loupa a écrit :Certains théoriciens mettent de l'avant qu'au départ, l'homme et la femme étaient plus ou moins égaux, compte tenu des déesses-mères.
C'est une vision un peu périmée aujourd'hui qui vient des balbutiements des gender-studies et de l’agrégat d'un certain nombre d'idée préconçu sur la préhistoire que les archéologues ont trainé un moment , mais qui malheureusement reste assez présente dans la culture générale.
A la base, l'idée était que la période chasseur-cueilleur de l'humain avait vu une répartition des taches entre sexe plus qu'une égalité et que le passage à la sédentarité et l'agriculture, développant du même coup les conflits territoriaux, aurait entrainé le développement d'un imaginaire guerrier, largement masculin et d'une noblesse de guerrier-chasseurs, masculine également, devenant l'élite des sociétés agraires de l'âge du bronze.
Je suis pas préhistorien, mais il me semble qu'on sait aujourd'hui que c'était un modèle largement simpliste et que l'idée d'un passage d'une répartition des taches (avec la chasse exclusivement masculine) à une domination masculine n'est pas aussi évident qu'on le pensait, de même qu'on n'est plus aussi certains aujourd'hui de la présence de déesse mère dans les cultes préhistoriques.
En fait, on se heurte ici à l'un des écueils de l'archéologie des périodes préhistorique, surtout quand il s'agit de lui accoler des considérations relevant de l'anthropologie, à savoir la limite entre extrapolation raisonnable et spéculation pure et la tendance aux "just so stories" qui reflètent souvent plus une projection d'un jugement moderne sur les artefacts du passé qu'une réalité passée décryptée.
Dans ce cas là, pas mal de jugement portés sur les artefacts viennent de la croyance entretenue jusque dans la première moitié du XXème siècle, que les sociétés de chasseur-cueilleurs contemporaines pouvaient servir de modèle pour comprendre les sociétés de chasseur-cueilleurs du paléolithique, avec en fond l'idée un peu raciste développée par l'anthropologie évolutionniste, que les sociétés auraient des degré d'avancement et donc que les sociétés de chasseur-cueilleurs contemporaines seraient primitive et hériterait donc leurs usages d'une sorte de chaine quasiment ininterrompu de tradition remontant à la préhistoire.
On sait aujourd'hui que c'est largement faux pour un tas de question et qu'il y a donc tout un tas de conclusion qu'on a tiré sur la préhistoire à base de comparaison avec, par exemple, le mode de vie des natifs américains ou des populations de certaines régions d'Afrique, qui ne tiennent pas la route d'un point de vue scientifique.
Par exemple, on a longtemps pensé que les peintures rupestres, qui représentent souvent des figures d'animaux, était signe d'une forme de religion chamanique, voir totémique. Aujourd'hui, la chose est débattue et même la valeur religieuse des grottes peintes est parfois remis en cause.
Il y a eu aussi beaucoup de progrès sur la vision trop homogène des cultures paléolithiques. Les préhistoriens ont longtemps fait comme il y avait une sorte d'unité culturelle de la période pour certaine grande zone géographique, se permettant de comparer des artefacts parfois distants de centaine, voir de millier de kilomètres. Aujourd'hui, l'accumulation des découvertes et l'évolution des théories a permit de mieux mettre en évidente l'hétérogénéité des cultures préhistoriques et le fait que certains artefacts pourtant similaire ont peut-être des significations très différentes d'une culture préhistorique à l'autre.
Mais tout ça est largement passé inaperçu du grand public, qui n'a souvent eu qu'un accès limité aux découvertes et est induit en erreur par les dénominations que les disciplines ont hérité d'un passé dans l'erreur.
Le terme de Vénus, par exemple, qui décrit les statuettes préhistoriques féminines, permet de perpétué l'idée d'une signification religieuse à ces artefacts et entretient l'idée d'un rite de la déesse-mère répandue. Mais c'est un terme moderne qui renvoie de manière impropre aux cultes polythéistes de l'antiquité, alors que ces Vénus sont visiblement des éléments d'art mobilier quotidien, apparemment sans représentation de plus grande taille ou d'équivalent en peinture rupestre et sans utilisation cultuelle identifiable, faute de lieu de culte.
Dans la mesure ces statuettes demandaient un certain investissement en temps pour être produit, on peut douter qu'elle soit la trace d'un culte généralisé d'une déesse-mère qui n'aurait par ailleurs laissé aucune autre trace véritablement identifiable.