Greem a écrit :Ou alors, on peut supposer que si les gens rejettent le libre arbitre, c’est qu’ils ont compris le principe de causalité (contrairement à toi) et qu’ils savent faire la distinction entre déterminisme et prédestination,...
À mon avis, c’est bcp trop optimiste de penser ça Greem. Observe juste toi et moi (
entre autres, sans parler de EB et de Psyricien et des autres), combien de temps et d’échanges cela nous à pris, avec toute la bonne volonté du monde, pour arriver à se comprendre, à saisir que nos conceptualisations n’étaient pas si différentes, au final. De plus, plusieurs membres de ce forum sont relativement intelligents, possèdent plus de connaissances que la moyenne et s’intéressent à la pensée critique, aux biais et sophismes, etc. Sérieusement, je doute fortement que « M. & Mme tout le monde » (
qui ont d’autres loisirs et centres d’intérêt que les nôtres) sachent (
et prennent le temps de) faire la distinction entre déterminismes/prédestination.
Ça va fort probablement être interprété « tout croche » et en vitesse, au même titre que presque tous les gens que je connais qui croient encore que la girafe s’est fait allonger le cou pour s’adapter à son milieu (
quand je leur demande qu’est-ce que la théorie de l’évolution, etc.).
Greem a écrit :car s’il y a bien une tendance qui, contrairement à tes suppositions, est bien réelle, et nuit au progrès, c’est la croyance du libre arbitre. À quoi bon se casser la tête à mieux comprendre les causes qui déterminent les individus si on peut tout expliquer par le libre arbitre?
J’peux pas être d’accord avec ça, car ce n’est pas du tout ce que j’observe, concrètement, de façon générale, autour de moi. Je m’explique...
Oui, la majorité des gens croit être libre, mais ça, c’est surtout quand ça fait leur affaire (
les bons coups~choix effectués, leurs « qualités », leurs réalisations dont ils sont fiers, etc.)!
Dès qu’ils ont un « problème », P. Ex, alcoolisme, jeu, dépendance à la cigarette, aux drogues, au sexe, problèmes d’anxiété, d’impulsivité~comportements, irresponsabilité, paresse, etc., tout d’un coup, la majorité ont curieusement tendance à se déresponsabiliser et à mettre tout ça sur le dos de la « fatalité », de la « nature humaine », de la « maladie », de traumatismes remontant à l'enfance, de l'éducation~conditionnement parentale, de contraintes « extérieures », etc.
Bref bien qu’ils utilisent un lexique, des termes et concepts en rapport avec leurs connaissances (
souvent « maigres » en science), ils conçoivent, sur le fond, et, surtout, préfèrent nettement mieux mettre tous ces problèmes sur le dos de « facteur » qui sont « hors de leur contrôle » (
du moins en grande partie et assez souvent). Et ne parlons même pas de tous les zozos qui croient « au destin » ou de tous les « mâles » qui justifient leurs comportements inappropriés sous prétexte que « c’est la nature bla-bla-bla », etc. Citons également les circonstances atténuantes au niveau judiciaire de type « non coupable pour cause d’aliénation mentale passagère », etc.
Bref, perso, j’observe un rapport de force relativement équilibré, dans la société, en pratique, entre les deux notions, même si c’est fait plus ou moins consciemment par tout un chacun.
Greem a écrit :À quoi bon se casser la tête à mieux comprendre les causes qui déterminent les individus si on peut tout expliquer par le libre arbitre?
Tu exagères et pas qu’un peu (
en plus de créer une espèce de faux dilemme basé sur un strawman : « tout expliquer »)! Tu peux citer des faits concrets, des situations qui démontrent ce que tu avances? Parce que dans les faits, la science (
et la médecine, entre autres) n’attend pas du tout l’accord ou l’opinion du public et des philosophes, concernant le libre arbitre, pour procéder, faire des recherches, et appliquer des solutions. Dès qu’il y a possibilité de faire du $$$, des entreprises flairent la « bonne affaire » et trouvent le moyen d’exploiter les connaissances scientifiques et de vendre ce qui peut inhiber, freiner ou bloquer certaines « fatalités » (
ou, au contraire, exciter~stimuler ce qui n’agit plus assez chez certains).
J’trouve ta vision un peu extrême, plutôt binaire et surtout fantasmagorique, comme si nous vivions dans un monde ou la croyance au libre arbitre (
au sens absolu ou « émancipateur », comme tu dis) était autant d’actualité que le terrorisme et telle qu’elle causerait de graves problèmes et empêcherait la science et la médecine de progresser.
En fait, concrètement, il n’y a que le système de justice qui pourrait être revue, même s’il tient déjà compte, dans une certaine mesure (
visiblement pas suffisante pour toi) des circonstances.
Mais pour cet aspect précis, ce sont surtout des problèmes d’ordre « pratico-pratique » qui entrent en jeu...
— on ne possède pas encore la capacité de « corriger » certains (
euphémisme) « problèmes ». Que faire d’autre que ce que l'on fait déjà avec ceux qui sont nuisibles pour la société?
— comme tu le précises toi-même, déterminisme et prédestination sont deux choses distinctes et nous sommes d’accord (
j’espère que c'est encore le cas) que nous avons quand même la capacité de ne pas donner suite à certaines « pressions » internes/externes. Du coup, comment effectuer la distinction entre une pression telle qu’elle
accable un individu, ce qui lui enlève donc toute responsabilité, d’une autre qu’il aurait été en mesure de pas donner suite, ce qui le rend alors, de fait, responsable? Et quoi faire jusqu’à temps d’être en mesure d’effectuer cette évaluation? ...sinon que de procéder de façon générale comme nous le faisons présentement?
Bref, en ce qui concerne l’aspect de la justice, cela ne me parait pas tant être un problème de valeurs~cultures sociales, d’acceptation des résultats d’études scientifiques ou de débats « philosophico~éthiques » (
ce qui viendra, nécessairement en temps et lieu), mais surtout le fait que nous ne disposons pas encore des connaissances scientifiques, techniques et moyens permettant d'évaluer et de déterminer quand un individu précis, face à une circonstances précise, est plus ou moins responsable de ce qu’il fait (
est-il permis d'envisager qu'on puisse y arriver un jour? Avec un taux d'erreur assez minime pour qu'on accepte, collectivement, de se baser sur ce genre d'évaluation? Je sais pas!).
Du coup, j’arrive pas à concevoir en quoi la société se porterait mieux si, à partir de maintenant (
avant d’avoir les moyens d’évaluer scientifiquement la responsabilité de chacun), nous partions « en croisade » pour faire accepter « au grand public » qu’ils ne sont pas aussi libres qu’ils le croient (
en toute occasion). La seule chose que ça risque de faire — pour l’instant — c’est de déresponsabiliser encore plus certains abrutis, àmha. En ce sens, je partage les propos de jean7.