Jean-François a écrit :Pas forcément. S'il ne fait que considérer l'ajout de ces pratiques comme une sorte de placebo, il est simplement pragmatique. S'il pense que ces pratiques sont réellement efficaces et fondées, juste parce qu'il se contente d'observations superficielles, il peut devenir un franc zozo.
Notez que pour moi, zozo a un sens assez fort: un zozo défend ce qui tient de l'ordre de la croyance (de la conviction sans véritable preuve).
Jean-François a écrit :À mon avis, il n'a généré aucun savoir: il n'a fait qu'entretenir des croyances qui existaient.
A vous lire, j'ai l'impression que vous classez la démarche descriptive comme non scientifique et non génératrice de savoirs, par opposition à la démarche explicative.
Je suis d'accord dans l'idée qu'une description d'un phénomène ne permet pas d'échapper à toutes sortes de croyances sur l'origine du phénomène, et que seule une démarche explicative rigoureuse permet de tirer bien plus de choses au clair.
Néanmoins, il ne faut pas jeter trop vite la démarche descriptive à la poubelle. Le Gulf Stream a été décrit et cartographié avant que l'on ne précise les mécanismes qui en sont à l'origine. Considérez-vous que la cartographie du Gulf Stream n'est pas un savoir ? Qu'elle nécessite un positionnement en termes de croyances ?
Pour reprendre l'exemple précédent du médecin, dire que les magnétiseurs ont une incidence positive sur le bien-être des patients est la description d'un phénomène réel (i.e., que n'importe quel médecin peut aussi constater), qui constitue donc en soi un savoir, une connaissance (pragmatique oui), et qui ne s'encombre pas nécessairement de l'expression de croyances sur son origine, et n'en défend pas nécessairement non plus. Bien comprendre les mécanismes qui permettent l'occurrence de ce phénomène est un autre type de savoir, plus avancé et plus intéressant je suis complètement d'accord, mais qui ne définit pas la frontière de la science et du savoir.
Jean-François a écrit :Mais ce qui, au final, distingue la science est que les résultats sont objectifs: ils ont un impact sur le réel, pas seulement une impression dans l'esprit de quelqu'un.
Jean-François a écrit :Parce que vous demeurez très "théorique", vous ne prenez pas en considération la nature des résultats et l'attitude des chercheurs vis-à-vis de ceux-ci. Si votre médecin demeure à un stade d'observation superficielle, il ne teste pas vraiment ses hypothèses. Il ne confronte pas ses impressions au réel.
Si son hypothèse est la suivante : les patients qui consultent un magnétiseur auront un niveau de bien-être perçu plus élevé que celui des patients qui n'en consultent pas, il la teste bien par l'observation et l'évaluation de ce bien-être perçu dans ses deux groupes de patients.
J'ai l'impression que chaque fois que vous parlez du réel, vous le limitez aux phénomènes physiques. Les phénomènes psychiques (et je ne veux pas du tout dire par là ce que les zozos appellent psychique) peuvent tout à fait être des objets d'études et d'observation. Je rajouterai même objectifs si la validité de leur occurrence est issue d'observateurs différents. En tout cas, cette position est défendue par plus d'un chercheur pour répondre à votre seconde phrase (évidemment, la plupart s'aventurent ensuite dans des modélisations ou des explications causales, mais cette étape supplémentaire n'enlève rien à la validité des observations dites "superficielles" sauf si l'on a des raisons de soupçonner un biais chez l'observateur).
Jean-François a écrit :Avez-vous vérifié à quel point c'est vrai? À mon avis, la "mémoire de l'eau" a pour ainsi dire disparue du paysage et l'homéopathie n'est encore défendue que par les pro-homéopathie.
Je parlais des publications en général sur ce sujet (pas forcément pro-mémoire de l'eau), et pas seulement de la citation de la mémoire de l'eau comme cas d'école d'arnaque scientifique. Un petit tour sur google scholar montre qu'il y a des publications récentes qui évoquent la mémoire de l'eau, et même si c'est en majorité dans des revues biaisées, il me semble que ce n'est pas systématiquement le cas (par exemple,dans Current Biotechnology : "New approaches controlling cancer: zinc finger and water memory", 2012; ou dans International Journal of Quantum Chemestry (ça m'a l'air sérieux mais je peux me tromper) : "The biophysical basis of Benveniste experiments: Entropy, structure, and information in water", 2009).
Jean-François a écrit :
Comment définissez-vous clairement la démarche scientifique ? Je doute que les "zozos" soient strictement nuls en matière de tout type de raisonnement
Vous allez plus loin que ce que je dis. La plupart des défenseurs d'idées zozoes se basent sur des idées à forte saveur traditionnelle (magnétisme humain, homéopathie, acuponcture, astromancie), qu'ils font semblant de tester voire qu'il ne testent pas du tout. La vérification empirique, objective, des idées est l'étape de la démarche qu'ils omettent aisément. Et quand ils la prennent en considération, ce n'est pas avec rigueur. Et c'est cette étape qui est fondamentale en science. Eux font plus dans une forme de théorisation que dans de la vérification empirique.
La vérification empirique n'est qu'un cas particulier de démarche scientifique.
Wikipedia vaut ce que ça vaut, mais je suis d'accord avec l'introduction de leur article sur la méthode scientifique : "La méthode scientifique désigne l'ensemble des canons guidant ou devant guider le processus de production des connaissances scientifiques, qu'il s'agisse d'observations, d'expériences, de raisonnements, ou de calculs théoriques.
Très souvent, le terme de « méthode » engage l'idée implicite de son unicité, tant auprès du grand public que de certains chercheurs, qui de surcroît la confondent parfois avec la seule méthode hypothético-déductive. L'étude des pratiques des chercheurs révèle cependant une si grande diversité de démarches et de disciplines scientifiques que l'idée d'une unité de la méthode est rendue très problématique."
De plus, la méthode scientifique ne définit pas la science. Voici quelques extraits d'un article intéressant à ce sujet (Siepmann, Journal of Theoretics, 1999) :
The scientific method is fine for experimentation but it is inadequate in determining what is Science. In the past if a discipline could not be subject to the scientific method, it was not Science. Therefore, I would like to propose that
the scientific method should only be applied to experimentation when appropriate and not be used in the determination of what is or is not science, nor should it have any application in defining what is a hypothesis, theory, fact, or law.
Let's say that I form the hypothesis that fire is hot. I then put my hand into a fire and find it is hot. Now it is a theory as it has been verified. If it is verified by many to the point of certainty then it becomes a fact.
Technically, there is nothing that is 100% certain. For instance, I could be existing in a dream world where fire is hot while in my real world fire is cold. Though this is highly unlikely, it still could be so. But when something seems to be confirmed by every reasonable method, then we can call it a fact.
Puis :
I would like to propose that we define Science as the "the field of study
which attempts to describe and understand the nature of the universe in whole or part."
N'est-ce pas aussi ce que les zozos font à leur manière ?
Enfin, je vous laisse réfléchir sur la dérive que représente le scientisme qui résonne pas mal avec la deuxième phrase de votre citation (voir plus haut) :
"Le scientisme est une vision du monde apparue au XIXe siècle selon laquelle la science expérimentale a priorité pour interpréter le monde sur les formes plus anciennes de référence : révélation religieuse, tradition, coutume et idées reçues. Le scientisme veut, selon la formule d'Ernest Renan (1823-1892), « organiser scientifiquement l'humanité ». Il s'agit donc d'une confiance (le terme de foi ne s'applique pas dans le domaine expérimental) dans l'application des principes et méthodes de la science expérimentale dans tous les domaines." (Wikipedia)
jean-François a écrit :Tout à fait. S'ils viennent à être considérer comme bon scientifique ou champ disciplinaire majeur, c'est parce que les résultats qu'il génèrent ont un impact suffisamment tangible pour être convaincants. C'est pourquoi je disais que "consensuel" n'est pas un critère au départ.
Un impact sur qui ?
L'influence croissante des médecines dites alternatives ou des médiums sur la population interroge sur la dimension pragmatique de la recherche (terme très bien trouvé que vous utilisez plus haut) et la notion d'impact convaincant. Je pense qu'il est bien sûr très important que la recherche avance dans ce qu'elle a de plus pointu, du plus exact d'un point de vue explicatif, et souvent de plus opaque pour le grand public. Mais il est dangereux qu'elle ne se saisisse de la question de l'impact hors dimension professionnelle de son travail qu'en déplorant l'ignorance des "gueux" intellectuels.
Dash a écrit :Les gens moins instruits et/ou qui ont plus de difficultés à raisonner ont nécessairement de moins bonnes raisons (évidence et pléonasme) pour justifier (et ainsi donc entretenir et renforcer) leurs a priori et leurs impressions (intellectuellement parlant). Autrement dit : plus on est intelligent et instruit, plus il est facile de se créer des arguments sophistiqués qui rendent le discernement des paralogismes de moins en moins évident à détecter.
En plus de ce que vous décrivez, il est possible dans le domaine de la recherche de modifier ses hypothèses avant publication si les résultats ne vont pas dans le sens attendu, et comme vous le soulignez, quiconque est assez habile en argumentation peut exceller dans cet art noir avec d'autant plus de facilité que son champ de recherche est nouveau ou propice à controverses.
Dash a écrit :Également (et généralement), les gens moins intelligents et/ou possédant peu d'instruction se préoccupent beaucoup moins de certaines questions intellectuelles et existentielles. Non pas qu'ils n'y ont jamais pensé, mais ils n'y consacrent pas autant de temps à construire et broder autour de celles-ci. Il en résulte qu'ils sont souvent moins impliqués émotivement (ou ont moins d'intérêts) au sujet de questions pour lesquels ils ont investi moins de temps et d'énergie que certains intellectuels par exemple.
Je pense que les gens moins instruits ont moins de croyances parce qu'ils se développent dans des milieux à plus faible niveau socio-culturel, qui valorisent davantage la considération collective plutôt que le bénéfice individuel, et du coup se soucient moins du "développement personnel" qui est la pompe à essence de nombreuses croyances (ex : réincarnation) ou pratiques professionnelles "parallèles" (ex : soins énergétiques) qui fleurissent actuellement.