Recherches sur les compétences parentales et le développement des enfants issus de familles homoparentales
Depuis les années 1970, quelques dizaines de recherches empiriques ont tenté de vérifier si les enfants issus de leur famille se développaient aussi bien que ceux de familles hétéroparentales. La qualité méthodologique de ces recherches est très disparate et leurs thèmes très variés. Selon les recensions de Fitzgerald20, Anderssen et al.21, Tasker22, Patterson23 et Pawelski et al.24,25 ces recherches portent sur des cibles aussi diverses que : l'attachement26, le développement affectif et émotionnel20,21,22,23,24, l'ajustement comportemental21,23,, l'ajustement social20,21,22,23,24, le développement intellectuel20,21,23,, la performance académique22,23,, l'identité et l'orientation sexuelle20,21,22,23,24, les comportements sexués21,22,23,24, les indices de stigmatisation21,24, etc. Les auteurs de recensions observent, le plus souvent, que les résultats de ces recherches montrent peu ou pas de différences entre les compétences parentales ou entre les développements des enfants issus des deux types de familles20,21,22,23,24. Des auteurs27 affirment même qu'on peut parler d'un large consensus. À ce chapitre, il y a quand même de notables exceptions. La recension de Belcastro, en 199428, comptait 14 recherches empiriques relevant des différences significatives et, en 2005, Quick25 en comptait 20. Depuis, se sont ajoutées d'autres recherches empiriques qui montrent des différences significatives, notamment la recherche de Sirota29, Goldberg30, d'Allen31, Sullins32 et la controverséen. 1recherche empirique de Regnerus qui enregistre à elle seule 25 différences sur 40 variables mesurées46.
Dans une revue de la littérature plus explicative, les sociologues Stacey et Biblarz47 suggèrent que cette dissension entre les auteurs reflète un affrontement de nature plus idéologique. Selon eux, deux courants s'affrontent par publications scientifiques interposées. D'un côté, les représentants d'une vision «anti-gay» «hétéronormative» de la famille qui présument que le développement sain d'un enfant dépend de soins donnés par des parents hétérosexuels mariés. De l'autre côté, les nombreux chercheurs en psychologie qui ne partagent pas cette vision conservatrice et qui sont «compatissants» avec les parents de même sexe. Comme les premiers chercheraient, dans les données empiriques sur le développement comparé des enfants, la preuve de différences préjudiciables, les seconds chercheraient «défensivement» à montrer qu'il n'y en a pas ["no difference" doctrine].
«
We agree, however, that ideological pressures constrain intellectual development in this field. In our view, it is the pervasiveness of social prejudice and institutionalized discrimination against lesbians and gay men that exerts a powerful policing effect on the basic terms of psychological research and public discourse on the significance of parental sexual orientation. The field suffers less from the overt ideological convictions of scholars than from the unfortunate intellectual consequences that follow from the implicit hetero-normative presumption governing the terms of the discourse - that healthy child development depends upon parenting by a married heterosexual couple. While few contributors to this literature personally subscribe to this view, most of the research asks whether lesbigay parents subject their children to greater risks or harm than are confronted by children reared by heterosexual parents. Because anti-gay scholars seek evidence of harm, sympathetic researchers defensively stress its absence.47 »
Stacey et Biblarz croient observer que cet alignement doctrinaire a infléchi non seulement les cibles et les protocoles de recherche, mais aussi l'interprétation des données au point de bloquer en partie le développement de ce domaine de recherche47. Ils donnent l'exemple de recherches, comme celle de Tasker & Golombok (1997)48, qui montrent des différences significatives entre enfants de famille hétéroparentales et homoparentales. Normalement ces différences auraient dû éveiller l'intérêt et conduire à des recherches plus pointues. Malheureusement, observent Stacey et Biblarz, le contexte politique a plutôt conduit les chercheurs à minimiser ces résultats dans leurs discussions pour finalement conclure, conformément à la doctrine, qu'il n'y a quand même « pas de différences ». Dans leur propre recension, Vecho et Schneider (2005)49 retiendront, de façon plus générale que ce «champ de recherche reste encore limité par le contexte polémique et militant qui a accompagné l’émergence de ces travaux.» (p. 271).
Malgré leurs dissensions, les acteurs des deux camps partagent un certain tronc méthodologique commun. Concernant la collecte des données, ils admettent à peu près tous que les recherches empiriques actuelles présentent d'importants biais méthodologiques. Des commentateurs, observent que le piège du double standard les conduit, chacun de leur côté, à exalter la valeur des méthodes qui conduisent à des résultats qui les confortent dans leurs convictions et à dénigrer les méthodes qui conduisent à des résultats adverses50,51,52. Mais, malgré tout, certains repères demeurent communs.
La sélection des sujets de recherche
Dans une recension portant sur 23 recherches empiriques, Anderssen & al.(2002) constataient déjà qu'elles reposaient toutes sur des échantillons des sujets de type « convenience » ou ne précisaient pas l'origine des sujets21. Anderssen & al., à la suite de Fitzgerald, expliquent que les recherches sur l'homoparentalité sont menées dans des conditions difficiles de recrutement et que ces contraintes conduisent les chercheurs à adopter des méthodes incertaines21,20,53. Le plus souvent, les sujets sont recrutés par petites annonces dans des magazines spécialisés s'adressant à cette cible ou par des sondages en « boule de neige»; méthode consistant à demander à un sujet déjà recruté de suggérer d'autres personnes qui appartiennent à son réseau de relations. Les recherches plus récentes présentent la même caractéristique. En fait, à l'heure actuelle, seulement 7 recherches portant sur 4 échantillons probabilistes ont été publiées54,55,56,57,46,58,31.
Bien que, dans d'autres contextes, ces méthodes de recrutement ne soient pas toujours contraires à une bonne démarche scientifique, il est généralement admis qu'elles tendent à composer des échantillons qui ne sont pas représentatifs de la population étudiée59. Par exemple, dans les recherches considérées ici, les sujets homoparentaux sont presque toujours blancs, instruits et ont de bons revenus20,22,23. Les auteurs de ces recherches le signalent d'ailleurs eux-mêmes comme une source de biais (Biais de sélection) dans la discussion de leurs résultats. Par ailleurs, il est reconnu que, dans un contexte de recherches portant sur un thème controversé, ce mode de recrutement est encore plus hasardeux puisqu'il pourrait ouvrir la porte à une surreprésentation de candidats cherchant la désirabilité sociale20 ou qui participent à une croisade politique60,61 . n. 2
« Évidemment, en adoptant une telle approche, on attire des couples ayant un niveau de scolarité assez élevé et entretenant des liens avec la communauté homosexuelle. Ceux-ci pourraient être des militants (…) qui veulent poser un geste politique en tant qu’homosexuels, ou les couples qui s’entendent particulièrement bien pourraient décider d’être interviewés ou de répondre à un questionnaire, ce qui influencerait les résultats de la recherche et rendrait l’interprétation des résultats difficile. Ambert, A-M (2005) p. 3 63 »
Groupes témoin
Le groupe témoin est un groupe de référence hétéroparentale auquel l'échantillon de parents ou d'enfants homoparental est comparé. Pour que la méthodologie soit valide, les deux groupes doivent être"« appariés », c'est-à-dire être identiques sauf en ce qui regarde la variable à l'étude. On désigne ce principe sous l'expression « toutes choses égales par ailleurs » (Ceteris paribus). Malheureusement, certaines recherches empiriques ne comportent pas de groupe contrôle (10 sur 23 dans la revue de Anderssen et 'al.21) et ceux qui en comportent ne sont pas toujours bien appariés. Par exemple, dans la recherche de Bos de 201064, la composition ethnique et le niveau d'instruction des parents ne sont pas équivalents et dans la recherche de Regnerus de 201246, la structure familiale est uniforme dans un groupe et disparate dans l'autre65. Dans ces circonstances, le chercheur n'est pas certain si ce qu'il mesure est l'effet de sa variable à l'étude ou l'effet des autres différences qui séparent les deux groupes (biais de confusion).
Dispositif d'insu.
Il est reconnu que les préjugés d'un chercheur influencent la mesure de ses résultats dans le sens de ses attentes. On appelle ce phénomène l'effet Pygmalion. Réciproquement, les sujets d'une recherche modifient plus ou moins consciemment leur comportement lorsqu'ils savent être l'objet d'une mesure ou d'une observation. Ce changement est d'autant plus important que l'observation concerne des conduites pouvant faire l'objet de jugement de valeur. On appelle ce phénomène l'effet Hawthorne. Pour neutraliser ces biais de confusion qui fausseraient les résultats, un protocole rigoureux doit, autant que possible, prévoir des mesures d'insu. Par exemple, le chercheur principal confie la correction des questionnaires de recherche et les calculs à des collègues qui ignorent ses hypothèses de recherche et il donne le moins de détails possible à ses sujets pour ne pas influencer leurs réponses. Ces dispositifs sont très rarement utilisés, de façon complète, par les chercheurs en homoparentalité (1 sur 23 dans la revue de Anderssen et al.21)(celle de Bailey & al 199566). Cette absence d'un dispositif d'insu, remarque certains67, serait particulièrement fâcheux dans un champ d'investigation où, justement, les chercheurs et chercheuses «affichent publiquement leur orientation homosexuelle ou leur parti pris pour des courants émancipatoires radicaux» (Tessier 2016, p. 259)
Autres problèmes
Si on ajoute que le plus souvent les recherches reposent sur des questionnaires adressés aux parents, que le groupe est souvent composé d'un trop petit nombre de sujets pour être statistiquement fiable et que la plupart des recherches portent sur des familles homoparentales maternelles (lesbiennes) et sur des enfants trop jeunes pour conclure à l'absence d'effet à long terme20,22,25,68,69, on mesure mieux toute la difficulté à tirer des conclusions tranchées.
« In summary, research on diversity among families with lesbian and gay parents and on the potential effects of such diversity on children is still sparse (Martin, 1993, 1998; Patterson, 1995b, 2000, 2001, 2004; Perrin, 2002; Stacey & Biblarz, 2001; Tasker, 1999). Data on children of parents who identify as bisexual are still not available, and information about children of non-White lesbian or gay parents is hard to find (but see Wainright et al., 2004, for a racially diverse sample)… However, the existing data are still limited, and any conclusions must be seen as tentative… It should be acknowledged that research on lesbian and gay parents and their children, though no longer new, is still limited in extent. Although studies of gay fathers and their children have been conducted (Patterson, 2004), less is known about children of gay fathers than about children of lesbian mothers. Although studies of adolescent and young adult offspring of lesbian and gay parents are available (e.g., Gershon et al., 1999; Tasker & Golombok, 1997; Wainright et al., 2004), relatively few studies have focused on the offspring of lesbian or gay parents during adolescence or adulthood.22 »
Conclusions
Les auteurs plus favorables à l'homoparentalité contourneront ce lourd bilan méthodologique en formulant des conclusions par la négative. Ils affirmeront que la littérature scientifique ne permet pas de confirmer que les parents de familles homoparentales sont de moins bons parents ou que les enfants ne se développent pas aussi bien dans ce type de famille70,71,72. Inversement, les auteurs moins favorables à l'homoparentalité concluront plutôt qu'on ne peut pas retenir de ces études que les parents de même sexe sont d'aussi bons parents73, ou qu'on ne peut tirer aucune conclusion de ces recherches25.
L'orientation sexuelle des parents joue-t-elle un rôle dans celle des enfants ?[modifier | modifier le code]
C'est la question qui a fait l'objet du plus grand nombre de recherches concernant les conséquences d'une éducation reçue de parents de même sexe74. Bien que les seuils de signification statistique ne soient pas toujours atteints, il ressort des recherches que les enfants issus de ces familles semblent envisager plus librement la possibilité d'avoir des relations avec des partenaires de même sexe, effectuent des expériences de cette nature en un peu plus grand nombre et sont moins susceptibles de s'identifier comme exclusivement hétérosexuels75,76,77,78. Par contre, ce libéralisme ne semble pas non plus conduire un beaucoup plus grand nombre d'enfants à s'identifier exclusivement comme homosexuel une fois adulte79,80.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Homoparentalit%C3%A9