shisha a écrit : 04 oct. 2022, 18:03Mais sinon quelle langue non officielle en Algérie n'aurait pas diminuée et ou disparu ?
Le latin avait disparu de l'Algérie quand le voyageur marocain Ibn Battuta a demandé à son guide de lui traduire les inscriptions des stèles romaines, celui-ci répondit que plus personne ne savait les déchiffrer à la fin du XIIe s. Le latin est réintroduit durant la colonisation française comme la langue de l'église.
https://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique ... stoire.htm
Saint Augustin, évêque d'Hippone est un élément historique de l'Algérie puisqu'en 2001, un colloque en Algérie (condamné par quelques imams algériens) mettait en avait le fait qu'il était numide, id est, qu'il parlait le berbère (voyez l'habileté à rester dans le sujet du fil, ou plutôt le hors-sujet du fil):
https://www.letemps.ch/societe/saint-au ... -reconnait
Le Temps a écrit :Saint Augustin était bien un Numide. L'Algérie le reconnaît
Le Père de l'Eglise a fait l'objet d'un colloque en Algérie. Seuls quelques imams le tiennent encore pour un ennemi de l'islam.
Charles-Henri Favrod
Publié mardi 10 avril 2001 à 02:08
Le colloque sur saint Augustin qui s'est déroulé en Algérie du 1er au 7 avril a réuni les meilleurs spécialistes. L'Université de Fribourg en publiera bientôt les actes, sous l'autorité du professeur Otto Wermelinger, qui a joué un rôle décisif dans l'organisation et la réussite incontestable des débats. La Suisse et son ambassadeur, André von Graffenried, en retirent un grand prestige.
Il faut souligner la question qui agite encore ici les esprits: Augustin fut-il Romain ou Algérien? On pourrait sourire, mais il ne faut pas oublier que la charte nationale du FLN, en 1970, condamnait sans appel le Père de l'Eglise, champion d'un ordre dont les ultras de l'armée française célébraient la durée, au point de jouer les modernes centurions. Durant le colloque, des imams ont condamné en chaire le président Bouteflika pour oser réintroduire un ennemi de l'islam: c'est dire la confusion qui règne encore chez des gens peu préparés à envisager le passé de l'Afrique du Nord et ce IVe siècle de notre ère où s'affrontaient les hérésies et en particulier les donatistes, volontiers campés en irréductibles de l'indépendance et premiers fellaghas de l'histoire algérienne, et les catholiques soumis eux à la nouvelle organisation de l'Empire finissant.
Augustin est incontestablement un Numide, mais il parlait un latin superbe appris chez les rhéteurs de Carthage, et non pas le punique ou le libyque, les langues d'origine. Elève de Maxime à Madaure, il retrouve son vieux maître après sa conversion de Milan. Celui-ci la lui reproche avec véhémence et ironise sur les noms des martyrs qu'il honore: Mamphamo, Niggim, Lucitas, ces barbares. Augustin alors s'indigne: «Comment peux-tu vilipender tes frères d'origine, des Africains, ceux de ton pays qui ont rompu avec Jupiter?»
Madaure a été le point fort du colloque. Petit village de l'Est algérien, Madaoura, a accueilli les participants avec une chaleur exceptionnelle et une fierté évidente. Les enfants courant dans les rues, les cavaliers tirant du mousquet, les paysans dansant au son de la flûte et du tambourin, le méchoui et les gâteaux de printemps, qui sont toujours les mêmes qu'on offrait aux dieux antiques. A Madaure, ville d'Apulée, les symboles sont éloquents: la forteresse byzantine a été construite sur le forum et le théâtre, après l'arrivée des Vandales et quand surgirent les Arabes. C'est là que l'héroïne berbère, la Kahina (peut-être convertie au judaïsme comme le révèle l'onomastique, Cahel, la prêtresse) livra le dernier combat en 698 [contre les musulmans].
Le colloque est aussi allé à Guelma, l'antique Calama, où l'on peut voir une statue d'écolier, dite d'Augustin, avec un visage qui rappelle étonnamment celui de tous les enfants d'Algérie, dont tant aujourd'hui sont les victimes propitiatoires de la furie intégriste. Possidius de Calama fut le disciple d'Augustin qui sauva tous ses écrits lors du siège d'Hippone assiégée par les Vandales en 430. C'est à lui qu'on doit le message mémorable des Confessions et de la Cité de Dieu, volonté de réconciliation et de concorde.
Pour rester sur la pratique des langues, l'Algérie reste dans l'unité nationale par l'arabe et l'islam comme religion d'état. L'inscription des langues kabyles dans la constitution algérienne est un plus mais en pratique:
https://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique ... e_ling.htm
Depuis l'acquisition de l'indépendance, l'État algérien tient à se définir comme arabe et musulman. La politique linguistique et culturelle mise en œuvre par le Front de libération nationale (FLN), le parti socialiste algérien qui contrôle le pouvoir depuis l'indépendance, ainsi que par les différents gouvernements qui se sont succédé, a constamment favorisé l'arabisation et l'islamisation de la société algérienne. Les constitutions successives depuis 1963 restent invariables sur ce plan: l'islam est la religion de l'État et l'arabe, sa langue nationale et officielle.
On constate bien en réalité que les changements sont mineurs. Certes, le tamazight est déclaré «également langue nationale et officielle», mais il demeure subordonné à l'arabe. Si «l'arabe demeure la langue officielle de l'État», ce n'est pas le cas pour le tamazight. L'État algérien s'engage à utiliser l'arabe (classique), mais se contente d'œuvrer à la promotion et au développement du tamazight dans toutes ses variétés linguistiques, ce qui n'implique pas que l'État l'utilisera. De plus, le fait de privilégier toutes les variétés amazighes, mais une seule variété d'arabe, risque de noyer le poisson dans l'eau. C'est appliquer le principe bien connu de «diviser pour régner». Rien ne change dans ce pays: ni l'arabisation coranique, ni la non-égalité juridique du tamazight, ni le statut dévolu au français.
Cette politique d’arabisation a entraîné plusieurs conséquences fâcheuses. Elle a polarisé les différences entre les élites arabophones et les élites francophones, élites que le système d'éducation actuel continue largement de reproduire. La politique d'arabisation a aussi favorisé l'émergence du nationalisme berbère. L'arabisation et la poursuite de l’arabité ont eu comme corollaire l’islamité. La religion musulmane avait échappé au colonialisme français et était même devenue le principal pôle de la résistance algérienne. C'est pourquoi les autorités algériennes se sont toujours appuyées sur une politique d’arabisation, car celle-ci consacrait la légitimité de l’État dont l’islam était le dépositaire. La religion a été ainsi utilisée comme un instrument pour contenir une possible progression des mouvements laïcs et démocratiques. En même temps, elle a favorisé les mouvements extrémistes islamistes et permis d’augmenter leur influence politique jusqu'à menacer le pouvoir en place.
Or, les Kabyles se sont toujours opposés à cet État arabo-musulman duquel ils se considèrent exclus en tant que groupe ethnique. Ils ont toujours refusé cette interprétation de l'histoire exclusivement arabo-musulmane et cette conception arabo-centrique de la question nationale. À l'époque, Rachid Ali Yahia, alors directeur du journal L'Étoile algérienne, le journal de la Fédération de France du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), expliquait (1948) de la façon suivante de point de vue selon lequel l'Algérie devait être algérienne au risque de tomber dans une autre forme d'impérialisme... arabe, celui-là :
L'Algérie n'est pas arabe, mais algérienne. Il faut former une union de tous les Algériens musulmans qui veulent lutter pour la libération nationale, sans distinguer entre Arabe et Berbère. [...] Nous dépassons résolument la question raciale. [...] Nous lisons depuis un certain temps dans les journaux, et certains leaders l'ont dit, que l'Algérie est arabe. Non seulement ces propos sont faux, mais l'idée qu'ils expriment est clairement raciste, voire impérialiste. (Cité par Janet Dorsh Zagoria, thèse de doctorat, Columbia University, 1973).
Le Parlement algérien a adopté, il est vrai, en avril 2002, à l’unanimité, une modification constitutionnelle instituant le tamazight comme «langue nationale» : ce fut la loi no 02-03 du 10 avril portant révision constitutionnelle (2002). Ce geste historique est intervenu à l'approche des élections législatives, alors que le climat tendu par les manifestations et les revendications remettait en cause l’autorité de l’État en Kabylie. Quoi qu'il en soit, le statut de la prééminence de l'arabe n'a pas changé, puisque le tamazight n'est qu'une «langue nationale» — non une «langue officielle» — que l'État s'engage à promouvoir, mais non pas à utiliser (contrairement à l'arabe). Compte tenu de l’attachement à l’arabité et de l’anti-berbérisme ancrés dans la culture algérienne, tant de la part des autorités politiques que des forces armées, la recherche d’une solution risque d’emprunter la voie de la confrontation plutôt que celle du compromis, au mieux celle de l'évitement qui consiste à temporiser par des mesures symboliques et des promesses non tenues.
Au lendemain de l'indépendance, le FLN (parti au pouvoir) a entraîné les Algériens dans le rêve du pays indépendant qui devait apporter le bonheur à tous, tout en réduisant la part berbère au minimum, ce qui a eu comme conséquence de compromettre les perspectives d’une Algérie démocratique et moderne. Le véritable problème, c'est que l'idéologie officielle insiste encore sur la supériorité prétendue de l'arabe classique et de la culture arabo-musulmane sur la «culture algérienne» véhiculée essentiellement par l'arabe algérien et le berbère ainsi que ses variétés régionales.
On le sait maintenant, ce n'est pas ce point de vue de la nation algérienne incluant Arabes et Berbères qui a prévalu en Algérie. Les premiers dirigeants, tous arabophones, ont préféré conserver le pouvoir pour eux plutôt que de le partager avec la minorité berbère. Pour les arabophones de l'époque, l'Algérie devait être arabe et rien d'autre. La notion de «berbérophonie» était perçue comme une pure invention du colonialisme français en vue de diviser la grande nation arabe. Il faut comprendre que la communauté majoritaire du pays est arabophone et musulmane, et qu'elle ne peut s'opposer à l’arabisation et à sa dimension islamique. Il se trouve que cette arabisation se fait sur le dos des citoyens algériens de langue berbère. Dans un État démocratique moderne, l'arabisation devrait s'accompagner en même temps d'une berbérisation afin de favoriser tous les Algériens. Dans le cas contraire, c'est la dictature de la majorité qui finit par s'imposer.
Les autorités algériennes ont toujours agi comme si les berbérophones n'existaient pas! Pourtant, les Berbères comptent en Algérie pour près du tiers de la population, soit 8,8 millions d'Algériens représentant ainsi 27,4 % des citoyens (34,8 millions d'habitants en 2008), par rapport à 72 % d'arabophones. Plusieurs pays, dont le Canada, la Suisse et la Finlande, possèdent au moins deux langues officielles tout en comptant une population minoritaire moindre qu'en Algérie.
Dans ces documents (sur l'état civil), il n'est question que de «la langue nationale», c'est-à-dire l'arabe, comme si d'autres langues n'existaient pas en Algérie. C'est ainsi que, jusqu'en juin 2013, les fonctionnaires disposaient d'une liste de noms arabes autorisés et décidaient des prénoms acceptables ou non. On pouvait porter plainte devant les tribunaux, mais il fallait alors assumer des frais onéreux. En raison des revendications berbères et des procès qui s'ensuivraient, les autorités algériennes ont fini par reculer. Le ministère de l'Intérieur a alors publié une liste de 300 prénoms berbères autorisés de sorte que les fonctionnaires ne pourront plus refuser de tels prénoms.
Article intéressant sur la place du français et du berbère dans l'administration algérienne.
Pour l'enseignement supérieur:
Le réseau de l’enseignement supérieur comprend 58 établissements, dont 27 universités, 16 centres universitaires, 6 instituts nationaux, 5 écoles nationales et 4 écoles normales supérieures. Quant à l'enseignement professionnel, qui relève du ministère de la Formation et de l’Enseignement professionnels, il assure les formations à caractère pratique permettant l’accès à un emploi. Il compte plus de 731 établissements. L'Université d'Alger est la première université du pays en termes d'effectifs d'étudiants inscrits en formation (plus de 100 000 étudiants). Suivent l'Université de Constantine (plus de 60 000 étudiants), l'Université d'Oran (plus de 40 000 étudiants) et l'Université d'Annaba (plus de 40 000 étudiants) en 2007-2008.
Les décennies d'arabisation intensive ont fait perdre au français sa place prépondérante dans le domaine de l’éducation, sauf dans l'enseignement supérieur. En général, la plupart des cours sont offerts en arabe littéraire, en français et parfois en anglais. Dans les faits, le français exerce toujours une fonction privilégiée dans l'enseignement supérieur et technique, alors que les cours sont essentiellement offerts en français; seules les filières des sciences humaines et sociales étant enseignées en langue arabe. L'article 37 de la loi n° 91-05 du 16 janvier 1991 portant généralisation de l'utilisation de la langue arabe énonçait que «l'enseignement dans la seule langue arabe, au niveau des établissements et instituts d'enseignements supérieurs prendra effet à compter de la première année universitaire 1991/ 1992 et se poursuivra jusqu'à l'arabisation totale et définitive au plus tard le 5 juillet 1997» :
"Article 37
L'enseignement dans la seule langue arabe, au niveau des établissements et instituts d'enseignements supérieurs prendra effet à compter de la première année universitaire 1991/ 1992 et se poursuivra jusqu'à l'arabisation totale et définitive au plus tard le 5 juillet 1997."
Force est de constater que cette partie de la loi n'a été que très partiellement appliquée. En 1999, la loi n° 99-05 du 4 avril portant loi d'orientation sur l'enseignement supérieur (1999) ordonnait que les documents de thèse et de mémoire (art 44 et 45) soient rédigés en arabe (la «langue nationale») ou en une autre langue «si une autorisation expresse est accordée par le chef de l’établissement, après avis motivé du conseil scientifique de l’entité universitaire concernée ou du conseil scientifique ou pédagogique de l’établissement habilité» :
"Article 59
Le document de thèse doit être rédigé en langue nationale.
Il peut également être rédigé dans une autre langue, si une autorisation expresse est accordée par le chef de l’établissement, après avis motivé du conseil scientifique de l’entité universitaire concernée ou du conseil scientifique ou pédagogique de l’établissement habilité."
"Article 60
Un résumé en langue nationale du document de thèse doit obligatoirement accompagner le dossier de thèse de son dépôt officiel pour évaluation.
Les thèses rédigées dans une langue autre que la langue nationale doivent également faire l’objet d’un résumé élaboré dans la langue d’écriture de la thèse.
La consistance et la présentation de la thèse et des résumés de thèse seront précises par arrêté du ministre chargé de l’Enseignement supérieur."
En conclusion:
Ces dispositions demeurent pour le moment rarement appliquées. L'arabisation des universités a été ralentie depuis que les étudiants se sont révoltés parce que leurs diplômes arabes ne leur offraient pas de réels débouchés sur le marché du travail. Les universités algériennes présentent un taux d'échec effarant dès la première année. C'est que les étudiants arrivent dans l’enseignement supérieur avec une formation arabophone, alors qu’ils sont appelés à suivre leur cursus en langue française.
De plus, les échanges entre professeurs et étudiants, entre étudiants et agents de l'administration, ainsi que entre les étudiants eux-mêmes, se font en arabe algérien, rarement en français ou en tamazight et jamais en anglais.
Pour résumer la situation, nous pouvons affirmer que la politique linguistique de l’Algérie s’inscrit dans un modèle idéologique de la langue nationale et officielle unique avec un système d'éducation qui a toujours exclu de l'enseignement les langues parlées par la nation, c'est-à-dire l'arabe algérien et le tamazight, au profit de l'arabe littéraire et, jusqu'à un certain point, du français. Toutes les langues autres que l'arabe littéraire sont considérées juridiquement comme des «langues étrangères», y compris l'arabe algérien et le tamazight.