Re: La part du Colibri
Publié : 05 mars 2016, 00:51
Bonsoir,
Je vais répondre avec ma maigre expérience de ce que j'ai vu de la rue en France, de "ceux de la rue" (qu'ils quettent ou non) que j'ai côtoyé, des travailleurs sociaux avec qui j'ai discuté. La situation est peut-être totalement différente au Québec et chaque histoire est particulière je pourrais vous retrouver des études sur le sujet mais là je suis claquée donc il faudra vous contenter de ma prose.
Ce que vous dites me semble si caricatural ! Vos propos sonnent désagréablement à mon oreille, ils me rappellent furieusement ceux des dames patronnesses à la sortie de la messe ("Il parait qu'ils embauchent tous les jours aux halles, celui-ci n'a qu'à y aller !" à dire avec un aire pincé de rigueur
) J'aimerais que ce ne soit pas le fond de votre pensée.
.
C'est largement plus complexe que cela et parmi ceux qui quettent vous trouverez effectivement des abuseurs, voir des réseaux de mendicité mais pas que (et c'est rare les mendiants qui vivent grand train, leurs exploiteurs par contre...), dans ceux qui perçoivent des aides certains n'auront plus rien au bout de quelques jours, pillés par leurs "amis", les organismes que vous citez sont très loin de réussir à pourvoir à tous les maux qui devraient être soignés et ils ne voient qu'une partie de ces gens (et surtout l'hiver), beaucoup n'iront jamais ou presque par crainte, honte, fierté ou tout simplement parce que les chiens ne sont pas acceptés (que ces raisons vous/nous semble rationnelles ou non) et l'on n'aide pas quelqu'un de force.
Les tréfonds de la rue ce sont d'autres codes que vous ne pouvez vous permettre de balayer de propos si lapidaires, c'est d'une violence féroce, destructeur, aliénant (pour ceux qui ne sont pas déjà en détresse psychiatrique).
Ce qui vous parait abusif ou honteux ne l'est pas dans le regard de celui qui vit la rue. Rien n'est facile, rien. Et contrairement à ce que vous écrivez beaucoup, quand ils peuvent, travaillent, au black, comme saisonnier, manar... et là non plus ce n'est pas simple : il ne vous reste que les boulôts de bête de somme car qui voudra vous embaucher après plusieurs années de rue (et ça se comprend aussi : il faut se les fader les gaziers ! ) ?
Vous citez des dispositifs d'aide, ils limitent la casse mais guère plus, ils sont pour vous une réponse évidente si l'on se retrouve dans le besoin mais ce n'est le cas que si l'on est encore un minimum sociabilisé : pour les autres ils n'appartiennent plus au même monde que vous et moi et ils se défient de la "société".
J'ai suffisamment vu de ces hommes et femmes brisées (et je vis dans le trou du cul du monde, je n'ose imaginer ce que c'est à l'heure actuelle en ville), certains ont décidé de vivre à la cloche de bois mais ils sont rares.
Comment pensez-vous que vous fonctionneriez si vous y viviez depuis l'age de huit ans, si vous étiez schizophrène et livré à vous même, junky jusqu'à la moëlle, mentalement ruiné, frappé et exploité par plus fort que vous, atteint de tuberculose, de l'hépatite C, du scorbut et illettré (il y a au sujet de certaines maladies qui reviennent en force de réelles inquiétudes sanitaires que pointent les médecins et les travailleurs sociaux) ... ? Aucune de ces situations n'excluant forcément les autres.
La rue détruit, broie, use, lamine, marque, elle vous rend incapable de dormir dans un lit, d'utiliser des toilettes ou de vous faire à manger ... et c'est difficile d'en sortir.
La bouteille de pinard c'est celle que vous partagerez avec un groupe pour ne pas être seul et vulnérable, avoir le droit de partager une meilleure place pour dormir, elle fera rigoler ou se battre, dormir et moins souffrir, moins réfléchir, bref abrutir ... N' y a-il que les cadres supérieurs qui ont le droit de se bourrer la gueule ? Ce n'est pas de donner à un mendiant qui le fait boire ou se défoncer.
Donner ou pas c'est un choix personnel mais il n'est pas rigoureux de dire que ceux qui quettent abusent de la générosité d'autrui et quand bien même il y a souvent derrière un profond malaise.
Perso je ne juge jamais quelqu'un qui tend la main et surtout pas à l'aune de mon expérience perso, ce n'est pas un geste si simple et ce n'est jamais anodin.
Dans la collection d'histoires de marginaux plus ou moins volontaires que j'ai eu l'occasion d'entendre dans ma vie il y a toujours une forme de misère crasse qui salit toute une vie.
Alors ma position est la suivante : je ne fais pas dans l'angélisme mais Je donne, je cause, j'écoute, je paye des canons, des clopes et j'envoie chier aussi mais pas d'indifférence juste par respect pour l'humain, parce que je ne suis pas là pour juger, parce que "mieux vaut risquer à abreuver un escroc qu'à laisser crever un miséreux" , parce que j'estime la société dysfonctionnelle, parce qu'un jour peut être j'aurais besoin d'aide, parce que je ne me sens pas obligée. et je tire mon chapeau à ceux et celle qui prennent le temps d'accompagner toute cette misère humaine, c'est très lourd et peu gratifiant.
Edit : à mince, c'était un HS ! Alors pour les poules, les miennes vont bien merci. cocotcotcotcot KODEC cotKODEC cotKODEC et hop un oeuf !
Raphaël a écrit :Donner de l'argent à un quêteux c'est surtout une bonne façon de l'encourager à fumer, boire, se droguer ou se remplir les poches sans trop se fatiguer à travailler. Ceux qui quêtent ne le font pas (ou très rarement) pour survivre. En France je ne sais pas mais au Québec il y a des dizaines d'organismes (l'Armée du Salut, la St-Vincent-de-Paul, les Petits Frères des Pauvres, l'Accueil Bonneau, l'Auberivière, etc.) qui s'occupent de fournir de la nourriture, des vêtements ou un abri à ceux qui en ont besoin, sans compter le chèque ($ 616 pour un adulte vivant seul) qu'ils reçoivent à chaque mois du gouvernement.

Je vais répondre avec ma maigre expérience de ce que j'ai vu de la rue en France, de "ceux de la rue" (qu'ils quettent ou non) que j'ai côtoyé, des travailleurs sociaux avec qui j'ai discuté. La situation est peut-être totalement différente au Québec et chaque histoire est particulière je pourrais vous retrouver des études sur le sujet mais là je suis claquée donc il faudra vous contenter de ma prose.
Ce que vous dites me semble si caricatural ! Vos propos sonnent désagréablement à mon oreille, ils me rappellent furieusement ceux des dames patronnesses à la sortie de la messe ("Il parait qu'ils embauchent tous les jours aux halles, celui-ci n'a qu'à y aller !" à dire avec un aire pincé de rigueur


C'est largement plus complexe que cela et parmi ceux qui quettent vous trouverez effectivement des abuseurs, voir des réseaux de mendicité mais pas que (et c'est rare les mendiants qui vivent grand train, leurs exploiteurs par contre...), dans ceux qui perçoivent des aides certains n'auront plus rien au bout de quelques jours, pillés par leurs "amis", les organismes que vous citez sont très loin de réussir à pourvoir à tous les maux qui devraient être soignés et ils ne voient qu'une partie de ces gens (et surtout l'hiver), beaucoup n'iront jamais ou presque par crainte, honte, fierté ou tout simplement parce que les chiens ne sont pas acceptés (que ces raisons vous/nous semble rationnelles ou non) et l'on n'aide pas quelqu'un de force.
Les tréfonds de la rue ce sont d'autres codes que vous ne pouvez vous permettre de balayer de propos si lapidaires, c'est d'une violence féroce, destructeur, aliénant (pour ceux qui ne sont pas déjà en détresse psychiatrique).
Ce qui vous parait abusif ou honteux ne l'est pas dans le regard de celui qui vit la rue. Rien n'est facile, rien. Et contrairement à ce que vous écrivez beaucoup, quand ils peuvent, travaillent, au black, comme saisonnier, manar... et là non plus ce n'est pas simple : il ne vous reste que les boulôts de bête de somme car qui voudra vous embaucher après plusieurs années de rue (et ça se comprend aussi : il faut se les fader les gaziers ! ) ?
Vous citez des dispositifs d'aide, ils limitent la casse mais guère plus, ils sont pour vous une réponse évidente si l'on se retrouve dans le besoin mais ce n'est le cas que si l'on est encore un minimum sociabilisé : pour les autres ils n'appartiennent plus au même monde que vous et moi et ils se défient de la "société".
J'ai suffisamment vu de ces hommes et femmes brisées (et je vis dans le trou du cul du monde, je n'ose imaginer ce que c'est à l'heure actuelle en ville), certains ont décidé de vivre à la cloche de bois mais ils sont rares.
Comment pensez-vous que vous fonctionneriez si vous y viviez depuis l'age de huit ans, si vous étiez schizophrène et livré à vous même, junky jusqu'à la moëlle, mentalement ruiné, frappé et exploité par plus fort que vous, atteint de tuberculose, de l'hépatite C, du scorbut et illettré (il y a au sujet de certaines maladies qui reviennent en force de réelles inquiétudes sanitaires que pointent les médecins et les travailleurs sociaux) ... ? Aucune de ces situations n'excluant forcément les autres.
La rue détruit, broie, use, lamine, marque, elle vous rend incapable de dormir dans un lit, d'utiliser des toilettes ou de vous faire à manger ... et c'est difficile d'en sortir.
La bouteille de pinard c'est celle que vous partagerez avec un groupe pour ne pas être seul et vulnérable, avoir le droit de partager une meilleure place pour dormir, elle fera rigoler ou se battre, dormir et moins souffrir, moins réfléchir, bref abrutir ... N' y a-il que les cadres supérieurs qui ont le droit de se bourrer la gueule ? Ce n'est pas de donner à un mendiant qui le fait boire ou se défoncer.
Donner ou pas c'est un choix personnel mais il n'est pas rigoureux de dire que ceux qui quettent abusent de la générosité d'autrui et quand bien même il y a souvent derrière un profond malaise.
Perso je ne juge jamais quelqu'un qui tend la main et surtout pas à l'aune de mon expérience perso, ce n'est pas un geste si simple et ce n'est jamais anodin.
Dans la collection d'histoires de marginaux plus ou moins volontaires que j'ai eu l'occasion d'entendre dans ma vie il y a toujours une forme de misère crasse qui salit toute une vie.
Alors ma position est la suivante : je ne fais pas dans l'angélisme mais Je donne, je cause, j'écoute, je paye des canons, des clopes et j'envoie chier aussi mais pas d'indifférence juste par respect pour l'humain, parce que je ne suis pas là pour juger, parce que "mieux vaut risquer à abreuver un escroc qu'à laisser crever un miséreux" , parce que j'estime la société dysfonctionnelle, parce qu'un jour peut être j'aurais besoin d'aide, parce que je ne me sens pas obligée. et je tire mon chapeau à ceux et celle qui prennent le temps d'accompagner toute cette misère humaine, c'est très lourd et peu gratifiant.
Edit : à mince, c'était un HS ! Alors pour les poules, les miennes vont bien merci. cocotcotcotcot KODEC cotKODEC cotKODEC et hop un oeuf !