Raphaël a écrit :
1- Par rapport aux événements: c'est une valeur exprimant la relation entre le nombre d’occurrences de deux événements, dont l'un sert de référence (ex: je fais un pas pendant que ma montre fait deux tic-tacs).
2- Par rapport au temps chronologique: c'est la mesure de l'intervalle situé entre deux points de repères temporels (ex: intervalle entre deux heures et/ou deux dates).
La distance temporelle entre deux feuillets 3D de simultanéité (au lieu de deux évènements) possède effectivement une définition physique possible si l'on choisit, dans un espace-temps de la Relativité Générale donné, un référentiel :
- possédant un feuilletage en hyperplans tangents de simultanéité intégrable en feuillets 3D de simultanéité
.
- si le temps propre séparant ces feuillets 3D de simultanéité est le même pour tous les observateurs au repos dans ce référentiel.
C'est le cas notamment :
- pour le référentiel comobile des espace-temps de Friedmann-Lemaître (c'est d'ailleurs le choix retenu pour attribuer un age à un univers modélisé par ce type d'espace-temps très simple)
.
- pour le référentiel inertiel immobile de l'espace-temps statique hypertorique,
.
- pour le référentiel privilégié de l'espace-temps d'Aristote muni, après qu'on l'ait défini, des transformations de Lorentz complétant son groupe de symétrie (le groupe d'Aristote, un sous-groupe à 7 paramètres du groupe de Poincaré).
.
- pour le référentiel de Lemaître dans un espace-temps de Schwarzschild (pour le référentiel de Schwarzschild, on peut prendre comme référence la mesure du temps par les observateurs situés loins de la singularité qui se trouvent être aussi des observateurs de Lemaître, les autres observateurs au repos dans l'espace-temps de Schwarzschild vieillissent d'autant moins vite qu'ils sont proches de la sphère de Schwarzschild, si bien que leur écoulement du temps ne peut pas servir de "référence universelle" aux autres observateurs du référentiel de Schwarzschild)
Raphaël a écrit :Certains physiciens comme
Marc Lachieze-Rey pensent que la relativité des durées et de la simultanéité prouvent que la datation réelle est impossible.
Toute la question est de préciser ce que l'on entend par datation "réelle". La notion de datation est relative à un feuilletage de l'espace-temps considéré en feuillets 3D de simultanéité (dans les espace-temps où existe un tel découpage) et encore faut-il que la durée propre séparant ces feuillets de simultanéité soit la même pour tous les observateurs du référentiel (pseudo)orthogonal à ce feuilletage (ou qu'il soit naturel de privilégier un observateur ou encore une classe d'observateurs de ce référentiel).
Dans l'espace-temps de Minkowski ce n'est pas possible. En effet, tous les référentiels inertiels (et leur chronologie associée) y sont équivalents.
Dans les espace-temps cités ci-dessus au contraire (espace-temps de Schwarzschild, espace-temps de Friedmann, espace-temps statique hypertorique) un temps universel, associé à un référentiel privilégié, se dégage naturellement.
Il y existe en effet dans ces espace-temps un référentiel :
- chute libre,
- possédant un feuilletage 3D intégrable en feuillets 3D de simultanéité,
- ces feuillets étant séparés par un temps propre identique pour tous les observateurs au repos dans ce référentiel.
On peut bien sûr imaginer qu'il puisse y avoir, sans recours à un référentiel privilégié induit par la gravitation, une datation universelle privilégiée (un éther donc) dans notre espace-temps (en violation de l'invariance locale de Lorentz). Toutefois, à ce jour, rien ne permet d'identifier le référentiel privilégié violant localement l'invariance de Lorentz. On ne peut, en effet, pas se servir de la mesure quantique sur des systèmes formés de parties EPR corrélées pour transmettre instantanément un signal qui servirait à définir une simultanéité absolue (cf. le no-communication theorem découlant directement, en fait, de l'impossibilité (actuelle ?) de mesurer la fonction d'onde d'un système individuel).
Cette violation d'invariance locale de Lorentz intervient, par exemple (uniquement au niveau interprétatif, au moins à ce jour) quand on adopte à la fois :
- une interprétation réaliste de la fonction d'onde (l'idée selon laquelle la fonction d'onde serait, par exemple, un champ physique objectif indépendant de l'information maximale détenable par une classe d'observateurs)
.
ET
.
- une interprétation réaliste du principe de causalité attribué à l'effet d'une mesure de polarisation du "photon d'Alice" sur la polarisation du "photon de Bob".
Il s'agit de l'interprétation de la fonction d'onde et de la réduction du paquet d'onde, dite réaliste, selon laquelle :
- l'irréversibilité de la mesure quantique d'une des deux parties d'un système formé de deux parties EPR corrélées,
.
- le caractère intersubjectif (supposé) de la réduction du paquet d'onde induite par cette mesure,
.
- ainsi qu'un principe de causalité objectif supposé (entre la mesure de polarisation du photon d'Alice et son effet sur la polarisation du photon de Bob), indépendant du mouvement de l'observateur,
seraient respectés.
Cela dit, les points que je signale ci-dessus ne posent pas de problème particulier. Ils sont bien connus. Certains physiciens (peu nombreux) s'accrochent à l'interprétation dite réaliste de la fonction d'onde, de sa réduction ET du principe de causalité appliqué à l'effet non local d'une mesure quantique sur un système distant mais EPR corrélé au système mesuré. On sait qu'il s'agit là d'une intime conviction dont à ce jour on n'a aucune preuve (une conviction à caractère métaphysique donc, ce qui ne signifie pas obligatoirement qu'elle soit fausse).
Pour ma part, j'ai fini par lâcher l'attribution d'un caractère fondamental à l'écoulement irréversible du temps et au principe de causalité (hypothèse que visait à protéger la construction des transformations de Lorentz dans le cadre de l'espace-temps d'Aristote, cf.
Special Relativity and possible Lorentz violations consistently coexist in Aristotle space-time) pour adopter au contraire l'idée selon laquelle la symétrie T présenterait un caractère plus fondamental que le principe de causalité (bien que la symétrie T soit, il faut quand même le signaler, violée par l'interaction faible).
En effet, la symétrie T :
- d'une part prend le pas sur la causalité (statistiquement et au niveau interprétatif) par l'effet des mesures dites fortes sur des mesures faibles antérieures (cf. Can a Future Choice Affect a Past Measurement's Outcome?). Il paraît donc moins légitime de chercher à tout prix à protéger le principe de causalité à un niveau inobservable "directement" où rien ne nous prouve qu'il ait cours (et où tout suggère au contraire qu'il s'agit d'une projection anthropocentrique de notre conception d'observateur macroscopique et de la notion d'écoulement du temps émergeant à notre échelle d'observation à un niveau où, au contraire, les notions macroscopiques statistiques qui nous sont si familières, n'ont pas obligatoirement cours).
.
- d'autre part permet de résoudre le problème de l'origine de l'inertie (cf. THE ORIGIN OF INERTIA, 1998, James F. Woodward),
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- permet, par ailleurs, une modélisation cohérente de la réaction de radiation (cf. RADIATION REACTION, même auteur, même date),
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- donne lieu à la possibilité d'une modélisation time-symmetric de l'électromagnétisme (cf. Wheeler–Feynman absorber theory) abandonnée (un peu vite ?) par Feynman car certains rayonnements sont émis et jamais absorbés. Ce problème est peut-être surmontable, après tout, si on revient à l'idée que le vide pourrait être un milieu de propagation des ondes quantiques, un éther, dans lequel les photons se déplacent par émissions-absorptions successives comme dans n'importe quel milieu, auquel cas on retrouve peut-être, malgré tout, une notion de référentiel privilégié.)
Là où il y a encore discussion c'est sur l'interprétation de l'écoulement irréversible du temps et la façon de faire émerger le concept d'un écoulement privilégié du temps requis en physique quantique sans violer pour autant la covariance relativiste. Une solution proposée par A. Connes, C. Rovelli et P. Martinetti (je suis curieux de savoir qui aurait une meilleure idée) c'est de faire émerger l'écoulement du temps :
- des propriétés de non commutativité (modélisant les inégalités de Heisenberg, autrement dit les limitations d'accès à l'information de l'observateur et, en particulier, son impossibilité de mesurer la fonction d'onde)
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- de l'algèbre des observables locales,
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- sur le diamant de Lorentz d'un "observateur" de durée de vie finie,
.
- dans l'espace-temps de Minkowski.
(Le diamant de Lorentz de l'observateur est l'intersection entre le cône de futur de sa naissance et le cône de passé de sa mort)
Un point intéressant dans cette approche, entre autres, c'est le fait que l'effet Unruh (notamment la température), associé à un référentiel accéléré dans un espace-temps plat, vide et statique est retrouvée par la même démarche à base mathématique assez élaborée (mais ça ne me gène pas car ces concepts mathématiques modélisent bien les effets physiques. Ce qui déroute, au moins au début, c'est le fait que, dans cette démarche, le flot du temps dans l'espace de phase d'un système donné émerge d'un état d'équilibre. Ça n'est pas tout de suite intuitif).