Psyricien a écrit :Je ne pense pas avoir émis mon jugement un peu vite !
C'est votre avis. Il est vrai que le document critiqué n'est pas exempt de défauts, à savoir :
- la coquille que vous signalez d'une part,
- le manque d'un lien donnant les détails du changement de variable dans la loi de composition relativiste des vitesses conduisant à une forme Lorentzienne additive d'autre part.
Je ne rentre pas dans plus de détails car il est bien plus intéressant de discuter de la question de fond :
- le problème de la mesure quantique,
- le problème de l'irréversibilité de l'écoulement du temps,
- le caractère temporellement asymétrique de la modélisation des systèmes physiques en mécanique quantique par un seul vecteur d'état.
Psyricien a écrit :Non ... la RR ne brise pas la causalité !
Je réexprime ce que (je suppose) vous avez voulu dire. Non...la non localité quantique ne brise pas la causalité relativiste.
On peut effectivement détailler et justifier ce point de vue ainsi : sur la base de l'hypothèse selon laquelle toute l'information accessible à l'observateur macroscopique relativement à un système observé serait contenue dans son opérateur densité, il est possible d'établir le no-signalling theorem. Il prouve l'impossibilité de se servir de la non localité quantique pour transmettre instantanément des informations "entre Alice et Bob".
J'ai d'ailleurs vérifié hier (c'était plus rapide que de trouver la démo sur le net, elle doit sûrement exister) qu'en utilisant la mesure faible sur un flux de paires de photons de polarisations EPR corrélées, les statistiques des résultats de la mesure faible, côté Bob, d'un projecteur lA><Al de rang un quelconque (sur une moitié de la population de photons reçus par Bob et post-sélectionnés dans un état de polarisation lH'> = alpha lH> + béta lV>) ne dépendait que de l'opérateur densité réduit des photons reçus par Bob. Ca ne sautait pas immédiatement aux yeux.
En fait, il reste un point faible dans l'hypothèse à la base du no-signalling théorème : l'opérateur densité réduit d'un système observé ne détermine pas de façon unique l'évolution future du système considéré. Cette évolution dépend aussi des liens EPR du système avec son environnement. La résurgence des oscillations de Rabi (cf les expériences de S. Haroche en cavité microonde Oscillation de Rabi à la frontière classique-quantique et génération de chats de Schrödinger, Alexia Auffeves
http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00006406/fr/) et l'observation des échos de spin, prouvent d'ailleurs que les corrélations cachées entre le système observé, l'appareil de mesure et son environnement s'établissant lors de la mesure (cf Environment as a Witness: Selective Proliferation of Information and Emergence of Objectivity in a Quantum Universe, Harold Ollivier, David Poulin, Wojciech H. Zurek
http://arxiv.org/abs/quant-ph/0408125) ne sont jamais irréversiblement perdues à l'issue d'une mesure quantique.
On retrouve donc, dans le phénomène de mesure quantique, le fait que l'irréversibilité d'une évolution ne soit jamais absolue. C'était déjà vrai en mécanique classique. Ca reste vrai (et ça se voit encore plus) en mécanique quantique. La dynamique des évolutions quantiques est hamiltonienne donc unitaire, déterministe et réversible. La mesure quantique brise cette dynamique via la fuite d'information hors de portée de l'observateur macroscopique (de façon non objective donc). La possibilité d'utiliser la non localité quantique pour transmettre des informations violant la causalité relativiste est protégée par des effets de nature thermodynamique statistique d'une façon qui n'est (à mon avis) pas encore complètement comprise.
Psyricien a écrit :Sinon, je serais curieux de vous voir me proposer un exemple où vous arrivez à inverser l'ordre "temporel" de deux évènement causalement liés. La non-localité ne brise pas la causalité !
En fait, à ce jour, les tentatives de John Cramer allant dans ce sens (amorcées en 2007) sont infructueuses et je soupçonne que son montage (basé sur l'expérience de Dopfer, mais en supprimant l'échange d'informations classiques entre Alice et Bob basé sur un comptage des coïncidences entre photons détectés côté Alice dans le plan focal de sa lentille de Heisenberg et photons jumeaux détectés sur l'écran d'interférence côté Bob) ne puisse pas marcher. Toutefois, ce n'est pas très facile à démontrer et on a du mal à trouver, sur ce cas précis, un document sérieux démontrant pourquoi ça ne doit (devrait ?) pas marcher.
Par contre, sans pour cela violer la causalité à l'échelle macroscopique, il est intéressant de noter que la causalité n'est vraisemblablement qu'une émergence de nature thermodynamique statistique (mouais, enfin, j'ai toujours du mal à avaler ça quand même). C'est philosophiquement profondément choquant mais, à ce jour, je n'ai rien trouvé qui permettrait de contrer cette conclusion. Pour aborder sérieusement la question de la rétrocausalité, il faut s'intéresser aux travaux de recherche sur la mesure faible initiés par Yakir Aharonov, David Albert, Joel Lebowitz dès 1964 et la formulation time-symmetric de la mécanique quantique dans laquelle elle prend place.
Les travaux de recherche en mesure faible et leurs conclusions ont été initialement contestés par Asher Peres et par Antony Legett. Toutefois, les résultats expérimentaux qu'ils ont suggérés ont été confirmés et ne sont plus contestés (seule leur
interprétation reste objet de controverses, la préférence dominante allant pour l'instant plutôt vers un rejet de l'interprétation rétrocausale. Les goûts et les couleurs, même en science, ça compte).
La confirmation expérimentale la plus époustouflante des résultats des expériences suggérées par l'interprétation time-symetric est assez récente (Experimental Realization of the Quantum Box Problem K.J. Resch, J.S. Lundeen, A.M. Steinberg, 14 Oct 2003,
http://arxiv.org/abs/quant-ph/0310091v1).
Le paradoxe des 3 boites se présente ainsi:
- on considère un ensemble de systèmes quantiques à 3 états orthogonaux |A>, |B> et |C>
- suite à des mesures (fortes) appropriées on présélectionne des systèmes dans l'état initial lpsi_i> = |A> + |B> +|C> (sous-entendu divisé racine de trois)
- suite à des mesures (fortes) appropriées (sur les systèmes présélectionnés), un état final lpsi_f> = |A> + |B> -|C> est post sélectionné
La détection, par mesure faible, du fait que le système soit (ou non) dans l'état |A> entre ces deux mesures fortes est caractérisée par une Probabilité dite faible (weak) dont la formule de calcul est la suivante :
<PA>w = <psi_f lA><Al psi_i>/<psi_f l psi_i>.
On trouve immédiatement <PA>w = 1 . Entre les deux mesures fortes, les systèmes à la fois présélectionnés dans l'état lpsi_i> et postsélectionnés lpsi_f> sont, de façon sûre, dans l'état A.
On trouve par le même calcul que ces systèmes sont, de façon sûre, dans l'état B entre les deux mesures fortes.
Comme lA><Al + lB><Bl + lC><Cl = 1 (l'opérateur unité), la somme des 3 probabilités de présence vaut bien 1. On obtient donc une probabilité de présence dans l'état lC>
négative et égale à moins un.
Cette "probabilité négative" = -1 (directement mesurable contrairement aux probabilités négatives de la quasi-distribution de probabilités de Wigner) se traduit expérimentalement par un résultat de mesure (le déplacement d'un dispositif de mesure) de signe opposé à celui obtenu dans les situations où cette même probabilité vaut 1. Dans le cadre de l'interprétation time symmetric de la mécanique quantique, cette probabilité négative = -1 s'interprète comme la présence sûre du système dans l'état C, mais avec une évolution temporelle de sens opposé à la flèche passé-futur émergeant statistiquement à notre échelle macroscopique (une évolution à rebrousse-temps donc).
La prédiction découlant de l'interprétation time-symmetric de la mécanique quantique se trouve ainsi confirmée expérimentalement dans l'expérience donnée en lien ci-dessus. Pour plus de détails sur cette interprétation cf : A time-symmetric formulation of quantum mechanics Yakir Aharonov, Sandu Popescu, and Jeff Tollaksen,
http://jamesowenweatherall.com/SCPPRG/A ... eSymQM.pdf. Je cite Aharonov, Popescu et Tollaksen :
Quantum mechanics allows one to independently select both the initial and final states of a single system. Such pre- and postselection reveals novel effects that challenge our ideas about what time is and how it flows.
En fait, la modélisation correspondante est la modélisation à deux vecteurs d'état, l'un évoluant du passé vers le futur et l'autre évoluant du futur vers le passé.
The Two-State Vector Formalism, Lev Vaidman (Submitted on 10 Jun 2007)
http://arxiv.org/abs/quant-ph/0105101v2
The two-state vector formalism (TSVF), the time-symmetric description of the standard quantum mechanics originated by Aharonov, Bergmann and Lebowitz is reviewed. The TSVF describes a quantum system at a particular time by two quantum states: the usual one, evolving forward in time, defined by the results of a complete measurement at the earlier time, and by the quantum state evolving backward in time, defined by the results of a complete measurement at a later time.
-->L'idée d'ampère (d'un "courant moléculaire"), n'a été considérée, et ce à juste titre, que suite à la découverte de l'électron. Mais son établissement servait à expliquer le champs magnétique (on est donc face à un développement théorique afin de décrire des faits !)...
Et le référentiel quantique privilégié (proposé par D. Bohm, J. Bell, V Scarani, A. Valentini et quelques autres) pourrait l'être pour permettre d'interpréter le vecteur d'état comme représentant "un élément de réalité" comme le proposait Einstein dans son article de 1935 sur l'effet baptisé effet EPR suite à cet article.
Cela dit, l'
interprétation time-symmetric de la mécanique quantique constitue une autre possibilité qui me semble très intéressante.
- Elle respecte et s'appuie sur la symétrie T
- Elle remet la causalité à la place qui devrait, semble-t-il, être la sienne (j'ai toujours du mal à avaler ça malgré tout) : celle d'émergence thermodynamique statistique, cf l'hypothèse du temps thermique de C. Rovelli (Von Neumann Algebra Automorphisms and Time-Thermodynamics Relation in General Covariant Quantum Theories, A. Connes, C. Rovelli http://arxiv.org/abs/gr-qc/9406019v1) et l'émergence d'un flot temporel privilégié (donc d'un référentiel quantique privilégié mais relatif à l'observateur, donc respectant la covariance relativiste)
- Elle attribue au vecteur d'état le caractère de modèle d'un objet physique existant indépendamment du fait qu'on l'observe ou pas (contrairement à l'attribution au vecteur d'état d'un caractère purement statistique propre à un observateur spécifique comme le propose Asher Peres)
- Elle respecte l'invariance de Lorentz (contrairement à l'hypothèse d'un référentiel quantique privilégié universel)
- Elle est compatible avec des évolutions rétrocausales supprimant ainsi la "tension" (c'est le terme consacré) entre non localité quantique et principe de relativité du mouvement.
L'hypothèse d'un référentiel quantique universel permet de sauver l'attribution d'un caractère universel au principe de causalité
et même temps de conserver l'interprétation réaliste (préférée par Einstein et quelques autres) du vecteur d'état. C'est ce qui motive cette interprétation.
Au contraire :
- accepter d'attribuer au principe de causalité le caractère d'émergence statistique
- admettre, comme le suggère l'expérience du choix retardé et les résultats de mesure faible, que les résultats de mesures fortes futures ont autant de légitimité que les mesures fortes passées pour déterminer les résultats de mesures faibles présentes (Can a Future Choice Affect a Past Measurement's Outcome? Yakir Aharonov, Eliahu Cohen, Doron Grossman, Avshalom C. Elitzur http://arxiv.org/abs/1206.6224 )
permet de se passer de l'hypothèse d'un référentiel quantique privilégié.
Est-ce que l'interprétation time-symmetric de la mécanique quantique est un pas dans la bonne direction ? Je ne sais pas trop mais elle a déjà quelques succès à son actif.
A plus
PS: je ne crois pas que l'effet tunnel respecte la causalité relativiste (mais c'est un point de vue pour l'instant très minoritaire). Par contre, il respecte l'invariance de Lorentz comme le démontre Winful.