#258
Message
par Gabriel C » 11 févr. 2010, 07:04
Le lien que j'ai fait avec la haute finance et l'islamisation est une juxtaposition mal habile du multiculturalisme et l'effet pervers du communautarisme en général sur la société. Mais cela est un autre débat...
Le lien entre la hausse des inégalités social dans le monde et le néo-libéralisme mondialiste est aussi un autre débat, désolé d'avoir amené tout ça dans le même discoure...
J'avoue avoir lancer des idées un peu vite. Je vais me reprendre ici en dressant le portrait (qu'a fait l'humaniste Ali Daher du Centre culturel islamique de Québec ) le plus juste possible sur la question de l'Islam au Québec.
Commençons par le début.
La première mention de l'existence de musulmans au Canada remonte aux années 1870. On les appelait les Turcos, car ils étaient originaires des pays dominés par la Turquie. Leur croissance fut très lente à cause de la politique d’immigration qui, jusqu’au milieu du XXe siècle, restreignait l’entrée du Canada à des personnes de religion chrétienne. Selon les statistiques, ils étaient 478 en 1921. Quand le Canada a aboli les lois qui sélectionnaient les immigrants selon la religion et l'ethnie, le nombre des musulmans a commencé à augmenter. Ils sont passés de 40 000 au début des années 1970 à 100 000 en 1981 et à un peu plus de 250 000 en 1991. Actuellement leur nombre dépasse les 600 000 dans l’ensemble du Canada.
Au Québec, ce n'est que dans les années 1960 que leur nombre va croissant et qu’ils commencent à s’organiser. On assiste alors à la fondation d’institutions islamiques. La première mosquée, celle du Centre islamique du Québec, fut construite en 1965, à Ville Saint-Laurent.
À partir des années 1970, l'immigration musulmane est montée en flèche : 45 000 en 1991 selon Statistique Canada, dont 41 000 à Montréal; 100 000 en 1995 selon certaines sources non officielles; plus de 200 000 actuellement selon leurs leaders. La présence des musulmans n’est donc plus marginale.
L’islamité québécoise
Ces changements en nombre nous permettent d’affirmer qu’une islamité québécoise est en train de se construire. L’immigration musulmane représente une part non négligeable des arrivants de la " Belle Province " qui vise une immigration francophone pour combler ses besoins démographiques et consolider ses assises au sein de la Confédération. Le renforcement du fait français y est donc crucial. Or, parmi les immigrants francophones, les Algériens, les Marocains, les Tunisiens et les Libanais représentent un bassin important.
Le fait que les politiciens soient très sensibles au pouls électoral des minorités donne à ces dernières une bonne marge de négociation en matière de droits collectifs et de revendications. Elles ont plus de latitude pour défendre leurs particularités et se cantonnent donc davantage dans leur identité collective. Ces éléments spécifiques engendrent un rapport particulier à l'intégration. Il s’agit d’une intégration communautaire plutôt que d’une intégration individuelle, c'est la magie du multiculturalisme.
Jusqu’à un passé récent, les immigrants musulmans préféraient s’installer dans les quartiers anglophones ou mixtes. Certains facteurs influençaient cette préférence, à savoir la langue anglaise de la première vague indopakistanaise, l’existence des écoles anglophones dans les parties ouest de la métropole (avant l’adoption de la Loi sur les langues officielles), leur penchant et leur adhésion à la politique fédérale multiculturelle.
Une grande majorité des musulmans qui ont immigré au Québec adhère aux principes de tolérance, de vie en harmonie avec les autres, de respect de la loi. Quelques éléments bruyants et intolérants, de type intégriste, attirent l'attention et occupent la une de certains médias. Mais cette couverture médiatique voile l'islam de la majorité paisible et accorde à l'islam des intégristes une visibilité démesurée.
Un des grands problèmes qui entravent les liens entre les Québécois non musulmans et les Québécois de religion musulmane est l’image de ces derniers qui est véhiculée dans la société. Trop d’amalgames, de préjugés et de raccourcis circulent à leur propos et provoquent chez ces derniers une réaction de repli. Le pire obstacle à l’ouverture de l’autre est le stéréotype que la société d’accueil lui associe. Un discours simplificateur affirme que les musulmans du Québec ne s’intègrent pas à la société québécoise et rejettent les valeurs occidentales. Il faudrait donc soit les rejeter soit les assimiler. Et ces propos leur font peur, les poussent à s’éloigner ou à se replier.
Certains discours aux sources douteuses véhiculent les pires choses sur le compte des musulmans. La foi islamique, sa spiritualité, ses principes et son exigence de justice et de paix sont peu connus. Or, la mauvaise compréhension entre les peuples crée une peur et une méfiance entre les gens. Il est difficile de vivre ensemble en s’ignorant. Le respect mutuel et la confiance, plus que la seule tolérance, demandent l’écoute de l’autre et une meilleure connaissance mutuelle.
Les musulmans sont aussi victimes d’une tendance qui érige les " vérités " propres à une culture particulière en catégories universelles, selon lesquelles toutes les autres cultures sont approchées et jugées. Cette démarche est à l’origine de typologies classant les cultures et les religions en vraies ou fausses, civilisées ou primitives, naturelles ou barbares. La persistance à vouloir considérer l’islam et les musulmans comme forcément inférieurs est une attitude qui engendre la frustration et qui creuse un fossé entre les Québécois de religion islamique et les autres Québécois.
La majorité québécoise se réfère à une morale, à une culture et à une mentalité judéochrétiennes. Cela est particulièrement sensible lorsqu’on étudie l’histoire de la science et de la culture : on passe de la Grèce à la Renaissance sans évoquer l’époque arabo-islamique. Les musulmans ne supportent pas d’entendre dire que l’Occident se résume " à la Bible et aux Grecs ". Cette omission de l’apport de la civilisation islamique à la Renaissance et à la civilisation mondiale les met sur la touche. Dans cette optique, il faudrait revoir les livres d’histoire utilisés dans les écoles et changer l’attitude des institutions d’enseignement québécoises qui ne donnent qu’une information minimaliste sur l’islam, les musulmans et la civilisation arabo-islamique.
Mais les difficultés viennent aussi des musulmans eux-mêmes. Leur implantation est récente au Québec. Leurs responsables, qui dans leur grande majorité sont nés à l’extérieur du Québec, s’intéressent davantage à ce qui passe dans leurs pays d’origine qu’au Québec et laissent de côté la question identitaire. Ils n’ont pas encore réussi, sauf pour une petite minorité d’entre eux, à trouver un équilibre entre leur appartenance au peuple québécois et leur appartenance à l’islam. Pour beaucoup de musulmans, ces deux appartenances sont antinomiques et non complémentaires...
Selon eux, être Québécois signifie s’éloigner de l’islam voila un problème. Et la formule : " Nous sommes des Québécois de confession islamique " n’est pas très répandue, voila qui est dommage. La majorité des musulmans n’est pas encore arrivée à bien comprendre sa situation par rapport à la question identitaire. Leurs responsables actuels n’ont pas encore réussi à développer un vrai sentiment d’attachement à l’identité québécoise. Peut-être parce qu’elle est laïque et que la laïcité est pour eux synonyme d’athéisme? Athée est pour eux synonyme d’infidèle, d’impie, de païen ou simplement d’opposé à l’islam. Une vraie et juste compréhension de la conception de la laïcité leur manque, et à nous aussi (autre débat...)
L'islam est capable de donner des réponses qui découlent de la notion d’alliance ou de pacte. Dans ce domaine, l’islam va très loin. Le pacte est sacré et a la priorité sur les autres liens. Un visa, la permission de s’établir dans un pays, un passeport sont des pactes qui imposent des engagements et demandent le respect des lois et des éléments essentiels sur lesquels la société d’accueil est établie. Une fois que le musulman a accepté le visa et la citoyenneté, il conclut un pacte avec le nouveau pays. Il devient donc de son devoir religieux de respecter son engagement envers les lois de son nouveau pays.
La venu d'une islam québécoise (intégré et intègre) par une grande réconciliation de fraternité et d'écoute est possible, si une volonté médiatique, politique et culturel est mis de l'avant. Un large débat de société devrai également être organisé sur la laïcité et sont vrai sens philosophique, car je pense que sur cette question, on en perd notre latin.
Référence : Daher, Ali, "Les musulmans au Québec", Relations, juin 2003 (685), p. 29-33.