Yquemener a écrit :Oula, c'est très limité comme définition. Il est impossible d'imaginer un scénario où une intervention légitimement humanitaire serait bloquée par un veto selon toi ?
Après le cas Libyens, je doute effectivement que la Chine laisse l'Otan réutiliser le prétexte de l'humanitaire en effet. Après, légitime, en droit international, ça veut surtout dire accepté au moins tacitement par les autres, soit parce qu'ils n'ont pas le choix et la puissance de réellement s'y opposer, soit parce qu'ils adhèrent, soit parce qu'ils acceptent le compromis.
Il n'y a pas vraiment de norme universelle à l'échelle de l'ONU, ça dépend grandement de l'interprétation que chacun fera des conventions internationales, du degré de légitimité qu'accorde les pays à celle-ci, de la puissance des pays qui les défendent.
Par exemple, l'Iran es clairement dans l'illégalité en construisant une arme atomique et s'il est sanctionné, c'est parce qu'il y a suffisamment de pays qui considère que c'est illégal et qu'il faut sévir, mais aussi suffisamment de pays qui ont à perdre si l'Iran devient une puissance atomique.
Pourtant, l'Iran n'a tué personne avec.
A l'inverse, certain dictateurs africains viole ouvertement des conventions régulièrement ou rentre dans le cadre d'actions des casques bleus, mais personne ne s'en préoccupe, parce que tout le monde s'en fiche.
Les cadres de l'ONU ne sont en gros qu'une façon d'inciter les pays à s'assoir autour d'une table pour discuter, mais in fine, les choses se font encore à l'ancienne, à savoir que l'ordre du monde est encore une question d'influence politique, militaire et économique et le droit n'existe que quand ça arrange suffisamment de monde de le faire respecter.
Actuellement, pour le cas Syrien, je ne dis pas qu'un veto est obligatoire, mais ça me parait très improbable qu'il y ait une action militaire sous caution de l'ONU, à moins qu'on ne détourne encore franchement une résolution ou qu'on fasse une énorme concession à la Russie.
Si intervention il y a, elle sera soit très limitée, soit sans mandat et donc donnera encore du grain à moudre à ceux qui feront passer ça pour une agression de l'occident.
C'est pour ça que je souhaite un cadre légal strict.
Oui, mais un cadre légal strict, ça n'existe pas vraiment à l'ONU. Le droit y est largement mouvant.
Par exemple, les occidentaux ont présenté des preuves de l'utilisation de l'arme chimique par Assad et la Chine et la Russie continue de soutenir que ces un fait des rebelles. Donc le droit dépend surtout de la posture et de la puissance politique de ceux qui l'interpète.
C'est d'autant plus difficile, qu'il y a le précédent de l'Irak, avec ses preuves truquées et le précédent Libyens, avec une résolution largement outrepassée. Les occidentaux sont dans la situation où, de toute manière, ils sont suspects aux yeux de beaucoup de monde et notamment beaucoup de monde qu'ils n'ont pas forcement intérêt à fâcher, même aux prix du peuple Syrien. D'où l'impasse actuelle d'ailleurs, en plus du fait que je ne suis même pas persuadé qu'ils aient le moins du monde envie de réellement faire quelque chose et qu'il me semble que toutes les gesticulations jusqu'à présent sont plus pour embêter la Russie, donner un os aux opinions publiques et affirmer un reste de position diplomatique hégémonique que pour réellement s'occuper du drame.
Non que les dirigeants soient forcement des connards cyniques qui s'en moque, mais ils sont d'abord tenu de s'occuper de l'avenir de leur pays, donc le choix entre risquer de fâcher d'important partenaires commerciaux et de créer des menaces potentielles autrement plus grave qu'un conflit régional et sauver une population de son sanguinaire dictateur ne doit pas être facile à faire.
Moi c'est la chose qui m'étonne le plus : on soupçonne quoi, comme raison cachée ? Ils ont mis deux ans à passer de l'indignation au "peut être on va y aller". Ils n'ont vraiment aucun enthousiasme.
Il y a un tas de raison au manque d'engouement des populations en occident.
La crise, d'abord, à largement refermer les peuples sur eux-même, ravivant des relents de racisme. Dans certain pays, il y a de plus en plus un sentiment de "crépuscule de l'occident" qui est difficile à supporter quand on a vécu presque deux décennies d'hégémonie américaine et 3 siècles de suprématie euro-américaine.
Du coup, il y a, je pense, une forte tendance à l'isolationnisme qui se développe. En Europe, ça se traduit par la progression d'idée protectionniste ou d'une volonté de devenir neutre politiquement ou du moins aussi pacifique que possible. Au USA, pour ce que j'en sais, ça serait plutôt une sorte de lassitude des guerres qui se développe.
La Syrie arrive alors que l'occident n'a plus fait de coup d'éclat depuis un moment. L'Irak est un demi-succès, l'Afghanistan presque un échec, le terrorisme n'a pas disparu et comme on a tenté de faire croire qu'on pouvait lui faire la guerre, on a l'impression d'avoir perdu, la Libye est pas non plus une réussite, le dossier Iraniens piétine, bref, ça fait un moment que l'occident à l'air de se battre en vain et les populations en ont sans doute marre.
D'une certaine façon, l'échec de la politique binaire de Bush est un échec de la lecture héritée de la guerre froide qui distinguait le monde en méchant communiste et gentil capitaliste, qu'on a mit une vingtaine d'année à digérer totalement.
On est face au fait que l'export de la démocratie, des droits de l'homme, de l'Etat de droit ne se fait pas de lui même, qu'on n'a plus la puissance d'antan pour le promouvoir et qu'il y a de fortes résistances locales et l'émergence de modèle concurrent moins facile à dépeindre comme bouc-émissaire que le communisme soviétique. S'ajoute à ce changement d'atmosphère celui engendré par l'arrivée sur le devant de la scène des émergeant, qui dispute à l'occident son rayonnement politique et culturel, et fait passer les occidentaux pour d'agresssif enfants gatés ou des comploteurs en vue de régenter le monde, quand la Chine, par exemple, défend l'idée du chacun chez soit (hypocritement évidement, vu que c'est aussi la Chine qui définit ce qui est chez elle).
Je pense qu'actuellement, l'occident est dans une logique de "qu'ils se débrouillent entre eux ces sauvages, puisqu'ils ne veulent pas de nos bonnes idées". C'est un résumé un peu caricatural, évidement. Ce constat est tempéré par le fond d'humanisme qui constitue encore une composante des sociétés européenne et américaine, mais sans doute pas au point de faire adhérer la population à une intervention, surtout dans un pays musulmans après le printemps arabes, où une partie des pays occidentaux s'était plus à croire que les pays du sud de la méditerranée allait faire comme eux même ont fait en créant des démocraties à peu près laïques.
On souffre aujourd'hui du fait qu'on n'est plus un exemple alors qu'on croyait en être un, du coup, on baisse les bras.
S'y ajoute la défiance des populations envers les dirigeants et l'impression dans beaucoup de pays que les politiciens ne sont plus au service de la population, mais largement consanguins avec des milieux d'affaire. Dans le pire des cas, on verse carrément dans le complitisme.
La Syrie tombe mal en fait, elle arrive précisément au moment d'une crise d'identité en Occident et au moment d'une tentative d'affirmation des émergents qui ne sont pas du coté des rebelles.
C'est marrant d'ailleurs. J'étais persuadé que l'Iran serait le grand conflit révélateur du nouvel ordre mondial qui se met doucement en place, le point de cristallisation du changement et résultat, ça à l'air d'être la Syrie.
Comme quoi, le futur est toujours imprévisible.
la situation est différente, c'est aider un peuple qui tente de renverser un dictateur.
Pour être exact, c'est aidé une partie minoritaire de la population à renverser le dictateur. Globalement, la majorité espère sans doute plus survivre à l'affrontement que se battre dans un camps ou l'autre.
Le soucis, c'est qu'on ne connait que partiellement les motivations du camps rebelles. Rien ne nous garanti qu'il se transformera en démocrate à la fin de la guerre ou même qu'il parviendra à tenir le pays.
L'exemple Libyen ou Irakien illustre bien le soucis. On est face à des pays largement fragmenté en confession, tribu, clan politique, dont l'Etat (l'entité Etat, pas le pays) n'existait que parce qu'un dictateur était là pour le maintenir par la violence et la peur. Il n'est pas du tout certain qu'une fois la guerre finie le pays puisse s'en relever et comme l'occident est plutôt fauché en ce moment, pas étonnant que ça se pose des questions en haut lieu.
Virer un dictateur, c'est bien, mais si c'est pour créer un chaos 1000 fois pire et 100 dictateurs en puissances et en guerre par la suite, ça mérite réflexion.
C'est toujours cornélien comme choix et loin des considérations faciles qui imagine que virer un dictateur suffit à régler le problème de la dictature .
Si ses membres [à l'ONU 2 ] regroupaient suffisamment de pays pour que plus de 50% de la population mondiale y soit représentée
A ce compte là, on a déjà perdu la partie, les initiateurs d'une telle idée, si elle était possible, ne serait jamais assez nombreux pour obtenir 50%.
Et quand bien même, ça n'aurait aucun intérêt. Même si l'ONU 2 fonctionnait selon les principes de démocraties, le reste du monde continuerait à fonctionner avec d'abord comme règle la souveraineté des Etats et donc toute décision de cet ONU 2 en dehors du territoire de ses membres pourra et sera sans doute toujours vu comme une agression.
Pour peu que cet ONU 2 soit interventionniste, on recréera sans doute une situation de guerre froide avec la constitution d'un bloc concurrent dont le but sera d'administrer à sa guise la zone qui échappe à l'ONU 2 et d'empêcher des interventions réciproques. On n'aura rien gagné d'autre que de couper le monde en deux.