À la lecture du fil je suis surpris de constater que certains pensent que donner la parole à des gens qui nient le réchauffement climatique relève de la neutralité de l'information. Si débat scientifique il doit y avoir c'est dans les revues spécialisées, pas dans une revue grand public. Or sur l'origine anthropique du réchauffement climatique, il n'y a plus de débat. Que diriez-vous si, pour la « neutralité de l'information », on donnait 1h à une personne défendant la mémoire de l'eau, et 1h à une personne défendant les connaissances scientifiques sur le sujet ? 1h pour les créationnistes et 1h pour la théorie de l'évolution ?
Un débat scientifique n'est pas comme un débat de société. Vouloir équilibrer entre les pour et les contre n'a aucun sens. Semer le doute avec un pseudo-argument est très facile, montrer en quoi il est fallacieux prend beaucoup plus de temps. Exemple : « on ne sait pas prévoir la météo à quelques jours, alors comment croire les prévisions à 1 siècle ? », « S'il fait 2° de plus il suffira d'enlever un pull », « Regardez la complexité d'un organe comme l'œil. Comment penser qu'il est arrivé par hasard ? ». Si je devais contredire chacune de ces phrases, j'aurais besoin de beaucoup plus de place.
eatsalad a écrit :Pour moi les reproches faits envers l'AFIS sont un procès d'intention, pas très bien étayés.
Il est vrai que cette accusation est autrement plus étayée
Concernant le DDT
Les sources de Kuntz sont les mêmes que celles de ses collègues de l'AFIS (Krivine, Brissonnet), ou que celles d'A&E. On retrouve, à quelques variations près, Edwards, Bates, Tren. Le premier est un scientifique mais son sujet n'est pas le DDT et sa seule publication dans un journal ne l'honore pas (allez voir le journal en question…). Bates et Tren sont respectivement fondateur et président de
Africa Fighting Malaria, une association défendant l'utilisation du DDT. Citerait-on le président du WWF ou de Greenpeace pour savoir s'il faut utiliser le DDT ? De plus ces deux hommes ne sont pas des scientifiques. Kuntz cite des textes de leur part (enfin de Tren en l'occurrence) publiés dans des journaux scientifiques. Deux sont des lettres à l'éditeur : pas des travaux scientifiques. Un est un vrai article scientifique, publié dans un journal anecdotique. L'article n'a jamais été cité par des pairs. Pourquoi mettre en exergue des publications scientifiques confidentielles ? Est-ce là une approche rationnelle ?
Etienne Beauman a écrit :Essaye de répondre aux questions de Kuntz elles m'ont l'air pertinente.
Elles ne sont pas pertinentes, elles sont biaisées.
-quelles ont été les motivations exactes de William Ruckelshaus pour imposer l’interdiction du DDT aux Etats-Unis ? Pourquoi n’a-t-il pas suivi le rapport Sweeney qui avait auditionné 125 experts ?
Il aurait reconnu en 1979 que « la décision était politique plutôt que scientifique ».
Dommage qu'il ne donne pas le lien vers ce fameux rapport Sweeney. Kuntz oublie de mentionner que la décision de l'EPA est fondé sur 4 rapports scientifiques. Kuntz affirme lui-même que la décision d'interdire l'usage agricole du DDT était plutôt pertinente. Pourquoi ensuite reprocher cette décision à Ruckelshaus ? Kuntz dit qu'il s'agit d'un militant écologiste, en fait il est républicain (comme le précise un article de Foucart, pourtant cité par Kuntz…).
Omission de données importantes : c'est ça une question pertinente ?
Au passage la dernière citation [hors contexte] qu'il donne n'est pas exacte (j'avais donné la source dans un commentaire non publié par Kuntz, la liberté d'expression a ses limites…), j'ai la flemme de retrouver la source. De mémoire il disait qu'interdire était au final une décision politique. Ce qui est effectivement incontestable. Ce ne sont pas les scientifiques qui interdisent.
-quelles répercussions de cette interdiction aux Etats-Unis sur les programmes internationaux de lutte contre le paludisme ?
Effet cerceau.
Poser la question des répercussions suppose qu'il y en a eu. Quant à montrer l'absence de quelque chose, je vous souhaite bon courage.
-quel rôle dans l’abandon du DDT a joué l’apparition de résistances à cet insecticide chez les moustiques vecteurs ? Une analyse de la littérature scientifique et de certaines bases de données estime que ces problèmes « techniques » (tous produits confondus) sont impliqués dans 32% des cas recensés de résurgence de la malaria.
Il oublie de remettre en contexte l'étude. Elle s'intéresse aux cas à partir des années 30, or les résistances se sont développées plus tard. Et, par définition, elles deviennent de plus en plus importantes avec le temps. De plus l'enchaînement des questions est particulièrement habile. Puisqu'on en déduit tous seuls que les 68% de cas restants sont dus à l'interdiction aux États-Unis (question précédente), ce qui n'est pas du tout le cas.
Concernant les résistances, elles sont maintenant très développées en Afrique tropicale (région très touchée par le paludisme) :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3942210/
-Les organisations écologistes ont-elles effectivement activement poussé à l’interdiction TOTALE du DDT, sans distinction de son usage ?
La question est totalement imprécise. « Les organisations » ne veut rien dire. Toutes ? Les plus représentatives ?
Aucune notion de temps ? À quelle époque ? Dans les années 70, 90, 2000 ? → C'est très important car souvent on trouve des accusations mettant des résurgences du paludisme dans les années 70 sur le dos d'associations écologistes… en s'appuyant sur des documents des années 90 ou 2000…
Enfin que des associations aient poussé à l'interdiction totale à une période donnée n'apporte toujours rien. Éventuellement on pourra constater une corrélation entre l'activisme de certaines associations et une résurgence du paludisme [ce qui reste à montrer]. Ça ne permet pas de prouver une causation.
Au passage, j'illustre ainsi mon propos au début : il me faut tout un paragraphe pour faire la critique d'une question qui semblait pertinente à l'origine.
Quand on s'intéresse aux publications scientifiques sur le sujet, on ne trouve pas d'accusation envers les écologistes qui seraient responsables de millions de morts par leur militantisme anti-DDT. Ce qu'on trouve c'est une autre histoire, moins sensationnaliste. L'OMS, à ses débuts, a été trop ambitieuse avec sa campagne d'éradication du paludisme. La campagne n'était pas adaptée à tous les contextes locaux. L'échec de cette campagne est dû notamment à des problèmes d'organisation sur le plan local, de résistances des insectes ou du vecteur, à des problèmes économiques ou à des problèmes d'acceptation de la campagne. L'échec de cette campagne, acté en 1969, a conduit à une réduction des crédits alloués à la lutte par l'USAID et l'UNICEF. Baisse des crédits qui n'est pas non plus sans lien avec la crise économique du début des années 70. Entre le changement de politique de l'OMS, les problèmes réels que rencontrent la campagne, et la réduction des crédits, on a une résurgence de la maladie à certains endroits à la fin des années 60, début des années 70.
Une vingtaine d'années plus tard commencent à émerger des accusations visant Rachel Carson ou plus largement les écologistes, vis-à-vis des millions de morts du paludisme qu'ils auraient sur les mains. Pourquoi personne ne s'en serait rendu compte ? Quels sont les éléments nouveaux qui sont arrivés ? Mystère. Depuis la fable a pris de l'ampleur, mais elle est toujours aussi peu étayée. Qu'une association cherchant à promouvoir « l'information scientifique » relaie ce genre de fable en se fondant sur des sources aussi peu sérieuses me fout la gerbe.
J'ai eu la flemme de remettre toutes les sources, mais elles sont ici (désolé pour l'autopromo) :
http://www.factsory.fr/2014/ddt-le-myth ... cide-ecolo
http://www.factsory.fr/2014/reecriture-histoire-ddt/