Re: Neurothéologie : sur la piste de Dieu dans le cerveau ?
Publié : 15 juil. 2007, 22:03
Document 2 :
23 février 2006, Michel THYS a écrit :Conférence de Michel THYS,
le 24 février 2006, dans un cercle de libres penseurs.
« Approche psycho-neuro-physio-génético-éducative de la foi ».
Aborder un sujet aussi vaste, sans trop dépasser la demi-heure, est
à la fois téméraire et simplificateur. D’autant plus que je ne suis ni psychologue, ni médecin, ni généticien, ni enseignant, pas plus que biologiste, sociologue ou anthropologue, ni quoi que ce soit qui me donnerait la moindre compétence en la matière.
Heureusement peut-être, car si j’avais été l’un de ces spécialistes, je me serais sans doute abstenu.
Je ne suis qu’un modeste observateur candide qui va tenter de résumer ce qu’il pense avoir compris et qui serait heureux de susciter commentaires, points de vue différents et critiques.
Rares sont d’ailleurs les spécialistes qui se hasardent à s’engager dans un domaine aussi complexe et aussi délicat, aux confins des sciences exactes et des sciences cognitives, et donc à la limite de l’objectif et du subjectif.
De plus, a priori, les religions continuent à bénéficier d’un tabou, d’un préjugé de respectabilité. On invoque encore le blasphème ou le sacrilège.
Parler des religions et a fortiori les critiquer est jugé intolérant.
La tolérance (je préfère dire l’acceptation de l’autre) consiste pourtant à respecter les personnes, mais pas nécessairement leurs idées, toujours susceptibles d’être critiquées, sans heurter bien sûr ceux qui les soutiennent.
Mais, au fil du temps, toutes les religions, bien qu’à des degrés divers, commencent à être perçues comme plus nocives que bénéfiques, à tous points de vue : individuel, collectif et historique. Ce qui n’enlève évidemment rien au droit de croire en Dieu, l’idéal étant seulement que chacun ait la possibilité de choisir effectivement, (du moins aussi librement que possible), de croire ou de ne pas croire.
Et, à cet égard, il est heureux que l’éternel problème de savoir qui fut le premier, la poule ou l’œuf, commence à évoluer : la question n’est plus de savoir si c’est Dieu qui a créé le cerveau, ou si c’est
le cerveau qui a créé Dieu, mais d’abord : pourquoi pense-t-on l’un plutôt que l’autre ?
Depuis plus de 40 ans, je cherche en effet à comprendre pourquoi d’ d’éminents scientifiques ou intellectuels, anciens ou contemporains, pourtant au courant d’alternatives non aliénantes, sont restés croyants ou déistes, en tous cas à des degrés divers.
Alors que l’agnosticisme est l’attitude la plus cohérente pour un scientifique.
Serait-ce parce que l’intelligence et l’intellect sont parfois subjugués par l’affectif, dès qu’il est question de religion ?
Serait-ce parce qu’au-delà de l’âge de 25 ans environ, il devient
difficile et même rare de remettre en question ses options fondamentales ? Quoi qu’il en soit, rappelons-nous quand même
que la liberté individuelle, sans être une illusion, comme le pensait Henri LABORIT, est grevée par de multiples facteurs, que l’on soit croyant ou incroyant.
En 1966, je suis donc allé rendre visite, à l’ULB, au professeur de psychologie Paul OSTERRIETH, qui était protestant et, tout de go, je lui ai demandé si l’éducation religieuse précoce, forcément affective puisque fondée sur l’exemple et la confiance envers les parents, ne laisserait pas des « traces » neuroniques dans le cerveau « affectif », et dans d’autres régions corticales, dont je
me doutais qu’elles étaient concernées, traces qui pourraient alors perturber, à des degrés divers, le sens critique ultérieur, du moins dès qu’il est question de religion.
J’ai aussi écrit en 1969 au neurophysiologiste catholique Paul CHAUCHARD, ainsi qu’ au neuropsychiatre juif Henri BARUK pour leur poser les mêmes questions.
Leur trois réponses furent sibyllines, mitigées et donc décevantes.
Mais j’ai heureusement approché depuis de nombreux scientifiques libres penseurs qui, eux, avaient le souci de la probité et en particulier de l’honnêteté intellectuelle et qui avaient entendu parler, entre autres, de Claude BERNARD et de Karl POPPER.
Bien que scientifiquement profane, je me permettrai donc, le cas échéant, de dénoncer notamment le manque parfois flagrant d’objectivité scientifique de certains neurophysiologistes croyants, surtout américains et canadiens, et aussi de déplorer les distorsions que certains journalistes scientifiques font parfois subir à l’information.
Louis PASTEUR disait : « Quand j’entre dans mon laboratoire, je laisse mes convictions au vestiaire ». C’était méritoire à l’époque, pour le croyant qu’il était. De fait, il aurait dit aussi :
« Un peu de science éloigne de Dieu ; beaucoup en rapproche ».
« Il ne faut pas s’imaginer, écrit l’anthropologue Victor STOCKOFSKI, que les scientifiques, même les plus éminents, échappent à l’irrationnel, une fois franchies les portes de leur laboratoire ». Fin de citation.
Même Albert EINSTEIN, qui condamnait le dogmatisme et les religions, ne pouvait concevoir que le hasard fût à l’origine de l’univers (« Dieu ne joue pas aux dés », disait-il) ou encore :
« Le sentiment religieux cosmique est le motif le plus puissant
et le plus noble de la recherche scientifique ».
Je suis bien conscient que la foi, comme tout phénomène humain, est d’une telle complexité que toute tentative de la comprendre, ne fût-ce que très partiellement et aussi brièvement, est forcément réductrice et simplificatrice, pour ne pas dire symbolique.
A fortiori lorsqu’on aborde successivement ses différents aspects, alors qu’en fait, ils sont intimement liés et qu’ils agissent conjointement. Comme l’ont bien montré par ailleurs Edgar MORIN
et Henri LABORIT, des disciplines jadis juxtaposées se décloisonnent enfin, se complémentent et s’enrichissent mutuellement.
Pour clore cette introduction, est-il besoin de préciser que je ne ferai ici qu’émettre des hypothèses de travail, et que je ne cherche évidemment pas à convaincre, ni à prouver quoi que ce soit, ce qui
ne m’empêchera pas de vous soumettre quelques idées personnelles.
Abordons l’ APPROCHE PSYCHOLOGIQUE de la foi .
La foi, contrairement à la croyance, implique une confiance.
C’est dans ce sens que les athées disent avoir « foi en l’homme », en son aptitude à progresser, du moins s’il est placé dans des conditions favorables. Plus généralement, le LAROUSSE définit la foi comme « le fait de croire en Dieu, en des vérités religieuses révélées ».
Le petit ROBERT ajoute : « en un dogme, par une adhésion profonde de l’esprit ET du cœur ».
C’est un bon point de départ, car toute la question sera de se demander dans quelle proportion.
Je n’évoquerai pas toutes les formes de croyances qui ont existé depuis la nuit des temps selon les cultures. Disons seulement que les premiers témoignages d’une forme de croyance sont fournis par les sépultures et les rites funéraires, l’art, les parures, etc … qui apparaissent vers 100.000 ans avant l’ère chrétienne.
C’est sans doute en observant les grands cycles de la nature et en particulier la course du soleil et de la lune que les hommes ont bâti leurs mythes fondamentaux.
Ainsi la grotte de Lascaux est-elle devenue une grotte sacrée parce que la lumière du soleil solsticial d’été y pénétrait chaque année.
Mais les premières divinités n’apparaissent que bien plus tard, vers moins 10.000, au Proche-Orient.
Il fallait sans doute que le cerveau des primates hominidés se soit complexifié, qu’il ait compensé, par une lente adaptation, ou par une mutation, la faiblesse corporelle du corps humain et qu’il soit devenu capable, par ce mécanisme de défense, d’imaginer des dieux protecteurs anthropomorphiques pour tenter d’apaiser leur colère par des sacrifices ou de gagner leurs faveurs.
En simplifiant à outrance par un bond de plusieurs millénaires, disons que, de nos jours, l’animisme, le chamanisme, le polythéisme, le panthéisme sont devenus exceptionnels, au profit de la croyance en un dieu personnel, les monothéismes devenant hélas la source de toutes les intolérances.
On estime qu’il y a 85 % de croyants dans le monde, dont 35 % de chrétiens, 20 % de musulmans, et seulement 1 % de juifs.
Il n’y a donc que 15 % de sans religions, essentiellement dans les pays européens.
Sans minimiser, tant s’en faut, l’influence des philosophes, depuis les Grecs notamment, dans l’appréhension des inquiétudes existentielles et dans l’évolution des mentalités, il m’apparaît quand même que les sciences cognitives, qui sont les filles de la philosophie, apportent un éclairage complémentaire et fondamental. Notamment les neurosciences.
Un sociologue attribuera sans doute la croyance généralisée hors de l’Europe au fait que les croyants pratiquants (les chrétiens, surtout américains, les juifs et les musulmans) baignent du matin au soir, et sans alternative, dans leur religion et ne mettent donc pas en doute, ne fût-ce qu’un instant, l’existence d’un dieu créateur et omnipotent auquel ils trouvent normal de se soumettre.
Par contre, dans les démocraties modernes, les religions ont perdu leur emprise sur la vie morale des individus et, l’individualisme aidant, on s’affranchit de plus en plus, le cas échéant, de son éducation religieuse. Les lieux de culte se vident, chacun préférant, comme l’a bien montré la sociologue Danielle HERVIEU-LEGER, se concocter un amalgame de croyances pouvant inclure la superstition et l’astrologie, à moins de se faire harponner par les sectes : expertes en récupération, prosélytisme, abus de faiblesse, conditionnement, manipulation mentale, escroquerie morale et financière, elles exploitent hypocritement les besoins légitimes d’espérance, de convivialité, d’identité, de sens à donner à l’existence, voire de mystère, de merveilleux, de rêve, etc …
Mais comment répondre à mon éternelle question : pourquoi d’éminents scientifiques et intellectuels, tels qu’ EINSTEN, TEILHARD DE CHARDIN, Alexis CARREL, Carl JUNG, Paul CLAUDEL, Albert JACQUARD, Françoise DOLTO, Christian de DUVE et quantité d’autres, sont-ils restés croyants ou déistes, même si ce fut avec d’importantes nuances, critiques ou rationalisations ?
En fait, leur biographie est révélatrice : je constate qu’ils ont TOUS reçu une éducation religieuse, ou alors subi des influences judéo-chrétiennes ultérieures, ou enfin, mais c’est théorique et
rarissime, parce qu’ils auraient réagi a contrario à une éducation laïque trop exclusive.
Quoi qu’il en soit, la corrélation me paraît flagrante.
Hélas, les facteurs éducatifs et culturels qui sont à mon avis à l’origine de la foi sont à peine envisagés par les chercheurs, et sont aussitôt occultés au profit de facteurs neurophysiologiques
ou génétiques.
Vous devinez pourquoi : ils sont presque tous croyants ou déistes, surtout outre-atlantique, et ils ont donc eux-mêmes reçu une éducation religieuse … Citons une exception célèbre :
Sigmund FREUD qui, lui, s’en est affranchi et pour qui la religion était une névrose obsessionnelle collective.
A mes yeux, la toute puissance de l’éducation religieuse a été notamment démontrée – paradoxalement – par l’ouvrage « Psychologie Religieuse » paru en 1966 du R. P. Antoine VERGOTE, professeur à l’Université Catholique de Louvain.
Il y explique les motivations psychologiques de la foi et l’influence du milieu familial et culturel.
Il reconnaît, quasi explicitement, qu’en l’absence d’éducation religieuse, la foi n’apparaît pas, ce que tous les parents incroyants savent depuis toujours. Ainsi il écrit :
« La disponibilité religieuse de l’enfant ne prend forme qu’à la condition d’être précocement éduquée. » (…)
« Les gestes et le langage religieux des parents (..), la célébration des fêtes religieuses marquent de façon INDELEBILE les souvenirs d’enfance de nombreux adultes et déterminent leurs sentiments d’appartenance religieuse ».
J’y reviendrai à propos de l’approche éducative.
Et bien entendu, le Révérend VERGOTE ne suggère pas que Dieu pourrait n’ « exister » que par l’aptitude du cerveau humain, seul capable de langage et de créativité, à imaginer par anthropomorphisme ce dieu « Père protecteur, agrandi et substitutif , authentique, Présence Opérante du Tout-Autre» etc …
Merci quand même, Rév. Père, d’avoir accéléré l’évolution du croyant (protestant) que j’étais jusqu’à 21 ans vers l’athéisme, il y a 46 ans !
Passons à l’ APPROCHE NEUROLOGIQUE de la foi :
Pendant longtemps, pour des raisons religieuses, on a entretenu le dualisme de DESCARTES, la séparation entre le corps et l’esprit, estimant que les sentiments n’avaient rien à voir avec la biologie.
Le neurologue Antonio DAMASIO, dans ses livres « L’erreur de Descartes » et « Spinoza avait raison » a eu le mérite de montrer
que ce philosophe hollandais avait pressenti certaines découvertes de la neurophysiologie moderne.
1. / C’est dans les années 70 que l’étude du cerveau a connu son essor, avec notamment en 1977, le psychologue Julian JAYNES qui avança la théorie de l’ « esprit bicaméral ». Il estimait qu’à l’origine, les deux hémisphères cérébraux fonctionnaient de concert, aucun des deux ne dominant l’autre, comme c’est le cas aujourd’hui pour l’hémisphère gauche.
2. /Par la suite, on a estimé que, statistiquement et avec des variations individuelles, l’hémisphère gauche, dit scientifique, est analytique, verbal et temporel, tandis que l’hémisphère droit, dit
artistique, est synthétique, émotionnel, non verbal et spatial, et cela sous l’influence directe des hormones (testostérone, oestrogènes, etc …), dès les premières semaines de la vie intra-utérine.
3. /Il est peut-être utile de rappeler brièvement la théorie du triple cerveau du neurologue Paul Mac LEAN. On peut même dire que ce n’est plus une théorie mais un fait.
Tout comme est un fait la théorie de l’évolution d’ailleurs.
Je vais bien sûr simplifier à l’extrême.
Le cerveau humain est constitué de trois fonctions évolutives bien différentes anatomiquement et psychologiquement :
le cerveau reptilien, le cerveau mammalien ou limbique et le cerveau
humain ou néo-cortex.
Le cerveau reptilien, le plus ancien dans l’évolution et le plus profond, est le siège des fonctions vitales et des comportements stéréotypés, comme la fuite. Il est le lieu de la routine, des rituels,
des cérémonies, …
Le cerveau mammalien ou limbique s’y est superposé et est le siège des émotions, mais aussi, selon Mac LEAN, des certitudes quant aux révélations et aux croyances. La foi, à la base de toutes
les idéologies, se situe à ce niveau. Il est relié à l’hypothalamus , au tronc cérébral et aux cortex.
Il permet l’adaptation au milieu social par l’empathie, l’intégration à un groupe, les convictions et croyances, l’amour …
Mais il est imperméable à toute logique.
Enfin est apparu le cerveau humain ou néocortex , dont dépend l’esprit rationnel, etc …
Le néocortex est conscient de ses automatismes et de ses pulsions et il peut les gérer par sa fonction imaginaire.
Il représente la conscience, la capacité symbolique, et le langage, base de la pensée abstraite.
4./Depuis quelques années, des neurologues, surtout américains et canadiens, explorent les soubassements neurobiologiques de ce qu’ils ont appelé les « expériences religieuses, spirituelles
et mystiques ».
Bien des découvertes ont été faites lors et à la suite de traumatismes crâniens, d’opérations ou de maladies mais actuellement, on utilise notamment trois techniques :
- l’ IRM, imagerie par résonance magnétique, où on polarise par un électroaimant les atomes d’hydrogène du cerveau,
- l’IRM fonctionnelle, qui mesure l’augmentation d’oxygène dans le cerveau lorsque les neurones deviennent très actifs.
- et la tomographie par une caméra à émission de positons qui détecte l’accroissement de radioactivité autour des neurones lorsque la vasodilatation provoque une augmentation du débit sanguin. Des religieuses ont servi de cobayes.
Il est clair que la plupart de ces chercheurs, espéraient, consciemment ou inconsciemment, conforter leur propre croyance par la découverte de l’antenne, du récepteur que Dieu aurait placé
dans leur cerveau, sans se rendre compte de leur a priori déterministe et finaliste, ni qu’ils escamotaient allègrement tout ce qui n’allait pas dans le sens de leur thèse !
Où ont-ils cherché ce récepteur ?
Puisque le sentiment religieux relève de l’affectivité, (même si tous les scientifiques croyants voudraient bien l’attribuer tout autant à l’intelligence, fierté oblige), c’est essentiellement du côté du « cerveau émotionnel », donc du système limbique, à la base du cerveau antérieur et sous les lobes temporaux, qu’ils ont commencé à chercher cette antenne dans les années 80.
Ce système limbique comprend les amygdales, les hippocampes, mais aussi plusieurs régions corticales, comme le cortex préfrontal, le cingulum, le septum et certaines zones de l’hypothalamus.
L’HIPPOCAMPE est important, de notre point de vue, car il reçoit notamment les messages sensoriels (visuels, auditifs, olfactifs, gustatifs et tactiles).
Ce n’est évidemment pas un hasard si, depuis toujours dans les lieux de culte, nos cinq sens sont sollicités : immensité des cathédrales, décorum, dorures, œuvres d’art ; grandes orgues (ou chants rythmés) ; encens ; vin de messe ou hostie ; attouchement sur le front ou génuflexion. No comment …
Ce qui va suivre me paraît fondamental parce que cela pourrait expliquer le mécanisme
neurologique de l’apparition de la foi et de sa persistance : c’est que l’hippocampe va mémoriser ces messages sensoriels. Mais nous verrons que des neurotransmetteurs interviennent également.
Le neurophysiologiste français Patrick JEAN-BAPTISTE, auteur de « La Biologie de Dieu » nous explique que « suivant la fréquence des informations, l’activité électrique de ces neurones change de façon durable. C’est, dit-il, la seule trace physique connue laissée par le processus d’apprentissage.
Contrairement à d’autres, ajoute-t-il, ce complexe fonctionnel qu’est l’hippocampe est totalement dépourvu du moindre mécanisme modulateur. Aucun neurone inhibiteur, ce qui explique pourquoi les crises d’épilepsie y débutent si souvent. ».
Or les hippocampes sont anatomiquement en contact direct avec les AMYGDALES (pas celles de la gorge, bien entendu). Celles-ci sont très richement connectées au cortex frontal et au cortex préfrontal : elles sont en quelque sorte l’articulation de l’esprit avec le corps, telle que l’envisageaient les philosophes, même si cet esprit, pour les neurologues matérialistes, n’est qu’un état particulier de la matière.
Autre découverte importante : chez l’enfant, les circuits de l’amygdale deviennent matures AVANT les circuits de l’hippocampe.
La mémoire émotive implicite , notamment religieuse, pourrait alors s’implanter sans qu’aucun souvenir explicite lui soit associé.
Avec le temps, écrit le neurophysiologiste JEAN-BAPTISTE, l’information finira d’ailleurs par s’imprimer à l’intérieur du cortex cérébral, probablement sous forme de nouvelles connexions neuronales ». C’est ce qu’on appelle la plasticité synaptique.
Voilà qui expliquerait peut-être la persistance du sentiment religieux et la phrase d’Henri LABORIT : « Je suis effrayé, dit-il, par les automatismes qu’il est possible de créer, à son insu, dans le système nerveux d’un enfant. IL lui faudra, dans sa vie d’adulte, une chance exceptionnelle pour s’en détacher, s’il y parvient jamais. (…) Vous n’êtes pas libre du milieu où vous êtes né, de tous les automatismes qu’on a introduits dans votre cerveau, et finalement, c’est une illusion, la liberté ».
5. /Deux sortes d’altérations cérébrales ont été étudiées comme pouvant être à l’origine de certaines manifestations religieuses : l ’EPILEPSIE et l’ EXPERIENCE DE MORT IMMINENTE.
Lorsqu’une crise d’ EPILEPSIE se produit à la base du cerveau, en particulier dans le lobe temporal et les structures sous-jacentes comme le système limbique, les symptômes sont d’ordre émotionnels : une extase intense, ou un profond désespoir, ou des terreurs extrêmes, la sensation d’une présence divine et de communiquer directement avec Dieu.
Suprême récompense divine si l’on peut dire : il arrive que des femmes aient des orgasmes pendant ces crises.
Espérons que c’est vrai aussi pour ces malheureuses religieuses !
Ceci dit, on ignore pourquoi les hommes qui ont des crises d’épilepsie localisées à ces endroits ne sont pas sujets à des orgasmes. Peut-être parce que les femmes sont psycho-physiologiquement beaucoup plus compliquées que les hommes.
Mais l’épilepsie ne rend pas religieux : il faut que préexiste une attente d’ordre religieux, comme ce fut le cas pour Saint Paul, Moïse, Mahomet, Bouddha, Dostoïevski, Jeanne d’Arc, Bernadette Soubirous, et consorts. SAVER et RABIN l’avaient bien compris en 1997 :
« Le teinte religieuse d’une crise dépend du contexte culturel du malade. »
Et savez-vous pourquoi les femmes sont globalement plus croyantes que les hommes ?
Ce serait parce que leur cerveau présenterait plusieurs différences : surtout dans le système limbique, à l’intérieur des amygdales, peut-être en raison de l’imprégnation hormonale durant la vie fœtale.
Chez les femmes, le corps calleux qui réunit les deux hémisphères,
y est plus épais de 18 % (il y passe plus de fibres nerveuses que chez les hommes).
D’où peut-être notamment une plus grande affectivité, un besoin constant d’être rassurées, et donc aussi par Dieu …
Je viens de recevoir, avant sa publication par la Fondation protestante canadienne TEMPLETON
qui l’a financée (100.000 dollars en deux ans sur les 40 millions qu’ils distribuent par an !), les conclusions de l’étude menée sur des religieuses carmélites par le neurophysiologiste canadien
Mario BEAUREGARD, avec qui je suis en correspondance.
Il a utilisé trois techniques : l’imagerie par résonance magnétique, la tomographie par émission de positons, et l’électroencéphalographie.
Après la précaution oratoire pro forma selon laquelle « la réalité objective de Dieu ne peut être ni confirmée ni infirmée par les neurosciences », il cite d’abord la conclusion de SAVER et RABIN qui écrivaient : « L’un des postulats de base des neurosciences spirituelles est qu’ il existe des mécanismes neurobiologiques rendant possibles les expériences religieuses, spirituelles et mystiques », et que « la démonstration de ces mécanismes peut renforcer la foi en Dieu, dans la mesure où ils suggèrent qu’un pouvoir supérieur a donné aux êtres humains la capacité de communiquer avec le monde spirituel ».
On y subodore ce que pensent ces chercheurs intellectuellement matérialistes mais qui restent manifestement influencés par leur foi…
Mario BEAUREGARD, également croyant, regrette l’idéologie matérialiste de certains chercheurs, tels que feu Francis CRICK. C’est le co-découvreur de la structure en double hélice de l’ADN, et un des seuls athées que j’aie trouvé.
Pour CRICK, les facultés mentales supérieures, la conscience, le libre arbitre sont générés par des processus cérébraux de nature électrique et chimique.
Francis CRICK « est allé jusqu’à affirmer, écrit Mario BEAUREGARD, que la croyance en l’existence de Dieu pourrait être due à des molécules mutantes dans le cerveau, qu’il a moqueusement baptisées « théotoxines ». On perçoit bien la désapprobation.
Et ça continue : « Dans la même veine, dit-il, le neuropsychologue Michael PERSINGER affirme haut et fort que la croyance religieuse est un virus cognitif .
« Pour Persinger, poursuit Beauregard, les expériences religieuses, spirituelles et mystiques sont des hallucinations résultant de fluctuations électriques anormales, ou micro-crises, dans le lobe temporal. Cette hypothèse s’appuie sur l’observation que certains individus souffrant d’épilepsie du lobe temporal ressentent une déréalisation, une aura extatique ainsi qu’une altération de la perception du temps et de l’espace. »
Mario BEAUREGARD mentionne aussi une expérience du neurologue croyant RAMACHANDRAN, l’auteur du « Fantôme Intérieur », qui a comparé un groupe d’ individus soufrant d’épilepsie du lobe temporal à un groupe d’individus religieux et qui a conclu qu’ « il existe un module cérébral de Dieu localisé dans le lobe temporal et sous-tendant la croyance au religieux et au spirituel ».
BEAUREGARD le conteste, mais pas, comme je l’aurais apprécié, en invoquant que l’échantillon étudié aurait dû comporter des athées.
Il est vrai que c’est une espèce rarissime outre-atlantique …
SAVER et RABIN, en 1997, contestaient déjà ce genre de localisations simplistes.
Ils écrivaient en effet : « Il n’existe aucune structure propre au discours religieux dans l’hémisphère gauche, à sa teneur prosodique ou émotionnelle dans l’hémisphère droit, ou aux discussions scolastiques ou talmudiques dans le lobe frontal » . Et ils ajoutaient : « Le substrat neural de la prépondérance d’une pensée ou d’un affect est donc l’ensemble du cerveau.
Et de fait, mais c’est moi qui vais tenter de résumer : ce sont les interconnexions entre les deux hémisphères, et celles entre le cortex et les zones sous-jacentes du cerveau affectif, c’est-à-dire le système limbique dont l’hypothalamus qui commande le système hormonal etc , ce sont ces interconnexions qui sont responsables de l’équilibre fonctionnel du cerveau. Son fonctionnement, dont on ne cesse pas de découvrir la complexité, est en effet la résultante d’influences multiples : psychologiques, neuro-physiologiques, hormonales, génétiques, éducatives, etc …, et qui sont en équilibre instable.
Passons à l’ APPROCHE NEURO-PHYSIOLOGIQUE de la foi :
Toute expérience religieuse procure un sentiment de satisfaction,
qui va de la béatitude au plaisir mitigé fait de peur et de fascination. Sans plaisir, pas de religion.
La DOPAMINE est un des principaux neurotransmetteurs du cerveau, ainsi que notamment la sérotonine, l’ocytocine, l’histamine et la noradrénaline qui sont produites dans le cerveau moyen ou mésencéphale et dont le rôle est de modifier l’activité générale du cerveau antérieur, cortex et régions profondes.
La dopamine nous intéresse car c’est le neurotransmetteur de la récompense, du contentement, du plaisir. C’est pourquoi les promesses sont si souvent crues, même celle du paradis.
Les pratiquants du yoga tantrique l’avaient compris : la sanctification de l’acte sexuel pour atteindre une plénitude de l’énergie vitale, supposent bien sûr une activation mésolimbique.
Mais là, je sors du sujet.
Revenons-y : il paraît qu’un peu de sucre suffit à augmenter la sécrétion de dopamine .
L’usage débridé des couleurs dans les églises et temples bouddhiques résulteraient de cette tendance naturelle de chaque être humain à apprécier le sucre ou la couleur d’un fruit…
Il en va de même pour les formes géométriques utilisées comme symboles religieux (et maçonniques).
La consonance en musique en est un autre exemple : 4 % des auditeurs d’un morceau de musique ressentent un transport extatique : rappelez-vous la conversion de Paul CLAUDEL, ancien croyant, en entendant le Magnificat.
Je voudrais à présent dire quelques mots à propos de la méditation, des états mystiques, du nirvana, des transes chamaniques, des rituels et de l’expérience de la mort imminente.
D’AQUILI et NEWBERG ont étudié l’action de la MEDITATION sur le cerveau.
La déconnexion des aires cérébrales se fait soit en fixant un objet brillant (c’est une sorte d’auto-hypnose), soit en ne pensant à rien.
La méditation est un exercice de pensée et ce sont d’abord les régions du cortex qui travaillent, mais le fonctionnement cérébral se modifie jusqu’à l’hypothalamus et le tronc cérébral, siège des fonctions végétatives, en passant évidemment par la case limbique, le siège des émotions.
L’état de transcendance ne serait alors qu’un effet collatéral de la méditation, un épiphénomène, en somme.
Ce qui pour moi est révélateur, c’est que la méditation n’est pas nécessairement associée à la religion : pour qu’elle le soit, il faut s’attendre à un Au-delà, donc avoir baigné dans un milieu culturel religieux, mais cela, aucun neurophysiologiste croyant ou déiste ne le reconnaît …
Dans les ETATS MYSTIQUES, les valeurs contraires comme le bien et le mal, la justice et l’injustice, sont abolies. Toutes les choses tendent vers une unité indifférenciée et panthéiste : Dieu est en chacun de nous et tout l’univers est Dieu. Et, on s’en doute, un athée ne deviendra jamais mystique, sauf peut-être par opportunisme, à l’approche de la mort, conformément au pari de PASCAL.
Le NIRVANA des bouddhistes, lui, est atteint lorsque la méditation entraîne la déconnexion, on dit aussi la dé-afférentation, des deux systèmes nerveux végétatifs para et orthosympathiques.
La perte d’orientation due à la déconnexion des lobes pariétaux droits et gauches donne un sensation d’espace infini, d’une dissolution totale de la séparation entre le monde et soi, une impression de vide et de grand calme.
La TRANSE CHAMANIQUE des indiens de Haute Amazonie est un état de conscience qui résulterait d’une modification du taux de sérotonine dans le cerveau. Ils fabriquent une décoction contenant plusieurs alcaloïdes, qui provoque non pas des hallucinations mais qui exacerbe un sentiment divin, évidemment préexistant.
Quant au RITUEL, action répétitive stéréotypée, c’est le comportement anti-stress le plus fréquent. Tout rituel apporte un certain apaisement, qui diminue le stress, l’angoisse et le taux de glucocorticoïdes.
La religion regorge de rites à la limite de la compulsion, depuis les conduites superstitieuses jusqu’aux prières et signes de croix.
On a même montré que la fréquence des TOC était supérieure à la normale chez les catholiques pratiquants. Ils vivraient même plus vieux.
Afin de déterminer si les expériences religieuses vécues par des religieuses sont le fruit de processus imaginaires ou hallucinatoires, ou bien s’ils ont une réalité objective, Mario BEAUREGARD a étudié le phénomène de l’ EXPERIENCE DE MORT IMMINENTE.
Cette expérience survient lorsque la personne sait ou entend qu’elle va mourir. Elle s’accompagne d’hallucinations visuelles et auditives, mais parfois aussi de visions affreuses de l’enfer.
Le sujet a l’impression de se détacher de son corps, il a un sentiment d’intemporalité, d’harmonie et d’unité avec l’univers,
et de voir un point lumineux au bout d’un tunnel etc ..
BEAUREGARD semble convaincu par certains cas vécus que « les expériences religieuses, spirituelles et mystiques peuvent survenir même lorsque le cerveau ne fonctionne plus » et donc lorsque l’EEG est plat.
Si tel est bien le cas, écrit-il, alors nous pouvons affirmer que chez des individus neurologiquement et psychologiquement sains, ces expériences sont corrélées à des modifications neurologiques et neurochimiques, mais qu’elles ne sont PAS le produit de processus hallucinatoires générés par le cerveau ».
Il ne l’écrit évidemment pas, mais cela semble sous-entendre pour
lui la réalité objective de Dieu.
Patrick JEAN-BAPTISTE au contraire, estime que les expériences de mort imminente, tout comme l’épilepsie, dépendent du contexte culturel, ce qui suggère une fois encore l’importance de l’éducation religieuse et du contexte culturel, mais lui non plus ne le précise pas.
Quelles sont les implications morales de la neurophysiologie ?
Toute science, d’abord fondamentale, finit par dépasser le stade de la compréhension des phénomènes pour passer à celui de l’application. Il était donc prévisible que des neurophysiologistes croyants, prosélytes et néopositivistes, cherchent à faire en sorte que la science se substitue à la religion, ou au moins la conforte,
par des moyens techniques.
Non plus par telle ou telle substance psychotrope, le LSD par exemple, mais par une intervention extérieure sur le cerveau, et
cela depuis que PENFIELD leur en a donné l’idée en appliquant des électrodes sur le cortex lors d’interventions chirurgicales.
Plutôt que des gaz ou des sons appropriés, on utilise la « stimulation magnétique transcrânienne » : elle se base sur le fait que le tissu nerveux est, chez l’homme comme chez les oiseaux migrateurs par exemple, sensible au magnétisme.
C’est à première vue surprenant puisque les tissus biologiques ne sont pas métalliques et qu’ un champ magnétique ne devrait pas y induire un courant électrique.
Mais on a découvert en 92 que chaque gramme de cerveau humain contient 5 millions de cristaux de magnétite, un oxyde de fer magnétisé, et qu’il y en aurait jusqu’à 100 millions par gramme
dans les méninges. Les perturbations magnétiques modifieraient donc la réactivité de la membrane du neurone, un peu comme le champ magnétique induit par un cours d’eau souterrain active
sans doute les neurones du cortex moteur d’un sourcier, ( lequel n’est pas nécessairement un charlatan), ce qui provoque une
légère contraction de ses muscles, amplifiée par sa baguette.
Le premier stimulateur magnétique transcrânien a été réalisé
par le Canadien Michael PERSINGER qui a mis au point son
casque OCTOPUS, parce que constitué de 8 électroaimants
placés perpendiculairement au-dessus des huit lobes cérébraux.
Cela me fait penser à Edgar P. JACOBS, dans la Marque Jaune, lorsque le professeur Septimus, avec son télécéphaloscope, téléguidait Olrik vers Blake et Mortimer.
Inquiétante anticipation de ce qui pourrait un jour devenir une réalité.
Selon Michael PERSINGER, le contrôle à distance de chaque
cerveau humain serait réalisable dans un proche avenir, lorsqu’
on aura mis au point de puissants émetteurs.
Certains neurophysiologistes cherchent déjà à agir à plus grande distance que PERSINGER sur les cerveaux. D’abord à des fins militaires et commerciales évidemment, mais aussi pour renforcer
la foi par telle fréquence, ou même, tant qu’à faire, pour rendre un athée croyant, par telle autre fréquence !
A ce sujet, un article de Mario BEAUREGARD m’a fait bondir :
« Une fois que nous aurons découvert les diverses corrélations neurobiologiques de l’union mystique,
et, par conséquent, de la transformation spirituelle, on peut
imaginer que, dans un avenir proche, nous aurons assez de connaissances pour pouvoir favoriser la transformation spirituelle des individus, en combinant la métacognition et la stimulation interne et externe du cerveau ».
Je lui ai écrit pour m’indigner d’un tel manque de respect de l’éthique.
Il m’a évidemment répondu que telle n’était pas son intention …
Quant à Patrick JEAN-BAPTISTE, il est très difficile de découvrir
ce qu’il pense vraiment : ce neurophysiologiste de formation, actuellement journaliste à « Sciences et Avenir » exprime-t-il une opinion générale ou bien la sienne lorsqu’il pousse l’ agnosticisme scientifique jusqu’au scepticisme radical : il estime par exemple
que l’évolution ne serait pas un fait sous prétexte qu’on n’a pas pu
en vérifier la théorie. Et pour cause ! « Comme cette théorie va à l’encontre de nos attentes immédiates, elle est contre-intuitive et
ne peut donc qu’être fausse », écrit-il. !
Et voici sa conclusion :
« Les observations des neuro-physiologistes peuvent apparaître comme un plaidoyer positiviste, une inquisition anti-divine ou même un évangile de l’athéisme définitif ».
Notez qu’il n’a rien compris à l’athéisme, qu’il juge nécessairement froid et inhumain.
Il poursuit : « Montrer que les voix entendues par les prophètes ne sont qu’hallucinations auditives, résultats d’une activité anormale dans le lobe temporal gauche, que le Nirvana n’est qu’une conséquence de la déafférentation d’une région du lobe pariétal
droit, ou que Dieu n’est qu’une illusion affective de l’intellect – un trompe-l’œil de la pensée humaine –sont autant d’arguments en faveur d’un monde profané au sens où toute sacralité rejoindrait
les limbes du cerveau, comme un aberration neuropsychologique ».
Cependant, « il n’en est rien », dit-il :
« Les neurophysiologistes gardent tous plus ou moins conscience
du sacré et de la nécessité pour l’être humain de ne pas complètement se couper de ses croyances en un Au-delà plutôt bénéfique, en tout cas ancestral ». J’en conclus que Patrick JEAN-BAPTISTE est au moins déiste.
Et enfin, mieux vaut en rire, voici ce que pense le neuropsychiatre Rhawn JOSEPH, croyant néo- gnostique, de tendance raélienne qui pense que nous avons été créés par des généticiens extraterrestres : il prétend même le prouver parce qu’à ses yeux, tenez-vous bien, les géoglyphes dans les champs mésopotamiens ont la forme de deux serpents qui s’enroulent (le caducée des médecins),
et forment un symbole qui ressemble à la double hélice de l’ADN !!!
Tordant, n’est-ce pas ? : c’est le cas de le dire !
Venons-en à l’ APPROCHE GENETIQUE de la foi :
Steven PINKER, dans son livre « The Blank Slate », (La table rase) écrit : « La neurologie moderne nous apprend que la conduite
sociale, les conceptions philosophiques et religieuses, la préférence sexuelle, le sentiment d’honnêteté, même le choix d’un style de musique, sont définis par les circonvolutions nerveuses et la répartition de la matière grise dans les différents domaines du cortex ». Je suis désolé, mais il semble ignorer le rôle du système limbique, celui des neurotransmetteurs etc …
Steve PINKER démontre de façon « irréfutable que la construction héréditaire est primordiale dans le fonctionnement de l’ esprit humain ». Désolé, mais en sciences, surtout humaines, rien n’est jamais démontré de façon irréfutable.
Il continue : « On a ainsi déjà identifié le gène qui fait qu’un être possède ou non le sentiment religieux ».
Ou encore : « Comme être humain, nous possédons une logique
qui sépare le bien du mal ». Désolé, mais pour moi, ce n’est pas
une logique, c’est la conscience morale.
Et elle n’est pas inscrite dans nos gènes ! A mes yeux, loin d’apparaître spontanément, la conscience morale, le sens des valeurs, le respect de l’autre, etc … ne s’acquièrent que par une éducation « humanisante », fondée essentiellement sur l’exemple, sur des expériences affectives, vécues par empathie, parfois a contrario, sur l’autonomie, l’esprit critique et sur la responsabilité individuelle, et bien sûr à condition de ne pas avoir été grevées par des carences affectives et éducatives précoces.
Pourquoi diable faut-il donc toujours que tout soit noir ou blanc ?
Ce n’est pas parce que science et religion sont contradictoires
que deux thèses différentes sont nécessairement inconciliables : elles peuvent être complémentaires : l’inné et l’acquis coexistent,
me semble-t-il, même si les proportions sont variables !
Certains journalistes scientifiques ne sont pas en reste .
Vous avez peut-être lu le magazine SCIENCE ET VIE d’août 2005, intitulé « Pourquoi Dieu ne disparaîtra jamais ».
C’est un plaidoyer inacceptable, j’allais dire démagogique, en
faveur de la croyance. Les sous-titres sont révélateurs :
« Notre cerveau est programmé pour croire. Une molécule de la foi aurait été identifiée. La foi, remède miracle contre l’anxiété. L’irrésistible ascension de Dieu depuis les origines.
La peur de la mort existera toujours. Dieu ne peut donc pas disparaître » ! Et, bien sûr, « le sentiment religieux aurait aussi une base génétique ». J’apprécie quand même le conditionnel.
Le comble, c’est Dean HAMER, celui qui pensait avoir trouvé en 1993 un soi-disant gène de l’homosexualité, et qui a prétendu ensuite avoir trouvé le gène de Dieu, le gène VM AT2, mais il a dû reconnaître qu’il y en a sans doute bien d’autres … On se croirait revenu à l’époque de la découverte des diastases (on dit à présent enzymes), lorsqu’on aurait bien expliqué le fonctionnement d’une horloge en inventant une « horlogease » !
Trêve de plaisanteries, comment expliquer que l’être humain soit le seul primate susceptible de croire en un dieu ?
Personnellement, il me semble probable que, par complexifications successives, et/ou par mutation, la psychophysiologie de notre cerveau, parallèlement au développement du langage, se soit adaptée génétiquement au cours de l’évolution, de manière à mettre en place un mécanisme de défense hédoniste, imaginaire et illusoire, dénommé notamment Dieu. Cette aptitude à imaginer par anthropomorphisme un dieu protecteur et substitutif, compensant la faiblesse corporelle, a été capitale.
Mais à mes yeux, notre cerveau hérite seulement de potentialités, de virtualités, certes inégales, et qui seront plus ou moins actualisées, par l’éducation, l’esprit critique et les expériences personnelles
face au milieu ambiant.
Reste donc à aborder l’approche EDUCATIVE de la foi :
J’ai émis l’hypothèse que l’éducation religieuse précoce pourrait laisser des traces neuroniques non seulement dans le système limbique mais aussi dans les lobes temporaux et frontaux.
Se pourrait-il dès lors que ces traces d’éducation religieuses
puissent hypothéquer, plus qu’on ne le pense bien qu’à des degrés divers, l’acquisition ultérieure de l’esprit critique, de la liberté de
pensée, et du libre choix ultérieur des convictions ?
Aucune étude n’a encore été réalisée à ce sujet mais, en toute logique, et toutes religions confondues, si l’hypothèse d’une « imprégnation affective » s’avérait fondée, l’éducation religieuse,
du moins à mes yeux, pourrait constituer dans le chef des parents
et des éducateurs religieux, bien que sincères et de toute bonne foi jusqu’à preuve du contraire, une malhonnêteté intellectuelle et morale inconsciente … Ne leur en déplaise.
On pourrait m’objecter que, très légitimement, croyants comme incroyants, nous influençons tous nos enfants.
Sans doute, mais, à mon avis, chez les parents croyants, c’est de manière plus affective et plus profonde, puisqu’ils s’engagent en témoignant physiquement de leur foi et de leurs certitudes.
Les parents incroyants, eux, témoignent de leurs doutes.
Les deux styles d’éducation ne sont pas comparables : il n’est pas du tout équivalent d’affirmer l’existence d’une « puissance supérieure » qui a toutes les chances d’être rapidement perçu
comme imaginaire et illusoire, ou de s’en abstenir.
La justification habituelle : « Ils choisiront plus tard » me paraît
dès lors une solution de facilité pour le moins contestable.
Au contraire, l’optique éducative laïque qui consiste à ne pas susciter ni à amplifier de faux problèmes métaphysiques, mais à répondre au fur et à mesure aux interrogations des enfants,
permet de développer leur esprit critique à tous points de vues et
de faire apparaître chez eux une force intérieure leur permettant de supporter sereinement les incertitudes par une confiance raisonnable en la science.
Alors, l’inconnu (ce qui n’est pas encore compris actuellement), n’est plus attribué à un dieu, et la foi n’apparaît pas.
Les adultes qu’ils deviendront pourront effectivement et librement décider s’ils restent laïques ou si une forme de croyance, découverte consciemment, répond mieux à leurs attentes.
Mais il faudrait pour cela promouvoir la morale laïque, actuellement rétive à tout prosélytisme, à tort puisqu’elle ne vise pas à convaincre,
mais à faire découvrir des alternatives et à permettre ainsi un choix aussi libre que possible des convictions.
Je rêve notamment d’un débat télévisé qui tenterait de faire découvrir aux parents croyants leur responsabilité morale…
D’autant plus que ce sont les mêmes parents, dont 10% seulement fréquentent encore les églises, qui mettent leurs enfants dans l’enseignement « libre », qui apparaît pourtant de plus en plus
comme un ghetto anachronique, mais dont ils estiment que le niveau socio-culturel y est supérieur à celui de l’enseignement officiel, non élitiste lui, puisqu’ ouvert à tous.
Je rêve aussi de voir le jour où nos deux réseaux d’enseignements
fusionneront en un réseau unique, mixte et pluraliste, et où il n’y aurait même plus de cours de religion, ceux-ci se donnant dans les lieux de culte. La religion est en effet une affaire privée don
la place est dans les lieux de culte et pas dans les espace publics.
Par contre, ce qui devrait être instauré pour tous, c’est un « cours » entre guillemets d’humanisme englobant en priorité TOUS les aspects des relations humaines et de la vie en commun, à tous
points de vue ?
En bref, apprendre à penser, à être libre, ouvert aux autres et au monde.