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par MBelley » 02 mars 2019, 16:47
Voici ma confession comme personne coupable de violences sexuelles. Je relate ici quelques expériences personnelles pour illustrer ce qui est maintenant considéré comme du harcèlement, dans le rapport ESSIMU de Manon Bergeron.
Selon l'enquête ESSIMU, "soulever un sujet de nature sexuelle qui met une personne mal à l'aise" entre dans la définition de harcèlement. Lors d'une conversation sur l'heure du diner il y a plusieurs années, un collègue a posé comme question si on croyait que l'homosexualité était génétiquement déterminée. J'ai répondu par la négative, sans avoir le temps de préciser ma pensée. Par contre, une collègue a réagi de façon marquée en prétendant que cela était génétique, puis elle est partie, offusquée par ma réponse précédente. Je l'avais donc mise mal à l'aise et j'étais donc un agresseur ou un harceleur sexuel. Je pense qu'elle avait de la difficulté à accepter l'homosexualité de son propre frère, et que la justification génétique était pour elle primordiale pour son acceptation.
Une chose similaire s'est produite avec un autre groupe lorsque j'avais 27 ans et qu'on avait abordé le sujet de la masturbation. Lorsque j'ai mentionné que c'était fréquent chez les hommes, une jeune femme que je courtisais à l'époque en a été insultée et a coupé toutes relations avec moi. Selon ESSIMU, je devenais donc un harceleur. J'ai tenté de la revoir, je l'ai appelé quelquefois pour l'inviter à sortir, ce qu'elle refusait (je faisais encore du harcèlement selon ESSIMU). Par contre, à un moment donné, elle était très malade et n'avait pas de proches pour l'aider, puisqu'elle venait de déménager de Québec à Montréal, ou elle ne connaissait presque personne. Comme je ne demeurais pas loin de chez elle, je suis allé lui rendre visite avec des aspirines et du sirop pour le rhume. Et ça fait maintenant plus de trente ans que nous vivons ensemble. Cet exemple montre que 1)'aborder un sujet tabou avec quelqu'un peut facilement devenir du harcèlement selon ESSIMU et 2) on peut être très surpris de ce qui est tabou pour l'un et pas pour l'autre.
Alors que j’avais une dizaine d’années, j’étais fasciné par la beauté d’une jeune fille, et je n’arrêtais pas de la regarder. J’étais assis assez loin derrière elle, dans l’autobus, mais elle s’est aperçue, en se retournant, que je la regardais. Cela l’a probablement mise mal à l’aise, parce qu’elle m’a lâché : « Arrête de me regarder ! J’suis pas à vendre ! » Mme Bergeron et son équipe considèrent que dévisager une personne de façon à ce que cela la mette mal à l’aise, c’est du harcèlement. De plus, le commentaire blessant fait à mon encontre pourrait aussi être perçu comme du harcèlement, surtout que cela m'a mis si mal à l'aise face aux autres dans l'autobus et que j'en ai rougi. Je suis donc passé de harceleur à harcelé, alors que je n’étais qu’un petit garçon de 10 ans.
Lorsque je travaillais chez Merck, il y avait une jeune femme qui travaillait pour un service de nettoyage à sec. Lorsqu'elle était assise et remplissait les bons de commande, on avait une vue privilégiée sur son décolleté plongeant. Elle avait aussi une bonne poitrine. Je pense qu'elle a reçu une plainte parce qu'à un moment donné elle ne portait plus que des chandails à col roulé. Dans cet exemple, il y aurait deux types de violence sexuelle, selon ESSIMU, soit a) le malaise causé par une personne peu vêtue (ou largement décolletée) auprès de certains hommes ou de certaines femmes et b) le malaise qu'elle a pu avoir lorsque les hommes plongeaient leurs regards dans la vallée entre les monts. Selon a) la jeune femme était harceleuse, alors que selon b) elle était victime.
Très récemment, il y a deux ans, lorsque le rapport ESSIMU est sorti et que j'en ai pris connaissance, j'ai été très choqué. Ce rapport abordait un sujet d'ordre sexuel, et m'avait mis plus que mal à l'aise. J'étais donc victime de harcèlement.
En introduction d'une conférence chez les Sceptiques du Québec, j'ai abordé le sujet des agressions sexuelles, et j'ai mentionné que la définition d'agression était maintenant tellement large qu'elle ne voulait plus rien dire, surtout en cour. À ce moment, je commentais un article sur le fait que seulement 0.3% des violences sexuelles étaient condamnées en cour. Cette nouvelle définition portait trop à confusion, et cela augmentait le nombre d'agressions de façon exagérée, et diminuait ainsi le pourcentage de peines de prison de façon aussi alarmante. Cela ne servait pas à faire avancer le débat sur cette question, mais plutôt à culpabiliser des incivilités. Certaines personnes de l'assistance n'ont pas apprécié, et, de ce fait, je suis devenu harceleur.