Nicolas78 a écrit : Il prétend avoir une potentielle hypothèse pour répondre à des phénomènes/observations/questionnements qui n'ont pas encore de réponses théorique satisfaisante à ses yeux ou suffisamment précise dans la littérature scientifique actuelle.
Je n'ai pas d'hypothèse, même potentielle, pour expliquer les phénomènes de précognition et de télépathie autrement que par les explications classiques (quand elles peuvent suffire), celles qui ne demandent aucun développement (faux souvenirs, déductions implicites, souvenirs oubliés, interprétation pouvant, en fait, se réduire à un coup de chance, etc, etc). Simplement, je m'intéresse à la question de l'écoulement irréversible du temps parce que je pense que s'il y a une solution au problème de précognition, de la télépathie et, de façon plus générale, de la rétrocausalité, c'est forcément dans cette direction là qu'il faut la chercher.
Je me contente donc de travailler les articles scientifiques qui traitent de la question du temps et de la rétrocausalité. Dans les quelques échanges que j'ai pu avoir avec des scientifiques professionnels sur les deux sujets qui m'intéressent (la mesure quantique et l'écoulement irréversible du temps), je n'ai jamais pris le risque d'évoquer autre chose que des aspects scientifiques connus et admis reposant sur de la physique connue ou en développement sérieux. Il serait (du moins pour encore quelques années) contreproductif d'expliciter l'origine de mon intérêt pour ces deux questions et le lien que je soupçonne avec les manifestations assez rares de la télépathie et de la précoginition dans les cas (peu fréquents) où il devient (à mon sens) capilotracté de leur trouver une explication piochée dans la catégorie des explications dites rationnelles (je ne vois d'ailleurs pas bien pourquoi on devrait forcément considérer comme non rationnelle telle ou telle interprétation de phénomènes peu fréquents au prétexte que l'on ne sait pas encore les prédire et les modéliser).
Pour préciser quand même un peu plus l'idée, dans la formulation lagrangienne de la physique quantique, il y a interférence entre les différents chemins menant d'un état initial à un état final. En quelque sorte, le système passe en même temps (du point de vue de notre
temps macroscopique) par les différents chemins (l'illustration typique de ce type d'effet étant celui des franges d'interférences apparaissant dans l'expérience des fentes de Young quand les photons passent par les deux fentes en même temps). Un premier truc que j'aimerais savoir, c'est si il est possible, pour rendre cette formulation lagrangienne explicitement T-symétrique, de remplacer des interférences entre chemins d'espace(d'états)-temps par des interférences entre des
boucles d'espace-temps.
John Cramer s'est essayé à quelque chose s'apparentant à cette idée avec son
interprétation transactionnelle de la physique quantique (obtenue en remettant à l'honneur et en étendant à la physique quantique la
théorie de l'absorbeur, une formulation time-symmetric de l'électromagnétisme initiée puis abandonnée par Wheeler et Feynman). Toutefois, je ne suis pas convaincu par son modèle pour des raisons qu'il serait trop long d'expliciter dans ce post.
Une type d'expérience (actuellement réalisée) évoque pas mal l'idée d'interactions rétrocausales. Je veux parler du paradoxe des 3 boîtes (voir plus bas).
En fait, pour aborder sérieusement
la question de la rétrocausalité, il est utile de s'intéresser aux travaux de recherche sur la mesure faible initiés par Yakir Aharonov, David Albert, Lev Vaidman dès 1988 et la
formulation time-symmetric de la mécanique quantique dans laquelle elle prend place.
Les travaux de recherche en mesure faible et leurs conclusions (cf.
How the Result of a Measurement of a Component of the Spin of a Spin 1/2 Particle Can Turn Out to be 100, Y. Aharonov, D. Albert, L. Vaidman) ont été initialement contestés par Asher Peres et par
Antony Legett en 1989 (cf. aussi
Reply to Leggett and Peres Y. Aharonov and L. Vaidman Phys. Rev. Lett.62, 2327 (1989)). Toutefois, les résultats expérimentaux de mesure faible suggérés ont été confirmés et ne sont plus contestés (seule leur
interprétation reste objet de controverses, la préférence dominante allant pour l'instant plutôt vers un rejet de l'interprétation rétrocausale. Les goûts et les couleurs, même en science, ça compte).
La confirmation expérimentale la plus époustouflante des résultats des expériences suggérées par l'interprétation time-symetric est somme toute assez récente (Experimental Realization of the Quantum Box Problem K.J. Resch, J.S. Lundeen, A.M. Steinberg, 14 Oct 2003,
http://arxiv.org/abs/quant-ph/0310091v1).
Le paradoxe des 3 boites se présente ainsi :
paradoxe des 3 boîtes.pptx
- on considère un ensemble de systèmes quantiques à 3 états orthogonaux |A>, |B> et |C>
- suite à des mesures (fortes) appropriées on présélectionne des systèmes dans l'état initial |psi_i> = |A> + |B> +|C> (sous-entendu divisé racine de trois)
- suite à des mesures (fortes) appropriées (sur les systèmes présélectionnés), un état final |psi_f> = |A> + |B> -|C> est post sélectionné
La détection, par mesure faible, du fait que le système soit (ou non) dans l'état |A> entre ces deux mesures fortes est caractérisée par une Probabilité dite faible (weak) dont la formule de calcul est la suivante :
<PA>w = <psi_f |A><A| psi_i>/<psi_f |psi_i>.
On trouve immédiatement <PA>w = 1. Entre les deux mesures fortes, les systèmes à la fois présélectionnés dans l'état |psi_i> et postsélectionnés |psi_f> sont, de façon sûre, dans l'état A.
On trouve, par le même calcul, que ces systèmes sont, de façon sûre, dans l'état B entre les deux mesures fortes.
Comme |A><A| + |B><B| + |C><C| = 1 (l'opérateur unité), la somme des 3 probabilités de présence vaut bien 1. On obtient donc une probabilité de présence dans l'état |C>
négative et égale à moins un.
Cette "probabilité négative" = -1 (directement mesurable contrairement aux probabilités négatives de la quasi-distribution de probabilités de Wigner) se traduit expérimentalement par un résultat de mesure (le déplacement d'un dispositif de mesure) de signe opposé à celui obtenu dans les situations où cette même probabilité vaut 1.
Dans le cadre de l'interprétation time symmetric de la mécanique quantique, cette probabilité négative = -1 s'interprète comme la présence sûre du système dans l'état C, mais avec une évolution temporelle de sens opposé à la flèche passé-futur émergeant statistiquement à notre échelle macroscopique (une évolution à rebrousse-temps donc).
La prédiction découlant de l'interprétation time-symmetric de la mécanique quantique se trouve ainsi confirmée expérimentalement dans l'expérience donnée en lien ci-dessus. Pour plus de détails sur cette interprétation cf :
A time-symmetric formulation of quantum mechanics Yakir Aharonov, Sandu Popescu, and Jeff Tollaksen.
Je cite Aharonov, Popescu et Tollaksen :
Quantum mechanics allows one to independently select both the initial and final states of a single system. Such pre- and postselection reveals novel effects that challenge our ideas about what time is and how it flows.
En fait, la modélisation correspondante est la modélisation à deux vecteurs d'état, l'un évoluant du passé vers le futur et l'autre évoluant du futur vers le passé (cf.
The Two-State Vector Formalism, Yakir Aharonov, Lev Vaidman, Submitted on 10 Jun 2007)
The two-state vector formalism (TSVF), the time-symmetric description of the standard quantum mechanics originated by Aharonov, Bergmann and Lebowitz is reviewed. The TSVF describes a quantum system at a particular time by two quantum states: the usual one, evolving forward in time, defined by the results of a complete measurement at the earlier time, and by the quantum state evolving backward in time, defined by the results of a complete measurement at a later time.
Voir aussi
Can a future choice change a past measurement ?