Non Jean François, ma déception vient que vous n'avez donné aucun argument que je n'avais pas envisagé, raison pour laquelle j'étais venu ici...
Le flux de conscience n'a rien de magique, ni de nouveau. L'expression anglaise stream of consciousness vient de William James, le père de la psychologie américaine : ""Consciousness, then, does not appear to itself chopped up in bits. Such words as 'chain' or 'train' do not describe it fitly as it presents itself in the first instance. It is nothing jointed; it flows. A 'river' or a 'stream' are the metaphors by which it is most naturally described. In talking of it hereafter let us call it the stream of thought, of consciousness, or of subjective life."
C'est ce film intérieur que j'appelle le flux de conscience. Et d'après moi (et d'autres bien évidemment) ce flux, ce film présente deux aspect. Un aspect adventice, qui est l'image qui est projetée (que cette image soit visuelle, auditive, olfactive ou autre) et un aspect fondamental qui est l'écran sur lequel est projeté l'image. C'est cet aspect fondamental, cet écran qui permet que cela fasse quelque chose d'être, que je prétends exister depuis toujours (disons l'ère de Planck), au même titre que la matière, l'énergie ou l'espace temps. Les aspects adventices sont chez l'homme corrélés au substrat neuronal, mais pas l'aspect fondamental qui ne demande pas de cerveau, mais demande, d'après moi, la vie.
Evidemment les interrogations sont nombreuses et je ne prétends pas du tout avoir réponse à tout, bien au contraire. Il est cependant dommage que certains, vous en premier cher Jean François, vous ne sembliez pas voir que le physicalisme présente tout autant de questions insolubles.
Je ne partage pas le panpsychisme de Chalmers mais je suis assez d'accord avec ses propos qui suivent (
tirés de sa conférence Ted) :(désolé pour la traduction approximative de Ted)
" Je suis un scientifique matérialiste pur et dur. Je veux une théorie scientifique de la conscience, une théorie qui fonctionne, et pendant longtemps, je me suis frappé la tête contre le mur à chercher une théorie de la conscience en termes purement physiques qui fonctionnerait. Je suis finalement arrivé à la conclusion que ça ne marche pas pour des raisons systématiques. C'est une longue histoire, mais l'idée principale est qu'avec des explications purement réductionnistes, en termes physiques, basées sur le cerveau, on ne peut obtenir que des histoires sur le fonctionnement d'un système, sa structure, sa dynamique, les comportements qu'il produit. C'est parfait pour résoudre les problèmes simples : comment on se comporte, comment on fonctionne. Mais dès qu'il s'agit d'expériences subjectives : pourquoi semblent-elles venir de l'intérieur ? c'est fondamentalement différent, et ça demeure une question en suspens. Je pense donc que nous sommes là dans une impasse. On a cette merveilleuse chaîne d'explications dont on a l'habitude : la physique explique la chimie, la chimie explique la biologie, la biologie explique une partie de la psychologie. Mais la conscience ne semble pas avoir sa place dans ce schéma. D'un côté : c'est un fait, nous sommes conscients. De l'autre côté : on ne sait pas comment l'accorder avec notre approche scientifique du monde. Je pense donc que la conscience, aujourd'hui, est une sorte d'anomalie, une anomalie qu'on doit intégrer dans notre vision du monde, mais on ne sait pas encore comment. Face à une telle anomalie, il faut sans doute des idées radicales. Je crois qu'on a besoin d'une ou deux idées qui, à première vue, paraissent un peu folles, avant qu'on ne puisse aborder la conscience de façon scientifique. Et il y a bien sûr quelques propositions pour ces idées folles.
Mon ami Dan Dennett, ici présent, en a une. Son idée folle est qu'il n'y a pas de problème ardu de la conscience. Toute cette idée d'un film subjectif intérieur n'est qu'une espèce d'illusion ou de confusion. En fait, tout ce que nous avons à faire, c'est expliquer les fonctions objectives, les comportements du cerveau, et ainsi, nous aurons expliqué tout ce qu'il est nécessaire d'expliquer. Eh bien, donnons-lui plus de voix ! C'est le genre d'idée radicale que nous devons explorer si nous voulons une théorie de la conscience purement réductionniste, fondée sur le cerveau. Mais en même temps, pour moi et pour beaucoup d'autres, cette vision ramène un peu trop à simplement nier le fait de la conscience pour être satisfaisante. Je pars donc dans une autre direction.
Durant le temps qu'il me reste, je voudrais explorer deux idées folles qui me semblent prometteuses. La première idée folle est que la conscience est fondamentale. Les physiciens considèrent parfois certains aspects de l'univers comme des composant essentiel : l'espace, le temps, et la masse. Ils postulent des lois fondamentales qui les gouvernent, comme les lois de la gravitation ou de la mécanique quantique. Ces propriétés et ces lois fondamentales ne peuvent pas s'explique dans des termes plus basiques. Au contraire, elles sont considérées comme des primaires, et on construit le monde à partir d'elles. Mais, parfois, cette liste de fondamentales s'agrandit. Au 19ème siècle, Maxwell a découvert que l'on ne pouvait pas expliquer l'électromagnétisme avec les fondamentales de l'époque : l'espace, le temps, lamasse, les lois de Newton. Il a donc postulé les lois fondamentales de l'électromagnétisme et a proposé la charge électrique comme l'élément fondamental régi par ces lois. Je crois que nous en sommes au même point avec la conscience. Si on n'arrive pas à l'expliquer en termes des lois fondamentales existantes - espace, temps, masse, charge - logiquement, il faudrait donc agrandir la liste.
Il est alors naturel de postuler que la conscience elle-même est un composant fondamental, un élément essentiel de construction de la nature. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut plus l'étudier scientifiquement. Ça ouvre la voie à son étude scientifique. Ce que nous devons donc étudier sont les lois fondamentales qui gouvernent la conscience, les lois qui relient la conscience aux autres composants fondamentaux : l'espace, le temps, la masse, les phénomènes physiques. Les physiciens disent parfois que ces lois fondamentales doivent être suffisamment simples pour pouvoir être écrites sur un T-shirt. Et je crois qu'il en va de même pour la conscience. Nous voulons des lois fondamentales suffisamment simples pour qu'elles puissent tenir sur un T-shirt. Nous ne connaissons pas encore ces lois mais c'est ce que nous recherchons. "