C’était assez amusant de voir Guy Geoffroy répéter sur les plateaux de télévision que plus de 90% des 20000 « personnes prostituées » en France étaient des victimes de la traite.
Ce chiffre est une pure fabrication.
D’abord l’estimation du nombre de prostituée aurait été faite par l’OCRTEH. J’ai écrit à Guy Geoffroy au printemps pour obtenir une copie du rapport. On m’a répondu qu’il n’avait pas « vocation à être rendu public » ce qui éveille en partant des soupçons. Le STRASS n’a jamais vu ce rapport, pas plus non plus que les députés de l’assemblée nationale. En fait, je doute même qu’il existe.
Compter des prostituées est extrêmement difficile. Il faut définir ce qu’est une prostituée d’abord, et aussi ce qu’est une étrangère. Puis poser toute une série d’hypothèses pour inférer ce nombre à partir du nombre de celles qu’on peut observer. C’est évident qu’il y a plus de 20000 travailleuses du sexe en France. On en compte assez facilement plus de 4000 à Montréal seulement avec des estimations conservatrices. On a diminué le nombre total de prostituées total en France dans le but évident de faire grimper la proportion d'étrangères.
La proportion de prostituées « étrangères » a deux sources distinctes qui concordent : les fichiers policiers d’arrestation et les observation des associations sur la prostitution de rue. Les deux sont évidemment biaisées, dans le même sens, la première parce que les forces policières font évidemment du profilage et la seconde parce que les associations n’observent que la rue où il y a proportionnellement plus d’étrangères.
Le rapport Geoffroy estime que 80% des femmes migrantes qui font de la prostitution ont une dette de passage à rembourser, à partir d’informations provenant d’une sociologue. La méthode d’estimation utilisée est inconnue. On ne sait pas trop ce qui advient des étrangères qui viennent travailler pour de courtes périodes dans les hôtels français. Ce ne sont pas des migrantes. Elles viennent, font un coup d’argent, puis repartent.
La distinction qu’il est important de faire à propos des dettes de passage, c’est entre celles qui relèvent de la traite des personnes de celles qui relèvent des stratégies migratoires ou opportunistes. Le rapport Geoffroy accorde peu d’importance à cette distinction. Or, les sociologues français qui font de la recherche de terrain nous disent toute l’importance qu’il y a à la faire.
Traite et passage clandestin sont devenus synonyme en France.
Les promoteurs du projet prohibitionniste ne s’enfargent pas dans les fleurs du tapis. Trop compliqué ces distinctions. Le message est donc simplifié pour le mettre à la portée de l’imaginaire : il y a 80% d’étrangères dans la prostitution, il y a 80% de victimes de la traite dans la prostitution.
Antoine a répété l’essentiel de ces critiques. La différence entre les deux camps en France, c’est que les prohibitionnistes ne savent pas mais prétendent savoir alors que les opposants aux prohibitionnistes ne savent pas non plus mais ne prétendent pas savoir.
Si vous voulez un joli spectacle de mystification des termes et des chiffres, je vous recommande vivement de porter attentions aux sorties publiques de Maria Mourani au cours des prochains mois. Rigolade assurée. En avant-goût je suggère ces deux articles parus dans des journaux locaux de son comté de Villeray-Saint-Michel où il est question d’une descente de police dans un salon de massage de la rue Saint-Hubert pour des motif de « plaintes de citoyens relatives au bruit, aux incivilités et aux problèmes de stationnement. » Voyez le joli glissement entre cette descente et la traite des personnes.
http://www.courrierahuntsic.com/Vie-de- ... fenetres/1
http://www.leprogresvilleray.com/Vie-de ... -massage/1