Gwanelle a écrit : 30 mai 2024, 14:20Si on admet que c'est bien le calcul correct à faire, tout se passe comme si il y a une "causalité non locale" (principe de mach ?) impliquant que nos âges dépendent des étoiles lointaines (?)
Tu mets le doigt sur le point le plus délicat de l'interprétation time-symmetric de l'
origine de l'inertie proposée par Woodward en 98 (1).
Interprétation time-symmetric de l'origine de l'inertie versus rétrocausalité de l'interaction gravitationnelle
L'apparente violation de causalité impliquée par l'interprétation time-symmetric de l'origine de l'inertie proposée par Woodward est (selon moi) une illusion réaliste. Pourquoi ?
Parce que l'observateur (encore et toujours lui) ne peut pas se servir de "causes" qui remontent le cours du temps. Il n'a pas d'informations sur les évènements futurs. Il ne peut donc pas engendrer des effets présents visés en se servant d'effets futurs (2). C'est dans ce manque d'information de l'observateur (les informations auxquelles il peut accéder sont stockées dans les traces du passé. Elles émergent de sa grille de lecture thermodynamique statistique) qu'il faut chercher l'origine de toutes les asymétries temporelles (dont le principe de causalité et la classification des évènements en évènements passés et évènements futurs).
L'interprétation rétrocausale des effets quantiques time-symmetric
Je prends l'exemple de la corrélation time-symmetric entre mesures fortes et mesures faibles. Cette symétrie T est interprétée par Aharonov, Vaidman et les physiciens de cette école de pensée comme impliquant des interactions rétrocausale (cf.
Can a future choice affect a past measurement's outcome?). D'où vient l'interprétation rétrocausale de la corrélation time-symmetric mesures fortes/mesures faibles quand les mesures fortes sont postérieures aux mesures faibles ?
Les résultats de mesure faible (weak values) sont-ils des "éléments de réalité"
Cela découle du fait que Vaidman considère (avec des arguments de prime abord imparables) que les weak values (mesurées entre des mesures fortes de présélection et des mesures fortes de post sélection) sont
des élements de réalité (des grandeurs indépendantes de toute considération d'observateur).
Pourquoi cette interprétation réaliste des résultats de mesure faible ?
Parce que, comme le fait remarquer Vaidman (paraphrasant en cela Einstein dans sa fameuse définition des "
élements de réalités") il est possible, sans aucunement perturber le système observé, de prédire avec une probabilité égale à 1 les résultats de mesure faible en se servant de la seule connaissance de l'état présélectionné et de l'état postsélectionné de l'ensemble de particules soumises à ces mesures faibles.
Une fois cette interprétation réaliste des "weak values" admise, la corrélation des résultats de mesures fortes antérieures et la corrélation des résultats des mesures fortes postérieures avec les mesures faibles intermédiaires sont
toutes les 2 interprétées comme causes de ces"weak values". En effet, ces "weak values" s'en déduisent de façon univoque sans avoir à perturber l'ensemble des particules observées (les weaks values observées confirment les valeurs prédites).
Les arguments de Vaidman pour défendre l'objectivité des weak values.
Comme le fait remarquer Vaidman, l'objection selon laquelle ces mesures faibles ne pourraient pas être considérées comme des grandeurs objectives car il s'agit seulement de moyennes d'un ensemble de mesures ne tient pas. Pourquoi ? Parce que, comme il le fait remarquer dans un article répondant à une objection à ce sujet (cf.
Weak measurement controversy), un ensemble de systèmes possédant une weak value donnée répond à des interactions avec d'autres systèmes de façon très proche de systèmes individuels qui auraient, effectivement, cette propriété.
D'où vient la dissymétrie T entre relation de corrélation passé-présent et relation de corrélation futur-présent ?
Venons en à la dissymétrie de la relation entre :
- mesures fortes et mesures faibles postérieures
- mesures fortes et mesures faibles antérieures
car il y a bien une asymétrie. D'où vient cette asymétrie temporelle ? Elle n'a rien d'objectif puisque la corrélation est T-symmetric...
...Elle vient des limitations d'accès de l'observateur macroscopique à l'information. L'information que détient l'observateur macroscopique (3) est irréversiblement enregistrée dans les traces du passé. Les traces du futur ne lui sont pas accessibles. Elles n'ont pas la
stabilité et la
reproductibilité de lecture garantissant leur
intersubjectivité.
On ne peut pas se servir d'effets futurs et de leur corrélation à des faits présents pour affecter le présent
Du coup, alors que :
- je peux me servir des informations obtenues à l'issue d'une action de présélection pour choisir mes particules de façon à provoquer un effet de mesure faible visé,
- je ne peux pas me servir des résultats de post sélection dans ce but tout simplement parce que je ne connais pas ces résultats de post sélection.
Le principe T-asymétrique de causalité est donc (selon moi) un principe émergeant :
- de notre connaissance du passé enregistrée dans les traces du passé, des traces du passé découlant de notre grille de lecture thermodynamique statistique,
- de notre absence d'informations (accessibles, décodables, reproductiblement lisibles et fiables) relatives à des évènements futurs.
Bref, pour ma part, je ne considère pas la symétrie-T comme une violation du principe de causalité mais comme un élement prouvant que l'asymétrie temporelle doit revenir à qui de droit : l'observateur et sa grille de lecture, une grille de lecture dont émerge la notion de traces du passé. Ces traces du passé, les asymétries temporelles qui en découlent et les informations intersubjectives que nous détenons "sur l'univers" n'existeraient tout simplement pas sans notre grille de lecture (si nous n'étions pas myopes, nous serions aveugles) (4).
(1) La science, je ne t'apprends rien, mais nous ne sommes pas seuls à suivre ce fil (cf. le compteur de lectures), ça prend le temps de vérifier, confimer et valider ses modèles et prédictions avant de livrer ses résultats sur la place publique.
(2) Il m'a fallu plus de 10 ans pour comprendre/admettre que l'on pouvait envisager l'interprétation time-symmetric de l'origine de l'inertie de Woodward sans pour autant violer le principe de causalité (les causes précèdent les effets)...
...mais pour cela, il faut accepter d'abandonner l'interprétation réaliste du principe de causalité et, au contraire, le considérer comme indissociable de la grille de lecture de l'observateur macroscopique, grille dont émergent les traces du passé et les mystérieuses asymétries temporelles. Cf.
Forget time de Riovelli :
Where do all these very peculiar features of the time variable come from? I think that these features are not mechanical. Rather they emerge at the thermodynamical level. More precisely, these are all features that emerge when we give an approximate statistical description of a system with a large number of degrees of freedom. We represent our incomplete knowledge and assumptions in terms of a statistical state ρ.
...Et là, un argument massue (en apparence imparable) fuse à la vitesse de la lumière : la chute de l'astéroïde dans la baie de Yucatan, par exemple.
C'est bien un fait de nature bon sang ! Il a provoqué l'extinction des dinosaures !! Ca n'a rien, mais alors rien à voir du tout avec des considérations d'observateur et d'informations accessibles à l'observateur, n'est-ce pas !!!
Les causes précèdent les effets, c'est un principe fondamental, objectif, physique, réel, ne devant rien ni à l'observateur, ni à sa grille de lecture. Sortir de là c'est abandonner la base sur laquelle reposent et sont développées toutes nos connaissances scientifiques actuelles.
Je réserve ma réponse à cette objection, en 1ère approche (et même en 2ème) imparable, à un post ultérieur pour ne pas trop alourdir mon post de réponse déjà conséquent.
(3) Les êtres vivants en fait. Ils partagent sensiblement la même
entropie pertinente
(4) Ce point et un certain nombre d'autres sont présentés dans un preprint faisant un tour d'horizon des articles scientifiques traitant de la flèche du temps en : "
The arrow of time issue, an overview". Une présentation vulgarisée des mêmes considérations est l'objet de la
conférence scientifique grand public sur la flèche du temps de ce samedi 1er Juin à 14h50.