensuite l’efficacité de divers types de traitement psychothérapique, cette fois la différence entre eux devient presque nulle, autre résultat démontrant à quel point aucun ne se distingue des autres en tant que traitement spécifique d’une forme particulière de psychopathologie (Rapport de l’Inserm 2004, Matt et Navarro 1997, Wampold et al. 1997, tableau 2, p. 210), hormis la thérapie cognitivo-comportementale.
Le rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), en France, se basant sur la méta-analyse de 700 études de l’efficacité des psychothérapies réalisées sur une période de 60 ans, constatait en effet la supériorité répétée de la thérapie cognitivo-comportementale et la stabilité de ses effets pour divers troubles dit “psychologiques”. Soulignons que, dans ce cas précis, on ne parle plus de “psychothérapie” mais bien seulement de “thérapie”, pour signifier le changement de paradigme complet lorsque l’on parle de ce type de traitement, qui s’inscrit sous le grand parapluie des thérapies de ré-éducation, et qui n’a plus rien à voir avec celui des psychothérapies instrospectives “en profondeur”. Le rapport de l’Inserm ajoutait du même souffle ne pas pouvoir identifier un bon deuxième parmi les thérapies de soutien, gestalt, psychodynamique ou psychanalytique pour le critère de l’efficacité générale de la psychothérapie. Ses auteurs concluaient en toute logique «
qu’on peut s’attendre à ce que certaines formes de thérapie jouent un rôle plus important que d’autres pour expliquer “l’effet positif” global de la psychothérapie lorsque toutes les formes sont considérées ensemble dans l’analyse » (Rapport Inserm 2004, p. 386). En outre, nous savons depuis la méta-analyse de Smith et Glass de 1977, une conclusion qui n’a jamais été démentie depuis, que l’efficacité de la thérapie ne vient ni du titre professionnel du thérapeute (doctorat, maîtrise ou baccalauréat ne change rien à l’efficacité du thérapeute) ni de son expérience (un an ou vingt-cinq années de pratique ne change rien à sa compétence), que le type de thérapie n’influence pas l’efficacité du traitement et que le succès de la thérapie ne dépend aucunement de sa durée.
Il serait beaucoup trop long de tenter de résumer ce débat qui dure depuis que la psychologie clinique existe, mais les quelques citations suivantes devraient vous aider à comprendre pourquoi je considère la psychologie clinique comme le plus grand canular scientifique du vingtième siècle:
La psychologie clinique est l’exemple classique de la camelote scientifique.
Dans son livre de 1993, La revanche de Galilée: la camelote scientifique au tribunal, Peter Huber la définit ainsi:
La camelote scientifique est l’image miroir de la vraie science, partageant une forme presque identique, mais rien de la substance... C’est un fatras de données biaisées, d’inférences fallacieuses et de logique illusoire, rapiécées par des chercheurs dont l’enthousiasme pour la découverte et le diagnostic surpasse allégrement la compétence. C’est un catalogue de toutes les erreurs possibles et imaginables: saupoudrage de données, pensée magique, dogmatisme agressif et, encore et encore, de fraude patente.
Il existe d’innombrables manières de faire de la mauvaise science et la camelote scientifique qui compose le corpus de la “connaissance” de la psychologie clinique parvient à exemplifier chacune d’entre elles. Les multiples échecs de la psychologie à être une science n’étonnent guère quand on considère les racines de la pratique clinique moderne. Il est impossible de comprendre l’essence de la camelote scientifique clinique sans comprendre, dans ses grandes lignes, la “science” clinique telle que la pratiqua le père de toutes, le grand homme lui-même, Sigmund Freud.
Hagen 1997
D’innombrables façons, l’industrie de la psychologie populaire façonne le paysage mondial du début du 21ième siècle.
Pourtant, dans une étonnante proportion, la plupart des affirmations de la psychologie que nous croyons vraies ne le sont pas. Bien que l’information diffusée par la psychologie populaire soit facilement accessible, grâce aux livres en librairie ou du bout des doigts sur la toile, elle est dominée par les mythes et les idées fausses. De fait, dans le monde frénétique, surchargé d’information d’aujourd’hui, l’information erronée de la psychologie circule autant que l’information exacte. Malheureusement, peu de livres utiles sont disponibles pour nous aider dans la difficile tâche de distinguer les faits de la fiction en psychologie populaire.
Lilienfeld
et al. 2010.
La psychologie est devenue un gros business. Il n’est tout simplement plus exact d’en parler comme d’une science et il est assurément trompeur de la qualifier de profession. Le faire entretient la fausse impression que tous les psychologues sont compétents, sérieux, guérisseurs attentionnés qui mettent continuellement leur désir de soulager la souffrance des autres au-dessus de leurs intérêts commerciaux. Ce serait généraliser que de dire qu’il n’existe aucun psychologue présentant ces qualités admirables. Ces individus existent réellement. Ils sont cependant difficiles à trouver au milieu des nombreux ouvriers qui chargent un tarif horaire pour leur compassion et qui apposent un prix à leur croyance sans fondement. D’une façon générale, la psychologie n’est ni une science, ni une profession, mais plutôt une industrie centrée sur ses propres intérêts et animée par des motivations financières.
Ce livre parle de l’industrie — de l’entreprise qui change les gens en victimes ayant besoin de services psychologiques. Durant les dernières années, j’ai ressenti l’obligation éthique de non seulement me dissocier personnellement de cette industrie, mais aussi de m’élever contre elle et de prendre toutes les mesures possibles pour restreindre son influence. Il ne m’est désormais plus possible d’ignorer la régurgitation des “faits”, “interprétations”, “solutions” psychologiques et d’éviter de faire face à l’ampleur de leur influence pernicieuse. D’une certaine façon, ce livre est mon excuse pour toutes ces décennies où je me suis “mordue les lèvres”. Il faut regarder froidement et sérieusement les effets nuisibles que les psychologues ont eus sur les gens et sur la société.
Dineen 1998.
Le mouvement du souvenir retrouvé révéla au grand jour à quel point la psychologie expérimentale s’était éloignée de la psychologie clinique. Après la seconde guerre mondiale, les deux mondes essayèrent de conclure une alliance: le modèle “scientifique-clinicien” gouvernerait la formation des psychologues cliniciens, ces derniers se fiant aux découvertes les plus pertinentes de la recherche en psychologie pour diagnostiquer et traiter les clients. [...] Mais à l’instar des Dix commandements, le modèle scientifique-clinicien fut plus facile à prêcher qu’à obéir. Les tensions inhérentes entre les deux groupes s’amplifièrent, et dès le début des années 1990, chercheurs et cliniciens parlaient ouvertement du “fossé scientifique-clinicien” (Persons, 1991).
De nos jours, toutefois, parler de “fossé” équivaudrait à parler de “fossé” israélo-arabe au Moyen-Orient. Il s’agit plutôt d’une guerre, impliquant des croyances profondément enracinées, des passions politiques, des opinions sur la nature humaine et sur la nature de la connaissance et — comme toute guerre le fait ultimement — de l’argent, un territoire et un moyen de subsistance.
Tavris 2004.
RAPPORT de l’Inserm (2004);
Psychothérapie. Trois approches évaluées; éditions Inserm, Paris, 553 pages.
MATT, Georg E.; NAVARRO, Ana M. (1997); What meta-analyses have and have not taught us about psychotherapy effects: a review and future directions;
Clinical Psychology Review, volume 17, no. 1, pp. 1 – 32.
WAMPOLD, Bruce; MONDIN, Gregory W.; MOODY, Marcia; STICH, Frederick; BENSON, Kurt; AHN, Hyun-nie (1997), A Meta-Analysis of Outcome Studies Comparing Bona Fide Psychotherapies: Empirically, “All Must Have Prizes”,
Psychological Bulletin, Vol. 122, No. 3, pp. 203-215.
HAGEN, Margaret A. (1997);
Whores of the Court. The Fraud of Psychiatric Testimony and the Rape of American Justice; Regan Books, New York, 352 pages.
LILIENFELD, Scott O.; LYNN, Steven Jay; RUSCIO, John; BEYERSTEIN, Barry L. (2010),
50 Great Myths of Popular Psychology, Wiley-Blackwell, 332 pages.
DINEEN, Tana (1998);
Manufacturing Victims. What the Psychology Industry is Doing to People; Robert Davies Publishing, 420 pages.
TAVRIS, Carol (2004); The Widening Scientist-Practitioner Gap. A View from the Bridge, pp. ix - xviii; in LILIENFELD, Scott O.; LYNN, Steven Jay; LOHR, Jeffrey M.;
Science and Pseudoscience in Clinical Psychology, The Guilford Press, New York, 474 pages.