Salut Mireille!
Il est difficile d'exprimer/expliquer notre pensée en peu de mots sur un forum de manière à ce que notre interlocuteur comprenne clairement l'idée que nous essayons de partager.
À ma question, tu réponds (si je comprends bien) que cette intelligence qui nous dépasse n'est pas forcément improuvable. Es-tu d'accord pour dire qu'il y aura toujours quelque chose qui dépassera notre compréhension? L'humain (comme toute entité distincte de son environnement) est et sera toujours limité, par nature. Comment une intelligence infinie qui, par définition, nous dépasse complètement pourrait-elle un jour être comprise d'un humain fini/limité/conditionné que nous sommes? Ne vois-tu pas la contradiction à prétendre que l'on pourra comprendre une telle intelligence? Tu dis :
Il a fallu plus de vingt siècles pour confirmer certaines de ses certitudes sur la pluralité des mondes et du vide, par exemple.
Tu dis : « confirmer »? As-tu des références sérieuses sur le sujet? Parle-t-on de multivers? Si c'est le cas, il me semble que c'est encore quelque chose d'improuvable (infalsifiable, pour l'instant) et que ça demeure encore largement philosophique/métaphysique. Cependant, parler de pluralité des mondes, c'est déjà beaucoup plus précis et infiniment plus compréhensible qu'une intelligence qui nous dépasserait.
Je suis d'accord avec toi pour dire que la zone est floue entre la physique (pour simplifier, ce qui est prouvable) et la métaphysique (ce qui est improuvable). Il y a certains domaines qui étaient plutôt d'ordre métaphysique et qui ont basculé dans le domaine de la physique (grâce à des définitions, des concepts et des instruments plus précis/performants).
Par contre, c'est logiquement impossible de faire basculer dans le domaine de la physique ce qui, par définition, nous dépasse complètement. Penses-tu vraiment que nous pourrons un jour comprendre ou répondre correctement à toutes nos questions (à l'aide de nos petites têtes)? Es-tu d'accord pour dire que, de toute façon, tu ne réussiras jamais à prouver cette intelligence divine? Ta vie de Mireille ne durera surement pas des millénaires. On dirait bien que tu penses qu'en croyant fortement à quelque chose, cette chose se réalisera, et ce, en dépit de l'incohérence de croire pouvoir comprendre l'incompréhensible. Ce qui nous dépasse est, en effet, incompréhensible pour nous, puisque sinon cette intelligence grandiose ne nous dépasserait pas, elle serait à la portée de notre compréhension, ce qui n'est pas le cas, comme nous l'avons dit. Je crois que tu dis qu'il faut laisser la possibilité même à ce qui est impossible. Ce n'est pas un peu jouer avec les mots? Tant mieux si, un jour, on arrive à tout expliquer et découvrir la vérité ultime, mais cela m'apparait complètement impossible/absurde. Pour l'instant, il est clair que cette intelligence est improuvable et qu'il n'y a aucune raison pour qu'un jour cela change.
De croire en l'existence d'une telle intelligence n'est pas le problème. C'est de croire que cette intelligence est prouvable (ce qui deviendrait le cas si l'on y croirait assez fortement?) qui est symptomatique d'une pensée logique déficiente. D'ailleurs, une réponse engendre souvent une nouvelle question. Comment alors répondre à toute question? Prouver cette intelligence serait, en quelque sorte, répondre à la plus grande des questions. Cette croyance ne mène à rien, sauf (peut-être) à nourrir un certain réconfort qui camouflerait des peurs existentielles? En quoi est-ce utile pour toi de croire que ce qui est improuvable par nature pourra tout de même être prouvé? Tu as le droit à ta vision, et je t'en remercie d'ailleurs de nous la partager, mais il est plus qu'évident (pour moi) qu'il y a quelque chose qui cloche dans cette vision.
Je partage ma vision, je ne prétends pas détenir une vérité.
Effectivement. Mais, il semble que tu ne t'arrêtes pas à cela. Tu cherches à valider/prouver ta vision. C'est là le problème. Tu peux chercher indéfiniment à valider ta vision. Cela peut même être plaisant/drôle. Mais, tu n'y arriveras jamais. C'est impossible (au moins à 99,999 %). C'est en ce sens qu'il est possible que cette entreprise soit une perte de temps. Quand je dis que tu n'y arriveras jamais, crois-tu que, un jour, tu seras parfaitement en accord avec cet énoncé?
L'idée d'un retour aléatoire est, elle aussi, complètement improuvable. Qu'arrive-t-il à notre mort?
Les principales possibilités que j'entrevois comme étant plausibles sont le retour aléatoire et le sommeil éternel. Les deux (en terme de vérité classique) se valent autant l'une que l'autre à mon avis. Le terme « aléatoire » exprime aussi le fait qu'on ne peut pas toujours savoir ce qui nous arrivera. Pour une raison quelconque qui nous dépasse, nous ferons une certaine expérience au lieu d'une autre. À priori, il y a rupture du « moi » à la mort du corps.
J'aimerais aussi te demander pourquoi ce serait plus absurde ce que certains ont dit, soit que nous choisissions où nous naissons et quelles expériences nous allions vivre que de renaître d'une manière aléatoire?
Ce n'est pas tant cette seule idée qui est absurde, mais l'attitude égoïste qu'elle provoque. Évidemment, tu ne choisirais pas d'être un dictateur meurtrier, tandis qu'un autre l'aurait choisi pour ensuite subir un karma atroce? Ça serait assez long de t'expliquer toutes les incongruités qu'une telle vision fait apparaitre. À mon avis, tu devrais tenter de les trouver par toi-même, si le cœur t'en dit.
L'important est ce qu'on pourrait faire maintenant pour diminuer la souffrance globale (dans ses formes connues, du moins).
Je ne serai jamais compréhensive envers un tueur, je lui ferais la peau avant qu'il ne m'approche, si j'en ai l'occasion. C'est un exemple excessif, mais c'est pour t'illustrer que dans cette vie il y a les prédateurs et il y a les autres. On ne peut protéger ou aimer tout le monde et encore moins pour le prétexte que ce tout le monde peut se retrouver n'importe où, dans un autre corps après sa mort.
Être altruisme ne veut pas forcément dire « aimer toute personne ». Aussi, la légitime défense est le gros bon sens. Tu dis : « jamais »? Qu'en sais-tu? Comprendre et approuver sont deux choses différentes.
Tout dictateur ayant causé la mort, tout violeur d'enfant, tout ce que tu voudras, peut bien brûler en enfer pendant 1 million d'années, ça ne me cause aucun souci.
En effet, c'est assez excessif. Ce n'est pas la question de toute façon. Si quelqu'un est très dangereux, il faut simplement l'éliminer, ou l'isoler et, si possible, l'aider à se réhabiliter. Il souffrira de toute façon à sa manière. Il ne s'agit pas d'être simplement gentil sans nuance, sans intelligence avec n'importe qui. Ça serait caricaturer ma vision.
Il y a des êtres qui souffrent sans comprendre pourquoi ils souffrent (même si la cause semble évidente pour quelqu'un d'autre) et continueront à souffrir, puisque la souffrance n'est pas une garantie d'évolution spirituelle. Des êtres intelligents n'auront pas nécessairement le besoin de souffrir pour être heureux et faire le bien autour d'eux. On peut à la limite voir une corrélation entre la souffrance et l'évolution spirituelle (si ça existe), mais aucunement un lien de cause à effet.
Bon, admettons que la souffrance (extrême/insupportable) est l'adversaire à combattre. Il faut se dire qu'il est possible de le vaincre (même si l'on n’en sait rien). Sinon, ça serait comme un abandon, un désespoir, voire une absurdité. Je crois que nous sommes d'accord sur ce principe. L'énoncé métaphysique disant qu'il n'y a qu'un seul univers (infini, complet, relié à lui-même) est, en un sens, une façon d'approuver ce principe disant qu'il est possible de vaincre cette souffrance. Mais, cette dernière remarque n'est pas si importante à mon avis, d'autant plus que je n'ai pas complètement expliqué comment/pourquoi j'établissais ce lien entre ce principe et l'affirmation de l'unité totale et absolue de l'univers.
Par contre, il ne faut pas sous-estimer l'adversaire (on reste toujours dans la métaphore, ici), au contraire. La vision occultisme n'est pas en accord avec ce principe (de ne pas sous-estimer l'adversaire). En effet, elle cherche plutôt à bêtement nous réconforter en nous faisant croire par exemple que nous avons dépassé le stade animal et donc qu'il est exclu qu'un certain « moi » coïncide avec une expérience de cochon, par exemple. Pourtant, rien ne permet d'affirmer l'impossibilité d'une expérience similaire (ou complètement différente). Si, en vieillissant, nous développons la maladie d'Alzheimer, nous ferons alors une expérience très différente de ce que nous sommes actuellement. Nous l'aurions choisi? Ben, voyons donc!
Le « moi » n'est pas séparé de son support matériel et de son milieu environnant. Tout est relié. Aussi, l'idée d'un sommeil éternel n'est également pas en accord avec le deuxième principe (de ne pas sous-estimer l'adversaire). En effet, la solution de la mort absolue est plutôt un réconfort en plusieurs aspects. C'est donc un pari risqué si notre façon d'agir dépend de cette croyance.
Pour aller plus loin dans la métaphore, supposons que la souffrance est représentée par le mauvais climat. La souffrance extrême pourrait être, admettons, une pluie de météorites (ou pire, peu importe). La solution consisterait à bâtir des abris adéquats pour tous. Ne pas sous-estimer l'adversaire serait alors le fait de construire un abri à l'épreuve d'extrêmes intempéries. La croyance en un sommeil éternel serait de ne pas construire d'abris (sauf si ça nous avantage à court terme). L'occultisme consisterait à construire un abri pas très sophistiqué qui nous protègerait seulement de quelques intempéries. En effet, celui-ci nous conduirait à croire qu'une pluie de météorites serait impossible.
Il y a finalement la voie plus fastidieuse, moins risquée, celle de construire un abri toujours plus grand et performant. Ce serait la croyance en un retour aléatoire. C'est la façon de ne pas sous-estimer l'adversaire. Le risque est d'avoir contribué à bâtir cet abri pour rien (soit il n'est pas prêt à temps, soit il n'y aura pas de pluie de météorites, soit l'univers est trop vaste pour retrouver une parcelle de ce que l'on a déjà bâti, etc.). Évidemment, le retour aléatoire est hautement spéculatif et, que ce soit vrai ou non, il faut aussi jouir de la vie (le plus souvent intelligemment autant que possible) lorsqu'on en a l'occasion. Sinon, on passerait l'éternité à s'oublier pour l'autre. C'est donc forcément une question d'équilibre entre notre bien-être actuel et celui de l'autre (qui serait potentiellement notre bien-être).
Aider l'autre, c'est comme un vote, une police d'assurance ou le fait de mettre de l'argent en banque avec fluctuation. (Attention, ça reste une métaphore.) C'est donc, en un sens, s'aider également. L'autre ne serait jamais complètement un autre. Il serait une partie de nous-mêmes (et, inversement). D'ailleurs, il est possible de recevoir dans une même vie certains fruits de notre attitude altruiste, mais, évidemment, il n'y a aucune garantie à ce retour d'ascenseur. Si l'occultisme promet une telle garantie, il sous-estime l'adversaire, il s'illusionne.
Par exemple, il serait insensé de construire un avion qui ne serait pas prêt à faire face à tout mauvais temps sous prétexte que la croyance en un trop grand mauvais temps ne serait pas réjouissante. Il est donc (grosso modo) sensé de considérer l'autre comme une partie de nous-mêmes, ce qui est exprimé en partie dans l'idée du retour aléatoire.
Il ne faut pas attendre une garantie/preuve de l'existence d'une telle intelligence/justice avant d'agir de façon bienveillante, mais plutôt d'agir de la sorte, puisqu'il est tout à fait possible que ce qu'on lègue de constructif et qui perdure en l'autre (et dans l'environnement) après notre vie actuelle puisse affecter éventuellement de manière positive notre autre « moi », si j'ose dire. Je t'explique longuement ce qui est pourtant d'une grande simplicité. Ce que l'on garde pour soi disparait à notre mort, et ce qu'on donne/partage continue de subsister en l'autre qui, lui, pourrait bien correspondre à « nous » (même si c'est peu probable, mais tout à fait possible, surtout dans l'éventualité qu'il y ait vraiment absolument quelque chose de transcendant/éternel/intemporel).
Cette bienveillance naturelle/intégrée/comprise et soutenue permettrait à long terme de diminuer la probabilité de vivre une souffrance extrême, puisque nous favoriserions un environnement plus sain pour notre prochain. C'est une façon (drastique/radicale) de s'approprier une responsabilité. Bon, je sens que je me répète exagérément, mais j'aimerais seulement que tu comprennes ce que j'essaie (et plusieurs autres essaient) de te dire.
Bref, je ne vois pas de meilleure façon philosophique de trouver un sens à la vie.
Cordialement.