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Re: La perception du temps

Publié : 20 nov. 2015, 20:05
par Lulu Cypher
Raphaël a écrit :
Lulu Cypher a écrit :Étant une truffe en physique, excuse la naïveté de ma question ... qu'en est-il du moyen de confirmer l'irréversibilité de l'écoulement du temps à part par le constat de l'irréversibilité des phénomènes temporels observés ?
L'expansion de l'Univers.

Peu importe la machine à voyager dans le temps qu'on essaierait de construire il n'y en a aucune qui pourrait renverser cette expansion et même si l'Univers se met à "dégonfler" un jour ça ne reconstruira pas le temps à l'envers comme dans un film. Un voyage à rebrousse-temps c'est de la science-fiction. Le seul voyage temporel autorisé par la physique c'est celui dans les durées relatives, comme dans l'exemple des jumeaux de Langevin.
D'abord ne t'inquiète pas je ne suis pas un adepte de H.G. Wells ;)

Soit mais l'expansion de l'univers n'est-elle pas un phénomène temporel observable ?

Si tu me réponds non ne lis pas ce qui suit ... mais si tu pouvais me justifier/illustrer ta réponse stp ;)

Tu fais la distinction entre irréversibilité du temps et irréversibilité des phénomènes temporels observables ... existe-t-il un moyen de prouver l'irréversibilité du temps hors de tout phénomène temporel observable ?

Et si non pourquoi en faire la distinction ?

Re: La perception du temps

Publié : 21 nov. 2015, 03:00
par Raphaël
Lulu Cypher a écrit :Soit mais l'expansion de l'univers n'est-elle pas un phénomène temporel observable ?

Si tu me réponds non ne lis pas ce qui suit ... mais si tu pouvais me justifier/illustrer ta réponse stp ;)
Il y a des questions comme celle-ci auxquelles on ne peut pas vraiment répondre par oui ou par non. Ta question se divise en deux sous-questions:

1- Est-ce un phénomène temporel ?

Si un objet physique qui se déplace dans l'espace est un phénomène temporel, comment qualifier le phénomène lorsque c'est l'espace lui-même qui se déplace comme c'est le cas pour l'expansion de l'Univers ? À défaut de trouver mieux je dirais que c'est un phénomène hyper-temporel.

2- Est-ce un phénomène observable ?

Indirectement. On interprète le décalage vers le rouge de la lumière émise par les galaxies comme étant dû à l'expansion de l'espace.
Tu fais la distinction entre irréversibilité du temps et irréversibilité des phénomènes temporels observables ... existe-t-il un moyen de prouver l'irréversibilité du temps hors de tout phénomène temporel observable ?
S'il en existait un je suppose qu'on en aurait entendu parler.
Et si non pourquoi en faire la distinction ?
Parce que le temps ne peut pas s'expliquer à partir d'un phénomène 3D comme le déplacement d'un objet physique dans l'espace puisque ce déplacement implique une vitesse laquelle est définie à l'aide du temps (v=d/t). Ça revient à essayer de définir le temps à partir de lui-même et finalement ça ne nous apprend rien sur celui-ci.

Re: Le temps

Publié : 21 nov. 2015, 03:22
par Lulu Cypher
Merci ... me coucherai moins con ce soir :a1:

Re: La perception du temps

Publié : 21 nov. 2015, 09:00
par Emanuelle
Lulu Cypher a écrit : Tu fais la distinction entre irréversibilité du temps et irréversibilité des phénomènes temporels observables ... existe-t-il un moyen de prouver l'irréversibilité du temps hors de tout phénomène temporel observable ?
Et si non pourquoi en faire la distinction ?
Maintenant que je re-re-re..lis :) le fil, beaucoup de choses sont dites là:
ABC a écrit :
Emanuelle a écrit :Klein distingue l’irréversibilité du temps et l’irréversibilité des phénomènes temporels.

Donc pour lui, il y a une sorte d'irréversibilité absolue de l'écoulement du temps qui serait indépendante de l'irréversibilité des phénomènes observés à notre échelle.

Pour ma part je commence plus ou moins à accepter d'abandonner (depuis un an environ) la vision :
  • d'une sorte d'irréversibilité absolue de l'écoulement du temps, qui serait indépendante des phénomènes irréversibles sur lesquels reposent (selon moi) la signification physique de cet écoulement irréversible du temps,
    .
  • d'une sorte d'irréversibilité de certains phénomènes qui serait objective, absolue, indépendante de l'échelle d'observation. Cette irréversibilité serait, en quelque sorte, indépendante de la fuite d'information, hors de portée de l'observateur, sur l'état physique des systèmes évoluant de façon irréversible (alors que l'irréversibilité d'évolution des phénomènes consiste précisément en cette fuite d'information hors de portée de l'observateur). Sans l'incomplétude d'une description macroscopique, les évolutions de ces phénomènes seraient hamiltoniennes, donc réversibles (car alors isentropiques comme l'illustre très bien l'équation de Liouville par exemple).
Cette hypothèse d'un écoulement objectivement irréversible du temps et de phénomènes physiques qui seraient objectivement irréversibles me semble être l'analogue du sentiment assez naturel (mais faux selon moi) selon lequel une sorte de contenant objectif et vide, un espace-temps objectif, indépendant de notre interaction avec l'univers (et du mode de recueil d'information qui découle de cette interaction) préexisterait :
  • à son contenu : la matière, l'énergie et les phénomènes physiques observés,
    .
  • à notre interaction avec eux et à notre mode de recueil d'informations sur ces interactions.
Je pense plutôt que la vision inverse est plus juste :
  • le contenu : la matière, l'énergie, les phénomènes physiques observés, d'une part,
    .
  • notre interaction avec eux et notre mode de recueil d'information sur ces interactions via des enregistrements irréversibles, d'autre part,
forment le socle sur lequel est construit :
  • un contenant : l'espace-temps de la physique classique muni de sa structure causale d'une part,
    .
  • un écoulement du temps irréversible et privilégié plus ou moins requis en cosmologie quantique (1).
Emanuelle a écrit :Les lois de Newton semblent dire que les phénomènes sont réversibles (puisque t ou –t, cela ne change pas les résultats des équations) alors que ce n’est pas ce que nous observons. Mais les lois de Newton décrivent des mouvements, donc ce qui semble réversible ce sont les mouvements pas le temps.

Mon sentiment, c'est que le temps est un moyen de représenter la dynamique de ces mouvements, un modèle donc. Évidemment le temps est très profondément enraciné dans notre langage (dont les verbes ont tous un temps) et dans notre pensée structurée comme l'écoulement du temps (à moins que ce ne soit l'inverse) donc nous avons tendance à considérer le temps, son écoulement irréversible et le principe de causalité qui repose sur cet écoulement irréversible comme une sorte de réalité objective, préexistant à tout.

Voir le temps comme n'étant pas un concept premier est très contrintuitif. De plus, ce point de vue sur le temps peut donner lieu à quelques réactions assez vives de personnes (peut-être bien une majorité même, et peut-être même surtout, des scientifiques professionnels), dont la compétence scientifique ne peut absolument pas être mise en cause, estimant au contraire que le temps est un concept premier et doit absolument rester considéré comme tel. Donc ma réponse ne correspond pas (pas encore ?) à un point de vue largement accepté.
Je suis un peu désolée de copier des pans entiers de messages.
Est-ce qu'un modérateur aurait la patience de m'expliquer comment on renvoie à un message ?

Re: La perception du temps

Publié : 21 nov. 2015, 11:14
par richard
Raphaël a écrit : Indirectement. On interprète le décalage vers le rouge de la lumière émise par les galaxies comme étant dû à l'expansion de l'espace.
Oui! Via l'effet Doppler, seul effet connu aujourd'hui. Mais nous ne sommes pas à l'abri d'un effet encore inconnu.

Re: La perception du temps

Publié : 21 nov. 2015, 13:39
par kestaencordi
Emanuelle a écrit :

Reprenons l'exemple dans la vidéo d'un filet d'eau qui coule.
Disons que nous mesurons la durée du phénomène de l'eau entre l'instant où le robinet s'ouvre et l'instant où il est fermé.
Ce phénomène a une durée objective (et conventionnelle), mettons de 10 secondes (pas trop hein, l'eau est un bien précieux ;) )
Cette durée est la même pour la mouche que pour l'être humain (si tant est que cela ait un sens pour la mouche de dire cela).
vous parlez de durée objective... ca ne me semble pas juste.

ensuite dans le même message vous parlez de réversibilité du temps. j'ai pas compris, en lisant ABC, que la réversibilité remettait en question la relativité.

Re: La perception du temps

Publié : 21 nov. 2015, 14:41
par Jean-Francois
Emanuelle a écrit :Est-ce qu'un modérateur aurait la patience de m'expliquer comment on renvoie à un message ?
Lorsque vous cliquez sur le titre d'un message, l'adresse qui apparait en haut du navigateur est celle du message. Par exemple, le vôtre, celui auquel je réponds est le
viewtopic.php?f=13&t=12480&start=450#p440941
(Notez que le lien est tronqué lorsque vous le lisez. Il n'apparait au long que si vous citez mon message.)

À moins que je ne me trompe, celui auquel vous référez est celui-là. Répondez à mon message en le citant, vous verrez comment j'ai placé le lien dans la balise.

Jean-François

Re: La perception du temps

Publié : 21 nov. 2015, 16:01
par Emanuelle
merci à Jean-François pour ces explications ici: posting.php?mode=quote&f=13&p=440961

Yes ! ;)

Et comment vous faites pour remplacer l'adresse par un mot, genre "ici" ?

Re: La perception du temps

Publié : 21 nov. 2015, 16:10
par unptitgab
Emanuelle a écrit :merci à Jean-François pour ces explications ici: posting.php?mode=quote&f=13&p=440961

Yes ! ;)

Et comment vous faites pour remplacer l'adresse par un mot, genre "ici" ?
Tu fais comme suit:

Code : Tout sélectionner

[url=https://forum-sceptique.com/viewtopic.php?p=440972#p440972]ici[/url]

L'adresse après le signe = de url puis ton texte entre les deux balises url

Re: La perception du temps

Publié : 21 nov. 2015, 16:12
par Emanuelle
kestaencordi a écrit :
Emanuelle a écrit :
Reprenons l'exemple dans la vidéo d'un filet d'eau qui coule.
Disons que nous mesurons la durée du phénomène de l'eau entre l'instant où le robinet s'ouvre et l'instant où il est fermé.
Ce phénomène a une durée objective (et conventionnelle), mettons de 10 secondes (pas trop hein, l'eau est un bien précieux ;) )
Cette durée est la même pour la mouche que pour l'être humain (si tant est que cela ait un sens pour la mouche de dire cela).
vous parlez de durée objective... ca ne me semble pas juste.

ensuite dans le même message vous parlez de réversibilité du temps. j'ai pas compris, en lisant ABC, que la réversibilité remettait en question la relativité.
Qu'est-ce qui ne vous semble pas juste ? A aucun moment, je ne parle de la relativité restreinte.
Peut-être allez voir la vidéo dont j'ai parlé ici: posting.php?mode=quote&f=13&p=440492 8=)
La seule "relativité" dont il est question, c'est la perception d'un phénomène (dans mon exemple, l'eau qui coule) relative aux organes des sens de la mouche, perception différente de celle de l'être humain parce que nos yeux sont différents. Cela n'a rien d'un scoop ;)

Ce que je trouvais très intéressant, parce que cela me semble rejoindre les propos d'ABC ( c'est un exemple concret donc cela aide beaucoup, je pense, à comprendre), c'est la différence de perception du temps (ici plus précisément la vitesse d'écoulement de l'eau) liée à la différence de traitement de l'information (ici visuelle) entre la mouche et l'être humain.

Comment les scientifiques arrivent-ils à modéliser ou à comprendre comment une mouche perçoit, mystère pour moi !

Re: La perception du temps

Publié : 21 nov. 2015, 16:15
par Lulu Cypher
Emanuelle a écrit : Maintenant que je re-re-re..lis :) le fil, beaucoup de choses sont dites là:
Merci pour ce rappel du post d'ABC

Re: La perception du temps

Publié : 21 nov. 2015, 16:17
par Emanuelle
Merci à unptitgab pour ceci

Yes ! 8=)

Re: La perception du temps

Publié : 21 nov. 2015, 19:18
par kestaencordi
Emanuelle a écrit :
kestaencordi a écrit :
Emanuelle a écrit :
Reprenons l'exemple dans la vidéo d'un filet d'eau qui coule.
Disons que nous mesurons la durée du phénomène de l'eau entre l'instant où le robinet s'ouvre et l'instant où il est fermé.
Ce phénomène a une durée objective (et conventionnelle), mettons de 10 secondes (pas trop hein, l'eau est un bien précieux ;) )
Cette durée est la même pour la mouche que pour l'être humain (si tant est que cela ait un sens pour la mouche de dire cela).
vous parlez de durée objective... ca ne me semble pas juste.

ensuite dans le même message vous parlez de réversibilité du temps. j'ai pas compris, en lisant ABC, que la réversibilité remettait en question la relativité.
Qu'est-ce qui ne vous semble pas juste ? A aucun moment, je ne parle de la relativité restreinte.
est-ce que la durée est objective, le temps objectif, la vitesse objective quand on admet que le temps n'existe pas fondamentalement, qu'il émerge des phénomènes temporels et que son écoulement est réversible?

je pense pas.

La seule "relativité" dont il est question, c'est la perception d'un phénomène (dans mon exemple, l'eau qui coule) relative aux organes des sens de la mouche, perception différente de celle de l'être humain parce que nos yeux sont différents. Cela n'a rien d'un scoop ;)

Ce que je trouvais très intéressant, parce que cela me semble rejoindre les propos d'ABC ( c'est un exemple concret donc cela aide beaucoup, je pense, à comprendre), c'est la différence de perception du temps (ici plus précisément la vitesse d'écoulement de l'eau) liée à la différence de traitement de l'information (ici visuelle) entre la mouche et l'être humain.

l’écoulement de l'eau reste un phénomène macroscopique pour les deux observateurs. si la mouche perçoit +/- d'information sur le phénomène elle en fera une description qui reste macroscopique tel que nous... irréversible, avec un temps irréversible (conséquence de cette échelle)
Comment les scientifiques arrivent-ils à modéliser ou à comprendre comment une mouche perçoit, mystère pour moi !
modéliser je sais pas mais je pense que les mouches sont les animaux les plus étudier en laboratoire donc bien connu.

Re: Le temps

Publié : 21 nov. 2015, 20:07
par Emanuelle
Je relirai vos questions plus tard.
Je me rends compte que je mélange durée et vitesse.
Je me rends compte aussi que j'ai cité un passage d'ABC qui parle de la relativité des durées tout en disant après que je ne parlais pas de relativité.
Bref, je suis toute embrouillée et je fais une pause pour ce soir ;)
Bah, si certains peuvent nous aider, ils sont bienvenus.

Re: Le temps

Publié : 21 nov. 2015, 22:48
par LoutredeMer
Emanuelle a écrit :
Bref, je suis toute embrouillée et je fais une pause pour ce soir ;).
Le temps, ca embrouille, c'est clair :
Le temps qui passe ou pas, ou trop vite,
Le temps qu'il faut, Le temps qu'il fait,
Le temporel, le tempo réel,
Le temps d'une valse, une valse à mille temps,
Le temps pris à prendre le temps,
Et à rechercher le temps perdu...

[...]
Je n'aurai pas assez
de deux cents ans
Je dois me dépêcher
J'ai rencontré le temps perdu
Il frappait aux portes
Mais personne ne lui ouvrait
Il m'a dit "Regarde devant mais n'oublie rien"
J'ai essayé mais j'ai oublié
J'ai donc recommencé
Et j'ai retrouvé le temps perdu

Alors je l'ai tué
J'ai tué le temps
Mais je n'existais plus
C'est lui qui m'avait tuée.

A.A.

Re: La perception du temps

Publié : 22 nov. 2015, 00:39
par Raphaël
richard a écrit :
Raphaël a écrit : Indirectement. On interprète le décalage vers le rouge de la lumière émise par les galaxies comme étant dû à l'expansion de l'espace.
Oui! Via l'effet Doppler, seul effet connu aujourd'hui. Mais nous ne sommes pas à l'abri d'un effet encore inconnu.
Wiki a écrit :Du point de vue observationnel, l'expansion se traduit par une augmentation de la longueur d'onde de la lumière émise par les galaxies : c'est le phénomène de décalage vers le rouge. Ce décalage n'est pas homologue à l'effet Doppler, qui est dû au déplacement à travers l'espace de l'objet observé ; il s'agit ici de l'expansion de l'espace lui-même.

Re: Le temps

Publié : 22 nov. 2015, 10:02
par Emanuelle
Raphaël a écrit :
ABC a écrit :Exemple3 : la goutte d'encre noire que je laisse tomber dans un verre d'eau pure

On prend un verre d'eau très pure et on y laisse tomber une goutte d'encre noire. Peu à peu, l'encre va se diluer dans l'eau et, au bout d'un certain temps, je n'aurais plus une goutte d'encre concentrée en un point et de l'eau pure autour mais une eau uniformément grise. Là aussi l'écoulement irréversible du temps se manifeste via ce phénomène irréversible de diffusion de la goutte d'encre noire dans l'eau. Si je filme ce phénomène et que je passe le film à l'envers, tout le monde s'apercevra de la supercherie.
On ne parle pas de l'irréversibilité du temps ici mais de l’irréversibilité d'un phénomène temporel (voir la citation d'Étienne Klein que tu as toi-même fournie). Le film par contre est réversible mais même si on le fait passer à l'envers ça ne change rien au temps: c'est seulement un phénomène temporel qu'on a inversé.
Oui.
Je me suis rendue compte en relisant que je n'ai pas arrêté de poser la même question :oops: celle de savoir s'il y a lieu de distinguer entre irréversibilité du temps et irréversibilité des phénomènes.
J'ai fini par me demander si les termes "irréversibilité du temps" avaient un sens. C'est parce que je conçois le terme irréversibilité comme s'appliquant au mouvement, aux transformations. Or, bien que l'on dise que le temps "passe", le temps est-il mouvement ?
Bref, je crois que je tourne en rond avec cette question.

Ce que j'ai compris de ce que dit ABC, c'est que c'est sur l'observation de l'irréversibilité des phénomènes que nous construisons cette notion d'irréversibilité du temps, notion profondément ancrée en nous.

Aujourd'hui, certains physiciens pensent que le temps n'est pas un élément fondamental mais émerge.

J'ai relu ces 2 articles: http://www.astrosurf.com/luxorion/temps-nexistepas2.htm; il est très intéressant et très clair; il y ait fait mention de l'expansion de l'univers...
et http://www.larecherche.fr/savoirs/dossi ... 2010-82542

Raphaël a écrit :
ABC a écrit :Pourtant, si je prend maintenant un microscope et que je regarde mes molécules d'encre, entre le début et la fin il ne s'est rien passé de très spécial. J'ai toujours des molécules d'encre qui se baladent au milieu de molécules d'eau. (...)
Comme Wiki le mentionne justement, la perception du temps inclue la perception de l'ordre temporel. On est capable de différencier au niveau macroscopique ce qui se déroule dans un sens normal ou pas. Au niveau microscopique par contre on est en terrain inconnu et on ne comprend pas forcément ce qui se passe.
Ce qui me semble surtout intéressant dans ce passage c'est ceci:
ABC a écrit : Ce que cet exemple met cependant en évidence, c'est que l'écoulement irréversible du temps est indissociablement lié à l'échelle d'observation, et, plus précisément, à la description incomplète de l'état d'équilibre (perçu comme) "final" du verre d'eau. (...)
Je crains que de saucissonner ainsi les propos d'ABC ne les dénaturent ! :oops:
Bon je continue quand même.
Ce qui m'a intéressée dans ce passage c'est ce fait que d'attribuer un début et une fin à un phénomène n'est qu'une "vue approximative", une simplification. Il faudrait pouvoir imaginer les implications de ceci...
Raphaël a écrit :
ABC a écrit :Ce que cet exemple met cependant en évidence, c'est que l'écoulement irréversible du temps...
Holà ! Cette "évidence" de Mr. ABC me fait tiquer ... Ici on ne parle pas d'écoulement du temps mais bien d'un phénomène temporel. Ce qu'on observe au niveau macroscopique et microscopique ce n'est pas l'écoulement du temps, c'est seulement le phénomène auquel il est associé. Le vrai temps lui continue toujours d'avancer dans le même sens (à moins que ma montre me trompe :mrgreen:).
De nouveau, ABC dit que nous construisons cette notion d'irréversibilité du temps sur l'observation de l'irréversibilité des phénomènes.

Vous dites "le vrai temps"; ce temps des montres est un temps construit, conventionnel totalement. Et extrêmement utile évidemment. Je voudrais bien retrouver l'article de Rovelli dans lequel il compare le temps à l'argent (ça c'est pas nouveau mais sa façon de le faire si). Au lieu de comparer la durée d'un évènement par rapport à la durée d'un autre évènement (par exemple, je dis n'importe quoi, la durée de la rotation de la terre sur elle-même avec la durée d'une séance d'épilation), ce qui ne serait pas du tout pratique, on donne la durée de la rotation de la terre en heures ainsi que la séance d'épilation. Le temps est comme l'argent; il permet de comparer facilement comme l'argent permet d'échanger facilement (a remplacé le troc). Dommage que je ne retrouve pas l'article parce qu'il était très clair et parlant.
Ce que j'ai compris, un truc très trivial, c'est qu'une durée en elle-même, toute seule, unique, n'a pas de sens (on ne peut rien en faire), c'est la comparaison des durées qui est utile et fait sens.
Raphaël a écrit : On parle seulement de perception du temps et non pas du temps lui-même. Le temps ne se perçoit pas avec des lunettes ou un microscope: c'est seulement à l'aide d'un raisonnement logique qu'on peut réussir à comprendre sa vraie nature.
On perçoit des phénomènes temporels et à partir de là, on construit une notion de temps qui s'écoule irréversiblement.

Mioara Mugur-Shächter a tenté de construire une représentation du concept de temps à partir d'autre chose que quelque chose qui impliquait déjà le temps.
Elle y est parvenue en commençant par prendre en compte non "le temps objectif" mais le temps psychique. Impossible pour moi de résumer son travail.
Ce qui est très très intéressant dans le travail de Mioara Mugur-Shächter, c'est qu'elle met en lumière les différentes strates de construction des connaissances.

Re: Le temps

Publié : 22 nov. 2015, 10:09
par Emanuelle
Merci de ton aide Loutredemer. Une petite pause poétique, ça fait du bien ;)

Re: Le temps

Publié : 23 nov. 2015, 01:31
par Raphaël
Emanuelle a écrit :J'ai fini par me demander si les termes "irréversibilité du temps" avaient un sens. C'est parce que je conçois le terme irréversibilité comme s'appliquant au mouvement, aux transformations. Or, bien que l'on dise que le temps "passe", le temps est-il mouvement ?
Bref, je crois que je tourne en rond avec cette question.
C'est ce qui arrive quand on essaie de comprendre le temps à partir des phénomènes temporels: on est condamné à tourner en rond. Cette conception du temps ne débouche sur rien d'autre qu'un cul-de-sac.
Ce que j'ai compris de ce que dit ABC, c'est que c'est sur l'observation de l'irréversibilité des phénomènes que nous construisons cette notion d'irréversibilité du temps, notion profondément ancrée en nous.
Bien sûr qu'on a une notion d'irréversibilité profondément ancrée dans la tête mais en quoi ça pourrait nous permettre de conclure quoi que ce soit sur les propriétés du temps ? La réalité physique a-t-elle forcément quelque chose à voir avec ce qu'on imagine dans notre tête ?
Aujourd'hui, certains physiciens pensent que le temps n'est pas un élément fondamental mais émerge.
C'est un point de vue minoritaire qui s'apparente à celui qu'on avait avant Einstein. En Relativité le temps est une dimension qui existe par elle-même tout comme les trois dimensions spatiales. Ce n'est pas pour rien qu'on parle d'espace-temps.
Ce qui me semble surtout intéressant dans ce passage c'est ceci:

De nouveau, ABC dit que nous construisons cette notion d'irréversibilité du temps sur l'observation de l'irréversibilité des phénomènes.
De nouveau je répète qu'il y a confusion entre le temps et sa perception.
Vous dites "le vrai temps"; ce temps des montres est un temps construit, conventionnel totalement.
:gnee:
Tu peux me citer l'endroit où j'ai dit que le vrai temps était celui des montres ? Je sais très bien qu'une montre ne fait que simuler le passage du temps.
Je voudrais bien retrouver l'article de Rovelli dans lequel il compare le temps à l'argent (ça c'est pas nouveau mais sa façon de le faire si). Au lieu de comparer la durée d'un évènement par rapport à la durée d'un autre évènement (par exemple, je dis n'importe quoi, la durée de la rotation de la terre sur elle-même avec la durée d'une séance d'épilation), ce qui ne serait pas du tout pratique, on donne la durée de la rotation de la terre en heures ainsi que la séance d'épilation. Le temps est comme l'argent; il permet de comparer facilement comme l'argent permet d'échanger facilement (a remplacé le troc).
Le temps c'est de l'argent, c'est bien connu :cligne: , sauf que si on calcule la durée de rotation de la Terre en nombre de séances d'épilation c'est cette dernière qui devient l'unité de mesure temporelle. Le temps n'a pas disparu: c'est seulement l'unité de mesure de référence qui a changée.

Je ne sais pas si c'est vraiment Rovelli qui a eu l'idée de comparer le temps à l'argent mais si c'est le cas il s'est mis le doigt dans l'oeil. À moins qu'il n'ait voulu illustrer par cet exemple notre mauvaise façon de concevoir le temps ? Étant donné que je n'ai pas lu l'article je ne peux pas me prononcer. Par contre quand il dit que "Finalement, on ne mesure jamais le temps mais une variable par rapport à une autre !", je m'incline. :incline:

Je t'invite à prendre connaissance de la définition donnée par Corwin que je trouve très juste:

"Ce que nous appelons t, par exemple, dans une équation, n'est pas à proprement parler le temps, mais une valeur exprimant la relation entre le nombre d’occurrences de deux évènements, dont l'un sert de référence."
Ce que j'ai compris, un truc très trivial, c'est qu'une durée en elle-même, toute seule, unique, n'a pas de sens (on ne peut rien en faire), c'est la comparaison des durées qui est utile et fait sens.
La mesure d'une durée est toujours relative. Une durée en elle-même, toute seule et unique ça n'existe tout simplement pas en dehors de notre conscience.
On perçoit des phénomènes temporels et à partir de là, on construit une notion de temps qui s'écoule irréversiblement.
"On perçoit", "notion du temps" ... On en revient encore à la perception. Il doit y avoir une bande élastique invisible qui ramène toujours la discussion à ce niveau.
Mioara Mugur-Shächter a tenté de construire une représentation du concept de temps à partir d'autre chose que quelque chose qui impliquait déjà le temps.
Elle y est parvenue en commençant par prendre en compte non "le temps objectif" mais le temps psychique. Impossible pour moi de résumer son travail.
Le temps psychique ? Ça se mesure comment ?

Re: Le temps

Publié : 23 nov. 2015, 21:15
par Christian
Ce qu'en pense le physicien Brian Greene dans son documentaire La Magie du Cosmos - L'illusion du temps. Produit par Nova Films Ltd, Wgbh, National Geographic et ARTE France. Faudrait que je le regarde une deuxième fois pour faire un résumé...

Re: Le temps

Publié : 28 nov. 2015, 05:00
par Raphaël
Christian a écrit :Ce qu'en pense le physicien Brian Greene dans son documentaire La Magie du Cosmos - L'illusion du temps. Produit par Nova Films Ltd, Wgbh, National Geographic et ARTE France.
C'est intéressant à regarder mais je trouve que ça fait un peu trop science-fiction. Je mettrais un gros bémol sur certaines affirmations de ce documentaire.
Lulu Cypher a écrit :existe-t-il un moyen de prouver l'irréversibilité du temps hors de tout phénomène temporel observable ?
Si je me fie à ce que dit Étienne Klein dans cette conférence il semble que oui.

Quelques extraits:

"Même en relativité il est impossible de voyager dans son temps propre."

"La causalité c'est l'impossibilité des voyages dans le passé."

"L'existence de l'antimatière est la preuve qu'au moins en physique des particules il existe quelque chose dans l'Univers dans lequel on ne peut pas voyager et qui s'appelle le temps."

Emmanuelle a écrit :
ABC a écrit :Quand on analyse les choses plus finement, on s'aperçoit que ces notions que nous croyons absolues modélisent en fait, non les propriétés objectives des objets et phénomènes observés (un concept d'objectivité qui n'a probablement pas plus de validité que le mythe du bon sauvage) mais la relation que nous établissons avec ces objets et phénomènes.
Cette affirmation contredit celle d'Étienne Klein.

Extrait de sa conférence "Peut-on voyager dans le temps ?":

"La causalité n'est pas seulement une loi de l'entendement humain mais une loi que les particules connaissent."

Re: Le temps

Publié : 28 nov. 2015, 14:51
par Emanuelle
Merci Christian pour le lien vers cette vidéo.
Raphaël a écrit : C'est intéressant à regarder mais je trouve que ça fait un peu trop science-fiction. Je mettrais un gros bémol sur certaines affirmations de ce documentaire.
Faudrait que je le regarde à nouveau mais il me semble bien que le documentaire parle plutôt en termes d'hypothèses que d'affirmations.

Par exemple, il parle des hypothèses du temps comme d'un flux continu ou du temps comme une succession d'instants. Il ne tranche pas entre ces 2 hypothèses.

L'analogie est frappante, me semble-t-il, avec le fonctionnement du cerveau: L’œil humain doit percevoir au moins 60 évènements par seconde pour avoir l’impression d’un mouvement continu.
Il semble que le cerveau "s'arrange" (euh désolée pour cette sorte de personnification du cerveau) pour que nous ayons l'impression d'un mouvement continu. Imaginez si nous avions "un blanc" entre chaque image perçue. Ce serait très bizarre.
Raphaël a écrit : "La causalité c'est l'impossibilité des voyages dans le passé."

"L'existence de l'antimatière est la preuve qu'au moins en physique des particules il existe quelque chose dans l'Univers dans lequel on ne peut pas voyager et qui s'appelle le temps." [/i]
Dans une autre conférence E. Klein est plus nuancé. Il dit que les lois de la physique n'empêche pas de voyager dans le temps mais que si l'on voyage dans le temps, on ne peut y être qu'observateur (et non acteur). La causalité alors n'est pas remise en cause. Je vais rechercher cet extrait. Je m'en souviens très bien parce que cela m'avait frappée et j'avais été déçue qu'il ne précise pas davantage.

Raphaël a écrit :
Emmanuelle a écrit :
ABC a écrit :Quand on analyse les choses plus finement, on s'aperçoit que ces notions que nous croyons absolues modélisent en fait, non les propriétés objectives des objets et phénomènes observés (un concept d'objectivité qui n'a probablement pas plus de validité que le mythe du bon sauvage) mais la relation que nous établissons avec ces objets et phénomènes.
Cette affirmation contredit celle d'Étienne Klein.

Extrait de sa conférence "Peut-on voyager dans le temps ?":

"La causalité n'est pas seulement une loi de l'entendement humain mais une loi que les particules connaissent."
Il me semble que tu confonds lois physiques et propriétés objectives ou intersubjectives des phénomènes. Je n'ai pas du tout pris le temps de creuser la question mais simple exemple, ce serait comme confondre la couleur et les lois de l'optique.

En ce qui concerne les propriétés intersubjectives des "objets", cela n'a strictement rien de scandaleux, à mon sens.

Je redonne l'exemple d'une personne daltonienne.
Mon père est daltonien. Quand ma soeur et moi étions petites, cela nous amusait beaucoup de lui demander comment il percevait telle ou telle couleur. Une fois il était revenu à la maison très content d'avoir acheté une écuelle pour notre chatte de la même couleur soi-disant que son pelage. En réalité, l'écuelle était rose et notre chatte grise :a1: . Mais il voit le rose, gris.
Donc comme le dit Mioara Mugur-Shächter, en toute rigueur, on ne devrait pas dire "l'écuelle est rose" mais "je la vois rose" ou "mon père la voit grise". C'est juste une façon plus rigoureuse et complète de décrire les choses.

L'intersubjectivité, c'est, comme le disent ABC et Mioara Mugur-Shächter, la fin du réalisme naïf.
Cela revient à cette question: Peut-on connaitre le réel "en soi" ? Ou ne peut-on le connaître qu'à travers des "grilles de qualification" comme dit MMS ou "des grilles de lecture" comme dit ABC ?
Ces grilles de qualification sont totalement conditionnées ou données, à un premier niveau, par nos sens. Par exemple, si nous n'avions pas le sens de la vue, nous n'aurions jamais eu "l'idée" de la couleur. La couleur n'existerait pas pour nous. Cela ne veut pas dire qu'elle n'existerait pas pour d'autres vivants dotés eux de la vue.

Une autre façon de le dire (sans doute très naïve). La "science classique" a séparé l'objet et le sujet. Elle a posé comme extérieurs à nous les phénomènes et les objets. Cette façon de procéder a été très fructueuse et le sera encore. Mais il semble que cette façon de faire n'est pas possible en physique quantique. Et la physique quantique met en lumière (et d'autres sciences le font certainement aussi) que cette façon de faire est une simplification, une approximation, un modèle. Modèle que l'on peut complexifier, enrichir en étudiant "l'ensemble sujet-objet".

Maintenant, les lois de la physique sont-elles intersubjectives ? J'imagine très facilement que la réponse n'est pas plus scandaleuse que pour les propriétés des objets. "La causalité n'est pas seulement une loi de l'entendement humain mais une loi que les particules connaissent."
Le terme "seulement" est important.

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Si je reprends mon exemple de la couleur. Nous disons cette écuelle est rose. "rose" c'est une couleur mais c'est aussi un mot, une généralisation (?). Peut-on imaginer que cette intersubjectivité soit elle-même une "simplification" ? En effet, qu'est-ce qui me dit que le "rose" que je perçois est le même que celui que perçoit quelqu'un d'autre ? Je peux facilement penser qu'un peintre va percevoir d'une façon beaucoup plus fine et nuancée que moi les couleurs.

En physique, on parle bien de temps propre.

Bon j'espère que je suis compréhensible parce que mes propos sont un peu décousus.

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Encore une chose que je trouve intéressante et importante, c'est la question du langage. Mon père disait: "je ne vois pas le rouge". Quand j'étais toute petite, cette façon de parler était très troublante. Je me disais: ce qui est rouge est invisible pour lui ?! Evidemment, je me doutais que ce n'était pas ce qu'il voulait dire. Mais cela m'a donné une grande curiosité de savoir ou comprendre ce qu'il y a derrière les mots, concrètement.
Raphaël a écrit : (...) Étienne Klein dans cette conférence (...).
Au tout début de cette conférence, E. Klein parle de son livre "Galilée et les indiens". Il y a quelque chose là-dedans qui pour moi est très important, qui rejoint cette question de "connaitre le réel en soi", sur laquelle je reviendrai plus tard.

Re: Le temps

Publié : 28 nov. 2015, 16:16
par Lulu Cypher
Raphaël a écrit : Cette affirmation contredit celle d'Étienne Klein.
Merci de ces précision ... maintenant je suis encore plus mèlé qu'avant :mrgreen: .... je n'en connais pas assez en physique pour avoir confiance dans mon ses critique ... je vais quand même essayer de trouver des éléments liés à ces 2 affirmations.

Re: Le temps

Publié : 29 nov. 2015, 20:44
par Raphaël
Emanuelle a écrit :Faudrait que je le regarde à nouveau mais il me semble bien que le documentaire parle plutôt en termes d'hypothèses que d'affirmations.
Extrait du documentaire:

"Pourquoi ne voit-on jamais les événements se dérouler à l'envers ? Selon les lois de la physique c'est pourtant tout à fait possible."

C'est justement cette possibilité qu'Étienne Klein réfute dans sa conférence et sa conclusion est catégorique: "4000 fois par seconde vous émettez dans l'espace la preuve que les voyages dans le temps sont impossibles. Voilà. Merci."

Ça vous intrigue ? Écoutez la conférence: tout est expliqué.

P.S. Vous pouvez sauter les 10 premières minutes d'introduction.
Par exemple, il parle des hypothèses du temps comme d'un flux continu ou du temps comme une succession d'instants. Il ne tranche pas entre ces 2 hypothèses.
Le temps c'est une succession d'instants. Il existe une durée minimum qu'on appelle le temps de Plank (5,391 x 10E-44 sec). Le flux continue c'est notre façon de percevoir le temps (comme un fleuve...).
L'analogie est frappante, me semble-t-il, avec le fonctionnement du cerveau: L’œil humain doit percevoir au moins 60 évènements par seconde pour avoir l’impression d’un mouvement continu.
Ce n'est pas 60 mais 16 images par seconde. Pour ce qui est de l'analogie on n'est pas du tout dans les mêmes échelles de grandeur ...
Il semble que le cerveau "s'arrange" (euh désolée pour cette sorte de personnification du cerveau) pour que nous ayons l'impression d'un mouvement continu. Imaginez si nous avions "un blanc" entre chaque image perçue. Ce serait très bizarre.
Je constate que ce qui t'intéresse c'est seulement ce qui se passe dans le cerveau tandis que moi je m'intéresse au temps physique. Remarque que je n'ai rien contre les cerveaux (la preuve c'est que j'en ai un {ou deux} et j'en prend soin) mais on peut difficilement avoir une discussion sensée si on ne parle pas de la même chose.
Dans une autre conférence E. Klein est plus nuancé. Il dit que les lois de la physique n'empêche pas de voyager dans le temps mais que si l'on voyage dans le temps, on ne peut y être qu'observateur (et non acteur).
Voici ce qu'il dit:

"Vous pouvez y aller en spectateur mais vous n'avez pas le droit d'agir sur les événements... et assister en tant que spectateur ça s'appelle le cinéma."

Autrement dit ce n'est plus un voyage dans le temps.
Il me semble que tu confonds lois physiques et propriétés objectives ou intersubjectives des phénomènes.
Absolument pas.
Je redonne l'exemple d'une personne daltonienne.
Mon père est daltonien. Quand ma soeur et moi étions petites, cela nous amusait beaucoup de lui demander comment il percevait telle ou telle couleur. Une fois il était revenu à la maison très content d'avoir acheté une écuelle pour notre chatte de la même couleur soi-disant que son pelage. En réalité, l'écuelle était rose et notre chatte grise :a1: . Mais il voit le rose, gris.
C'est pour cette raison qu'en physique on ne se fie pas à nos sens mais aux appareils de mesure.
Donc comme le dit Mioara Mugur-Shächter, en toute rigueur, on ne devrait pas dire "l'écuelle est rose" mais "je la vois rose" ou "mon père la voit grise". C'est juste une façon plus rigoureuse et complète de décrire les choses.
Les couleurs correspondent à des fréquences électromagnétiques. Si on possède une vue normale les couleurs qu'on perçoit correspondent en général assez bien à la réalité.
L'intersubjectivité, c'est, comme le disent ABC et Mioara Mugur-Shächter, la fin du réalisme naïf.
Cela revient à cette question: Peut-on connaitre le réel "en soi" ? Ou ne peut-on le connaître qu'à travers des "grilles de qualification" comme dit MMS ou "des grilles de lecture" comme dit ABC ?
On s'éloigne de plus en plus du sujet principal qui est le temps. Je te suggère d'ouvrir une nouvelle discussion si tu t'intéresses à ce genre de questionnement métaphysique/existentiel.
Une autre façon de le dire (sans doute très naïve). La "science classique" a séparé l'objet et le sujet. Elle a posé comme extérieurs à nous les phénomènes et les objets. Cette façon de procéder a été très fructueuse et le sera encore. Mais il semble que cette façon de faire n'est pas possible en physique quantique. Et la physique quantique met en lumière (et d'autres sciences le font certainement aussi) que cette façon de faire est une simplification, une approximation, un modèle. Modèle que l'on peut complexifier, enrichir en étudiant "l'ensemble sujet-objet".
C'est bien beau de complexifier et d'enrichir mais quand on ne connaît pas suffisamment le quantique je suis d'avis qu'il vaut mieux s'en tenir à la physique classique. Le quantique ce n'est pas la solution miracle pour expliquer tout ce qu'on ne comprends pas.
Maintenant, les lois de la physique sont-elles intersubjectives ? J'imagine très facilement que la réponse n'est pas plus scandaleuse que pour les propriétés des objets. "La causalité n'est pas seulement une loi de l'entendement humain mais une loi que les particules connaissent."
Le terme "seulement" est important.
C'est important mais ça ne change rien au fait que le temps physique n'a pas de comptes à rendre à l'entendement humain. Le temps et les lois physiques n'ont pas attendu l'apparition du premier homo sapiens pour exister.
En physique, on parle bien de temps propre.
Aucun rapport. La notion de temps propre/impropre s'applique aussi bien aux objets qu'aux humains.

Re: La perception du temps

Publié : 29 nov. 2015, 21:16
par ABC
Raphaël a écrit :Ce qu'on observe au niveau macroscopique et microscopique ce n'est pas l'écoulement du temps, c'est seulement le phénomène auquel il est associé. Le vrai temps lui continue toujours d'avancer dans le même sens (à moins que ma montre me trompe :mrgreen:).

Cela revient à adopter l'hypothèse selon laquelle le temps s'écoulerait même s'il n'y avait ni matière, ni énergie, ni phénomènes physiques.

Il s'agit de l'idée intuitive, très difficile à éviter car c'est ce dont nous convainc notre expérience vécue, selon laquelle les phénomènes physiques se dérouleraient dans une sorte de temps objectif, un peu comme s'il avait une existence objective indépendante des phénomènes qui le déroulent.

Il n'y a pas de "vrai temps". En fait, ce ne sont pas les phénomènes qui se déroulent dans une sorte de temps objectif préexistant à la matière, à l'énergie et aux phénomènes (tels que leur modélisation dépendant de notre échelle d'observation les définit) se sont au contraire les phénomènes, tels que définis à notre échelle d'observation, qui déroulent le temps.

A noter toutefois que nombre de physiciens, des réalistes donc, sont au contraire de votre avis et non de l'avis contraire que proposent C. Rovelli, P. Martinetti, Alain Connes et certainement d'autres physiciens (plutôt des positivistes dans l'ensemble). Pour ces physiciens, partisans d'une interprétation réaliste du temps et de son écoulement, le temps et son écoulement irréversible sont, comme pour vous, une grandeur physique objective, indépendante de l'échelle d'observation.

Pour ma part, je ne crois plus à cette hypothèse. On ne parvient pas (selon moi) à la justifier sur la base des faits d'observation. De mon côté j'ai cherché, sans succès, dans la direction d'interprétation réaliste de l'écoulement irréversible du temps (et du principe de causalité) que vous défendez. J'ai commencé d'abord par les ouvrages physiques de référence. J'ai continué avec les articles scientifiques de recherche sur ce sujet, pendant plus de 15 ans (la question du temps est une question qui m'intéresse depuis très très longtemps). Pas moyen de donner une base physique objective à l'interprétation réaliste de l'écoulement irréversible du temps.

C'est comme pour la notion d'espace-temps. Il n'y a ni espace, ni espace-temps objectif indépendant d'un contenu énergie matière. Il n'y a pas de contenant objectif dans lequel l'énergie et la matière viendraient, en quelque sorte, se loger. L'espace-temps est un modèle géométrique qui sert à caractériser les propriétés de la matière et de l'énergie. Ce "contenant" est, en fait, un modèle, un "manteau", qui vise à épouser au mieux la "réalité".

La "réalité", ce n'est pas l'espace-temps, mais la matière, l'énergie ainsi que l'information permettant de les décrire à l'échelle d'observation macroscopique, c'est à dire en rassemblant dans un même état macroscopique des états microscopiques pourtant distincts. Sans la notion thermodynamique statistique d'information prélevée à notre échelle d'observation (la grille de lecture étant caractérisée par la notion d'entropie n'exigeant pas, par contre, la notion de conscience), il n'y a pas de propriété mesurée caractérisant la "réalité" (et donc pas de "réalité", je commence à friser le point de vue des positivistes, je m'en rend compte) et encore moins de notion d'écoulement irréversible du temps.