Re: Le sexe polémique
Publié : 16 nov. 2019, 13:44
Un autre article de Eve Séguin et Julius Grey parue dans Le Devoir en 2017 reprend avec éloquance une des thèses dominantes de Kipnis:l'infantilisation implicite des mesures de surprotection
«L’une de ces évolutions est la socialisation désormais pathologiquement surprotectrice des enfants, qui les prive de l’autonomie et de la résilience auxquelles ils ont droit. C’est ce que certains appellent le phénomène de l’enfant-roi. Cette socialisation débouche sur une (auto)infantilisation des étudiants qui sévit désormais dans tous les établissements d’enseignement post-collégial.
Même s’ils peuvent voter, conduire et consommer de l’alcool ou du cannabis, ces étudiants se comportent et s’attendent à être traités comme des enfants qui doivent être guidés par les adultes et protégés contre les événements et les conditions normales de la vie étudiante. On voit ainsi des parents accompagner leur progéniture dans les campus, une scène qui aurait provoqué l’hilarité générale il y a trente ans. Autre manifestation, beaucoup plus sérieuse : la médicalisation de la condition étudiante, qui voit exploser le nombre d’étudiants faisant l’objet de diagnostics de dépression, d’anxiété et autres troubles de l’attention.
Infantilisation
Comme l’a magistralement expliqué le sociologue Frank Furedi, quand ils arrivent dans les établissements d’enseignement supérieur, la demande de ces adultes infantilisés est d’être validés par les professeurs et par l’établissement, exactement comme ils l’ont été par leurs parents.
La chose atteint des proportions extrêmes avec les militants de la politique identitaire qui ne se battent pas pour changer la société et vaincre les oppressions, mais pour faire reconnaître leur identité de victimes, ou celle des autres s’ils sont eux-mêmes mâles et blancs.
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La validation suppose aussi de protéger ces enfants contre tout ce qui pourrait les « blesser » et les « offenser »
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On multiplie ainsi les codes de conduite et les règles éthiques, lesquels ne se contentent pas de réguler les activités de recherche-création, d’enseignement et d’apprentissage, mais entendent contrôler la vie affective et sexuelle des gens. Les professeurs, parce qu’ils sont en position d’autorité, du moins en théorie, sont désormais considérés comme des prédateurs qui doivent être étroitement surveillés.
La liberté d’enseignement, pilier de la culture universitaire, est de plus en plus mise à mal. Les contenus pédagogiques qui risquent de « heurter » doivent être accompagnés d’un rituel d’avertissements sur leur prétendue dangerosité. Dans des pays comme les États-Unis, ils peuvent même être interdits par les nouveaux censeurs de l’administration au motif qu’ils sont « inappropriés », une qualification d’autant plus utile qu’elle ne veut rien dire.
Dans tous les cas, on considère normal que les étudiants puissent se soustraire à des contenus et activités pédagogiques qui soi-disant portent atteinte à leur identité ou menacent leur équilibre psychique. Les débats, la critique et les controverses sont de plus en plus délégitimés par l’exigence d’« espaces sécuritaires », qui ne sont plus des locaux où peuvent se retrouver les membres de groupes opprimés, mais une politique d’épuration intellectuelle appliquée à l’ensemble des cours.
La liberté d’expression est elle aussi menacée par les interdictions de conférences et le chahutage de conférenciers qui ne récitent pas le catéchisme victimaire ambiant. Bizarrement, de nombreux professeurs de droit approuvent ces restrictions au motif que la liberté d’expression serait un privilège de l’élite.»