Salut Psyricien!
Je constate que tu as une vision très scientifique du problème de l'observabilité et, sincèrement, je trouve ça très bien. J'arrive même à comprendre une bonne partie de ce que tu tentes patiemment de m'expliquer (enfin, je l'espère). Le seul souci, c'est que je ne pense pas, ici, ce problème en cette approche pragmatique et scientifique. J'utilise une définition qui me semble plus intuitive. En fait, je ne suis même pas certain qu'il y a un vrai problème ici (une vraie contradiction problématique).
La manière dont je peux appréhender l'idée de « Dieu » (si celui-ci existait), c'est que, par rapport à nous, à notre univers (relatif), il serait « en toute chose », dans chaque observation (ou bien « nulle part en particulier », selon le point de vue). Alors, en ce sens, je pourrais dire effectivement que « Dieu » est observable (il serait présent dans chaque observation) s'il existe, puisqu'il serait intrinsèque à toute interaction. Mais, à quoi mènerait ce genre d'observation? Qu'est-ce que ça changerait si l'on disait « j'observe Dieu » ou si l'on disait « je ne l'observe pas »? Il est complètement improuvable de toute façon. D'ailleurs, être improuvable (par définition) et ne pas réussir à prouver quelque chose (qui n'est pas nécessairement improuvable, on s'entend) sont deux choses différentes. Lorsque l'on prouve une chose, il n'y a plus lieu de se demander si cette chose est prouvable ou non. Par contre, il n'est pas toujours facile de savoir si une chose (une conjecture) est prouvable ou non. Parfois, vraiment, on n'en sait rien, et c'est bien normal.
Je constate que tu comprends de mes propos que, pour moi, ce qui est improuvable implique forcément que c'est inobservable. Je ne pense pas avoir dit une telle chose en général (bien que j'ai dit, dans le cas de « Dieu », qu'il est, par définition, inObservable). Mais, si jamais j'ai sous-entendu une telle chose dans le cas général, j'ai manqué de nuance, car, dit comme cela, ça me semble effectivement faux. Pour moi, il est sous-entendu qu'une chose est Observable si l'on peut (au minimum) la différencier d'une autre chose Observable.
Il me semble que le phénomène de l'interprétation (ou de la conception) est constamment en activité dans le cerveau et agit à plusieurs niveaux (à la fois consciemment et inconsciemment). On peut effectivement observer un phénomène (particulier) sans le prouver, c'est-à-dire sans bien le comprendre ou le rattacher à la théorie (ou la conjecture) en vigueur. Par contre, peut-on observer un phénomène (reproductible) qui soit absolument impossible à comprendre à tout jamais (en supposant qu'on a tout le temps voulu pour le comprendre)? C'est peut-être le cas, mais je n'en suis pas si certain. Enfin, ça, je n'en sais rien. Tu avais peut-être une autre manière d'évoquer le terme « prouvable »?
Si nous observons certaines informations (données, faits), n'y a-t-il pas eu au préalable une sorte de décodage du cerveau, une sorte d'entrainement naturel à pouvoir capter ces informations? Ça semble bien être le cas. Pour moi, ce décodage est d'emblée une forme de compréhension, d'interprétation ou de conception (j'y vais large avec les termes) du cerveau.
Psyricien a écrit :Dave a écrit :Dans l'exemple (la position « échec et mat »), les informations pourraient être : couleurs, formes, luminosité, radioactivité, etc. Il n'y aura pas l'information « échec et mat », car elle n'a pas été « conçue » au préalable.
Ton observation sera cependant possible... extraire l'info pertinente par l'interprétation de ton observation, pas forcément.
Pour moi, l'observation revient justement à collecter les données (les informations). On ne peut pas collecter ce qu'on ne sait pas observer (consciemment ou inconsciemment). Cette collecte est déjà une forme d'extraction première, une forme de connaissance, de savoir naturalisé.
Je note que tu as écrit « observation » (avec la minuscule). J'ai beaucoup de difficulté à comprendre la pertinence du concept de l'Observabilité. Dans le cas de « Dieu » (ou de la créativité fondamentale), par définition (négative), il sera toujours impossible de savoir si l'on observe (toujours) « Dieu » ou non (ni par l'Observation directe, ni par l'interprétation ou par l'Observation indirecte). Pour moi, cela suffit à dire qu'il est inObservable. Ensuite, en tenant compte de ces considérations, nous sommes libres de penser pragmatiquement qu'il n'existe donc pas ou de rester logiquement prudents en pensant qu'il peut néanmoins exister ou non.
Psyricien a écrit :Dave a écrit :Il y a plusieurs types d'information en science que nous n'aurions pas découverts par les instruments appropriés sans un effort de théorisation et d'objectivation permettant de les concevoir.
Plusieurs types d'informations? Exemples?
Vite comme ça, je pense au « spin » d'une particule, aux longueurs d'onde de la lumière non visible (directement par l'oeil). Je ne comprends pas pourquoi tu me poses cette question.
Psyricien a écrit :Quand ton corps reçoit des photons, pour toi c'est une interprétation? Non, c'est une mesure!
C'est une mesure, d'accord! N'empêche que dans ma façon de comprendre la perception, il subsiste néanmoins une forme d'interprétation (irréductible, inconsciente) du cerveau (dans l'idée de « photons », par exemple). On dit même parfois que le cerveau est un sixième sens (enfin, ça vaut ce que ça vaut). En tout cas, il semble y avoir une certaine continuité (voire une circularité semi-progressive, si j'ose dire) entre la perception et l'interprétation.
Par contre, c'est vrai que, en science, on sépare consciemment et clairement les deux procédures, et je ne suis pas contre cette méthode, bien au contraire. Mais, pour moi, ça ne veut pas dire pour autant que la réalité est « toute blanche ou toute noire », ou que la perception est complètement séparable de l'interprétation d'une façon réelle. Il n'est pas impossible que « la » réalité soit, en un sens, paradoxale.
Psyricien a écrit :Revenons à la discussion et prenons un exemple.
Supposons que « Dieu » existe au sens dont nous avons convenu de l'existence. S’il existe, c'est qu'il a une action sur d'autres éléments de l'univers.
Où est-ce que j'ai convenu du sens de l'existence? Je remarque que j'ai peut-être commis une erreur en laissant croire que la réalité purement « objective » ne pouvait réellement pas exister. Mais, pour moi, elle n'existe pas tout à fait, car l'objectivité (pure, seule, sans subjectivité) m'apparait comme une idée contradictoire en soi. Cependant, je ne veux pas faire dériver la conversation vers ce point trop métaphysique. J'imagine aussi que tu voulais dire «... convenu de l'existence de Dieu ».
Je comprends ici l'univers comme la « totalité » de ce qui existe. Sinon, pourquoi ces « éléments » devraient-ils forcément être dans « notre » univers (observable) relatif? Dieu n'est pas « séparable ». Un bout fini (de l'infini ou non, c'est improuvable) est de nature très différente de l'infini lui-même.
Psyricien a écrit :Concrètement selon toi, qu'est-ce qui m’empêche « d'observer » cette action (que je la comprenne ou pas)?
Notre finitude? Notre conditionnement? Un univers (total) en multivers? Je te rappelle que je suis en mode philosophique (logique). Comprendre (scientifiquement, vraiment), c'est déjà une exclusion de Dieu. Le problème entre nous deux me semble n'être qu'une question de définition.
À mon sens, ce qui ne peut exister pour nous (ce qui ne peut interagir avec nous) n'implique pas que ça n'existe absolument pas (bien que, pour nous, il n'y ait plus de différence à ce moment-là). Cette action, si elle n'est pas implicite (ou intrinsèque) à toute chose, pourrait être une action tellement (infiniment) indirecte, complètement intemporelle (ou passée) et éloignée de l'entité limitée et biaisée que nous sommes, qu'on ne pourrait surement pas l'observer (même en ne le sachant pas). Mais, effectivement, il reste toujours la possibilité (absolument inutile) qu'on observe Dieu en permanence. À ce moment-là, comment faire la différence entre l'observation de « Dieu » (qui n'est pas séparable en bouts) et sa non-observation? Je ne comprends pas là où tu veux m'amener. Quelle est l'utilité scientifique (puisque tu sembles être plutôt en mode « science ») de cette définition de l'Observabilité?
Psyricien a écrit :Vous partez dans un excès de relativisme... si vous voulez, ça ressemble plus à un jeu qu'autre chose ici.
Ce n'est pas moi qui ai voulu jouer à ce jeu. Dans ma façon de voir la problématique (si c'en est une), Dieu, par définition, n'est pas observable (ni Observable) pour une entité limitée, changeante et soumise à une relativité. Tu es libre d'affirmer alors qu'il n'existe pas si tu penses que sa non-Observabilité en est une preuve. Pour moi, l'Observabilité (avec la majuscule) se fait tout de même par une entité finie et délimitée dans une relativité. L'entité n'observe pas l'infini. Observer une partie finie, discrète (de l'infini ou non) n'est pas observer la chose infinie comme telle (si elle existe).
Psyricien a écrit :Parce que, au final, ce que vous nommez « observation » (avec un peu d'interprétation), reste différent d'une « interprétation seule ».
C'est vrai. (Ici, petit détail, je changerais « un peu de » par « de la ».) L'interprétation est, grosso modo, la recherche volontaire d'invariants, de compréhension (de nature mathématique, formelle, autant que possible). D'ailleurs, on « voit » alors de « nouvelles » choses plus globales, comme si nous ajustions plus finement notre microscope (après la phase de la collecte), comme un prolongement, une sorte d'extension (délibérément choisie) des perceptions dans une intégration. Pour moi, oui, il faut clairement séparer (par commodité et surtout par nécessité scientifique) l'observation de l'interprétation, mais, dans la réalité, les deux actions ne me semblent pas complètement séparées. Je ne sais pas si cette méta-interprétation te sera acceptable.
Psyricien a écrit :Cependant sous couvert de cet excès de relativisme, vous amalgamez ensuite tout le monde sous la bannière « interprétation » pour ne plus avoir à faire la distinction et défendre votre propos initial.
Sois plus précis. Quel propos initial? J'ai le courage de vous partager ma compréhension des choses, même si ce partage n'est pas parfaitement exprimé et qu'il contient surement des erreurs. J'ai l'impression que tu sous-estimes la complexité de l'épistémologie (même si j'apprécie surtout ton partage scientifique). Je ne cherche pas à fuir une erreur, je ne la vois tout simplement pas (encore). J'essaie justement de voir ma « grosse » confusion, car j'espère comprendre mieux ton propos (sans sa coloration et ses artifices).
Psyricien a écrit :Faut-il que j'explicite les erreurs logiques sous-jacentes à cette approche?
Si tu en ressens l'utilité ou la nécessité (sans excès d'indices nous laissant croire que nous sommes de pauvres zozos ayant l'urgent besoin que tu nous éclaires), je veux bien. Pourquoi pas? C'est même préférable. Je veux mieux te comprendre (et mieux me faire comprendre).
Psyricien a écrit :Alors que dans le cas présent, « Observabilité des actes d'un Dieu », l'observation (comme vous la définissez) est possible si l'action du « Dieu » prend place dans le réel.
La façon dont tu as défini « le réel » auparavant me donne l'impression que cette affirmation est tautologique. Mais, je suis d'accord! Cependant, pour moi, « action » (ou intervention « particulière ») et « Dieu » (et non « dieu ») ne vont simplement pas de pair.
Psyricien a écrit :Il y a une différence fondamentale entre :
-->Observé
-->Interprété (correctement ou pas)
Je n'ai jamais voulu dire le contraire. Mais, je peux aussi comprendre que tu as l'impression du contraire.