Psyricien a écrit :La Mesure Quantique concerne la réduction du paquet d'onde lors d'interaction. Le réalisme, est une vision philosophique qui implique que sans observateur conscient le réel existe objectivement.
Ca va plus loin que ça en général. A mon avis, la plupart des réalistes postulent certes :
1/ que le réel existe indépendamment de tout observateur (conscient ou non d'ailleurs), mais en plus, la plupart d'entre eux postulent aussi
2/ que l'univers possède des propriétés non pas intersubjectives mais objectives, c'est à dire indépendantes de toute considération d'entropie.
C'est le regroupement des états classiques en états quantiques et, plus particulièrement, le (log) du nombre de ces états quantiques pour un état classique donné qui modélise le rôle (de la "grille de lecture") des observateurs. Comment enregistrer un résultat d'observation mesurant une propriété (opération irréversible) sans s'appuyer sur la notion d'entropie ? Cette possibilité n'existe pas.
Le point 2/ est une hypothèse qui me semble donc assez spéculative. Que veut dire "des propriétés objectives" ? Des propriétés qui existeraient même s'il n'y avait aucun moyen de les mesurer ? L' opération irréversible de mesure est la base sur laquelle repose la notion de propriété physique. Une telle opération sacrifie (dans des bains thermiques) une grande partie de l'information (celle non pertinente
à notre échelle d'observation cf l'ouvrage de Hans Dieter Zeh sur l'écoulement irréversible du temps) pour obtenir le degré de stabilité et de redondance caractérisant une information classique (c'est à dire résistant au agressions de l'environnement selon le "quantum darwinism" de Zurek et partageable).
Psyricien a écrit :En MQ, la fonction d'onde a une existence avant d'être réduite.
Personnellement, c'est ce que j'ai tendance à croire moi aussi (pour l'instant en tout cas), mais ce point de vue n'est pas forcément largement accepté. Je pense même que c'est l'inverse. Pourquoi ? Parce que
la fonction d'onde d'un système individuel n'est pas mesurable.
Par exemple, si un photon unique dans un état initial de polarisation horizontale traverse une lame semi-réfléchissante polarisante à + ou - 45°, le photon est mis dans un état superposé (|+45>+|-45>)/2
1/2. Aucune expérience ne permet de savoir que ce photon unique est dans un état superposé de polarisation à +/- 45° (dans le cas inverse il serait possible de se servir de l'effet EPR pour transmettre instantanément de l'information en violation de l'invariance de Lorentz).
L'interprétation réaliste de la fonction d'onde et de sa réduction ne soulève pas l'enthousiasme des foules. Il n'y a pas de difficulté à héberger l'interprétation réaliste de la fonction d'onde et sa réduction instantanée et spatialement étendue dans un espace-temps approprié (l'espace-temps de Newton si on veut conserver la causalité), le problème ne vient donc pas là.
Les positivistes sont violemment hostiles à l'interprétation réaliste de la fonction d'onde et de sa réduction (Asher Peres en tête : cf. Quantum Information and Relativity Theory, Asher Peres, Daniel R. Terno, Jul 2003,
http://arxiv.org/abs/quant-ph/0212023 (1)), notamment en raison de la violation qu'elle implique :
- soit de la causlité relativiste Et de l'invariance de Lorentz (alors qu'elles sont, à ce jour, parfaitement respectées),
- soit de la causalité tout court (alors qu'à ce jour aucun moyen ne permet de modifier de façon contrôlée "le passé", c'est à dire de revenir à un état initial suite à un changement d'état (suffisamment) irréversible (2) ou encore de recueillir des "souvenirs du futur")
sans, estiment-ils, d'indices suggérant d'accorder un certain crédit à l'interprétation réaliste de la fonction d'onde (leurs arguments sont bien affutés, voir (1)).
Le point de vue réaliste des De Broglie, Bohm, Bell, Scarani, Valentini, Percival (et Gisin n'est pas franchement hostile lui non plus à l'interprétation réaliste de la fonction d'onde et de sa réduction), implique l'interprétation de l'expérience d'Alain aspect comme une action instantanée à distance (du moins si on tient à préserver la causalité même sous la frontière classique quantique). L'interprétation réaliste de la fonction d'onde, de sa réduction + le respect du principe de causalité impliquent donc un référentiel quantique privilégié.
Le choix interprétatif du réalisme, implique donc d'accepter une violation de l'invariance de Lorentz au niveau interprétatif, autrement dit l'interprétation Lorentzienne de la Relativité Restreinte. Cette interprétation ne présente aucun problème mathématique ou physique particulier, mais elle n'est pas appréciée parce que son seul intérêt (hors considérations liées à la modélisation de la gravitation dans le cadre d'un éther) est de sauver le réalisme (tout en préservant la causalité), mais sans que des faits d'observation permettent de justifier le choix de l'interprétation réaliste qui la nécessite.
L'impossibilité de mesurer la fonction d'onde d'un système individuel est l'un des no-go theorem de la physique quantique (et la mesure faible ne permet pas de contourner cette impossibilité même en déployant toutes les astuces possibles et imaginables... ...En tout cas, personne n'a trouvé à ce jour et les no-go theorem de la physique quantique sont sensés prouver que c'est impossible). Savoir si une propriété non mesurable (la fonction d'onde d'un système individuel) a cependant une existence est, pour l'instant, du ressort de la métaphysique.
Personnellement, j'ai quand même tendance à croire à l'interprétation réaliste de la fonction d'onde et maintenant, en plus, à la prééminence de la symétrie T sur la causalité sous la frontière classique quantique (et du coup plus besoin de violer l'invariance de Lorentz, donc plus besoin de référentiel quantique privilégié intersubjectif), mais ce point de vue reste, je pense, très minoritaire pour l'instant.
Psyricien a écrit :Les observables sont probabilistes. Et ces probabilités sont parfaitement objectives.
Intersubjectives, oui. Objectives ? Je ne pense pas que l'on puisse donner une définition physique (au sens testable par une expérience de physique) de ce que ça veut dire. Ca ne veut pas dire que ça n'est pas une question intéressante. Ca veut dire qu'elle sort du domaine de la science.
Indeed, il n'est pas surprenant que la production d'états superposés macroscopiques soit complexe. Les multiples éléments quantiques d'un même système étant en interaction, le système se réduit de lui même à un état classique.
Mouais. Il ne faudrait quand même pas laisser croire que le sujet de la mesure quantique et de l'information quantique est parfaitement compris et que la recherche sur ce sujet est terminée. A mon sens, on en est presque au commencement.
La raison pour laquelle le sujet commence (depuis une trentaine d'années) à être vraiment pris au sérieux tient au fait que les moyens de mesure permettent de faire des recherches sur des systèmes quantiques individuels (comme les "boîtes à photons" de Serge Haroche, les pièges à ions et autres matérialisations de qubits). Cela redonne de l'intérêt à des questions qui étaient jugées sans intérêt car non testables avant ces progrès.
Plus besoin aujourd'hui de supposer une intervention de la conscience ou quoique ce soit. Les théories spirito-quantique ne sont basées que sur du vent, et une méconnaissance de la MQ.
Je suis assez d'accord..
...et en même temps, il n'y a pas que les spirito-quantiques pour exprimer des points de vue sans nuance sur des sujets qu'ils ne maîtrisent pas. On voit ça à peu près dans tous les domaines.
(1) Quantum Information and Relativity Theory, Asher Peres, Daniel R. Terno, Jul 2003,
http://arxiv.org/abs/quant-ph/0212023
I. THREE INSEPARABLE THEORIES, B. Quantum mechanics and information :
In this review we shall adhere to the view that ρ is only a mathematical expression which encodes information about the potential results of our experimental interventions. The latter are commonly called “measurements” — an unfortunate terminology, which gives the impression that there exists in the real world some unknown property that we are measuring. Even the very existence of particles depends on the context of our experiments. In a classic article, Mott (1929) wrote “Until the final interpretation is made, no mention should be made of the α-ray being a particle at all.” Drell (1978) provocatively asked “When is a particle?” In particular, observers whose world lines are accelerated record different numbers of particles, as will be explained in Sec. V.D (Unruh, 1976; Wald, 1994)
(2) La time machine
de principe décrite dans The Two-State Vector Formalism of Quantum Mechanics: an Updated Review, Yakir Aharonov, Lev Vaidman, (Jun 2007)
http://arxiv.org/abs/quant-ph/0105101 est sensée permettre de ramener un système quantique dans un état antérieur §4.6 Time translation to the past and to the future.