Bonjour,
Je me suis récemment intéressé à la prophétie des soixante-dix semaines lors d'une discussion avec un croyant. Mes recherches sur le sujet m'ont mené à ce forum auquel j'aimerais maintenant contribuer. On m'avait lancé un défi semblable à celui dont il est présentement question (hormis quelques détails auxquels je ne m'attarderai pas afin de me concentrer sur la critique de ce qu'ont en commun les deux interprétations : prendre pour point de départ du calcul la vingtième année du règne d'Artaxerxès, qui correspondrait au moment où Néhémie reçut le décret ordonnant la reconstruction de Jérusalem).
Après vérification dans Néhémie, Jérémie et Esdras, je ne vois pas pourquoi les soixante-dix semaines devraient nécessairement commencer avec Néhémie, sinon parce qu'en partant de Néhémie l'échéance de la prophétie arrive durant la vie de Jésus, ce qui arrange ceux qui veulent qu'il en soit ainsi. Certes, on peut amener le texte dans cette direction en insistant sur la reconstruction des «places et remparts» (ou «fossés», «rues», «murailles», etc., selon la traduction) qui est mentionnée au passage, mais il ne s'agit pas de l'ordre de reconstruction en tant que tel (voir début du verset 25).
Les soixante-dix semaines ne commencent pas avec la reconstruction de la ville, mais avec la parole ordonnant sa reconstruction. Que cette dernière débute par le Temple est très logique dans la mesure où ce bâtiment est le coeur politico-religieux de la ville (elle-même centre politico-religieux du judaïsme), ce autour de quoi elle a été construite; dans le même ordre d'idées, il va de soi que les murailles ne vinrent qu'ensuite (surtout dans un contexte de reconstruction sous la domination d'un empire étranger). La maison vient avant la clôture, pas le contraire.
«[L]a place et le fossé seront rebâtis» entre le moment où l'ordre de reconstruction de Jérusalem fut donné et la venue d'un messie. Le fait de les inclure dans la phrase ne signifie pas qu'il faille tout baser là-dessus. Selon moi, cette mention des murailles reconstruites ne fait que préciser que la reconstruction de la ville sera terminée au moment de la venue dudit messie. À l'époque où se situe le narrateur du chapitre 9 du livre de Daniel, les Juifs ont été libérés de Babylone par le roi Cyrus, qui a facilité leur retour à Jérusalem pour la reconstruction du Temple. Après un si long voyage, il serait étonnant que les bâtisseurs se fussent installés ailleurs ou aient attendu qu'il y ait des murailles pour reconstruire la ville. De plus, de nombreux indices indiquent que la rédaction du texte date de l'époque hellénistique, où la persécution des Juifs fut, dans la forme qu'elle prit, semblable à celle qu'ils subirent à Babylone, ce qui donne tout son sens à l'écriture du livre de Daniel après coup et à cette époque précise, à des fins d'édification.
En guise de compléments :
- Notes du chapitre 9 du livre de Daniel + Introduction aux Prophètes (p. 1277-1278) dans la Bible de Jérusalem :
http://bibliotheque.editionsducerf.fr/p ... _livre.htm
- Notes du chapitre 9 du livre de Daniel dans la Nouvelle Bible Segond (p. 1108-1109) :
http://issuu.com/editionsbiblio/docs/nb ... doublePage
- Un fragment des
Pensées de Blaise Pascal où l'on parle de ce qui nous occupe ici :
http://www.penseesdepascal.fr/Prophetie ... oderne.php
P.-S. : Je suis partisan de la thèse d'Ernest Renan selon laquelle le contexte historique de la société juive était propice à l'avènement d'un messie autour de l'an zéro de notre ère où vécut possiblement celui qui devint le Christ pour des milliards d'êtres humains. Que d'ardents prosélytes se soient, par leur foi, donné raison en s'arrangeant pour que d'anciennes prophéties se réalisent n'aurait rien d'étonnant.
Cordialement,
David
«Le plus intelligent de tous, à mon avis, c'est celui qui au moins une fois par mois se traite lui-même d'imbécile, — aptitude de nos jours inouïe !» (Dostoïevski)