Ildefonse a écrit :Ne seront nous pas rattrapés par l’aggravation de la crise mondiale (problème de la dette américaine, baisse des exportations chinoises, etc...) avant que les gouvernements européens n'arrivent à se coordonner ?
Probablement.
Mais ça n'est pas une spécificité européenne. Les gouvernements américains, chinois ou indiens, malgré une apparence d'unité sont finalement au moins aussi désarmés qu'en Europe. Ils réagissent légèrement plus vite, mais n'en sont pas moins incohérent et prompt à changer d'avis.
Suffit de voir la politique américaine depuis 3 ans pour se convaincre qu'il n'y a pas tellement plus de cohérence, même si les décisions se prennent un peu plus vite. On a successivement des mesures de rigueur, de croissance, sans cohérence avec au milieu une fed qui fait un peu ce qu'elle veut et finalement pas tellement grand chose pour l'économie, se contentant surtout de tout faire pour que la finance américaine continue d'être rentable dans l'espoir que la finance redevenu rentable, elle irriguera l'économie.
Sauf que dans les faits, rien de tout ça ne fonctionne vraiment.
Les efforts de l'Etat fédéral en matière de budget sont parfaitement insuffisants vu le montant de dette et les tentative de relance sont de moins en moins efficaces, avec pour 2011 un déficit proche de 9% pour une croissance d'à peu près 2%, ce qui est très peu comme croissance pour un pays avec une Etat providence aussi faible.
D'autant que la croissance est en trompe l'oeil, elle est dépendante de l'injection de monnaie aussi bien pour les grandes entreprises cotés dont le cours de bourse dépend de la capacité de la Fed a rentre la finance rentable et donc l'achat d'action rentable aussi, mais aussi pour les moyennes et petites qui dépendent des largesses fiscales de l'Etat fédéral vu qu'il est difficile de trouver des financements non soumis aux aléas et permettant de se projeter (étant donné que l'investissement est siphonné par l'achat de dette publique et les manœuvres de la Fed).
Donc il n'y a aucune cohérence, ni traitement des vrais problèmes que sont:
-un sous-investissement chronique des collectivités dans les infrastructures de toute sorte. Actuellement l'état des routes, canalisations, infrastructure d'éducation, infrastructure de transport, réseaux de communications n'est ni homogène, ni bien entretenue, ce qui va rendre les dépenses dans ce domaine de plus en plus importante pour toute les collectivités et de fait un problème pour l'Etat fédéral qui va devoir gérer à la fois un investissement en propre pour maintenir des infrastructures déjà insuffisante mais en plus gérer un endettement annoncés des Etats et des communes puisque l'investissement privés ne revient visiblement pas.
Ou alors il y aura une nette dégradation de la qualité des infrastructures aux USA.
-un sous-investissement des entreprises que tente de compenser la dépense publique, mais avec un coût qui augmente (chaque dollar de dette provoque de moins en moins de dollar de PIB en plus) et qui n'est pas facilité par la Fed qui rend l'argent quasi gratuit et donc encourage plus le court terme que le long terme, rendant la finance rentable, mais l'investissement moins rentable et donc siphonne en fait l'épargne.
-un jeu opaque de la dette et de la valeur de la monnaie entre le trésor et la Fed qui ne règle aucun problème mais repousse seulement le problème, fragilise autant le trésor que la banque centrale américaine et crée un vrai risque à l'échelle du monde parce qu'un dérapage trop important de l'un ou de l'autre aura des répercussions sur les deux et sur le reste du monde.
Actuellement et c'est paradoxal, les USA qui sont pourtant censé être des libéraux font en fait du Keynésianisme mal pensé, puisqu'il s'agit plus d'une incantation à la croissance que d'une réelle action structurée. Ils appliquent un peu la doxa qui a servit de modèle en France jusqu'à la crise, à savoir: ouvrons les vannes de l'argent public et la croissance reviendra.
Les faits montre que ça marche très moyennement et pose d'autres problèmes considérables (vu qu'à 9% de déficit et avec peu de chance de le voir baisser drastiquement, il faudrait une croissance d'envergure chinoise pour revenir à plus d'équilibre et compenser les effets de l'endettement).
Et la cause de ce manque de cohérence, c'est d'abord l'affrontement idéologique entre les démocrates et les conservateurs. Comme ils ne sont d'accord sur quasiment aucun sujet, il n'y a pas grand chose qui ce fait et quand c'est fait, c'est des mesures ponctuelles et désordonnées qui vont successivement dans un sens.
Mais aussi l'organisation territoriale qui rend les compétences des collectivités parfois floue et rend d'autant plus difficile l'action publique alors que l'action privée n'est pas plus profitable, puisque l'investissement n'est pas tellement rentable.
Donc la désorganisation en Europe n'est pas pire que le manque de cohérence américain et la bataille pour le pouvoir en Chine. Toutes les grandes économies sont assez désarmées et désorganisées parce qu'il y a trop de problème en même temps et aucun qui se règle facilement et sans accepter une décroissance de l'économie pour permettre une restructuration de celle-ci.
Actuellement on maintient à tout prix l'existant en courant derrière une croissance qui de toute manière ne peut se maintenir qu'a crédit si on espère les mêmes taux qu'avant crise.