Dany a écrit : 14 mai 2018, 12:43Mais peut-on échanger des informations "classiquement" ? C'est juste une facilité de langage qui prête à confusion (du moins dans ce cadre de discussion).
La distinction la plus marquante entre information quantique et information classique (c'est très résumé et donc forcément très incomplet) repose sur le fait que l'information classique s'échange par bits (dits encore bits classiques) alors que l'information quantique est échangée par qubits (dits encore bits quantiques).
- L'état d'un bit classique est défini par la donnée de sa valeur qui ne peut être que 0 ou 1,
- l'état d'un bit quantique est défini par la donnée d'un point sur la sphère de Poincaré (encore appelée sphère de Bloch).
En particulier, quand on mesure un qubit, on le mesure
suivant une direction que l'on est libre de choisir.
- Comme un bit classique, un qubit ne peut prendre que deux valeurs,
- mais, contrairement au cas d'un bit classique, on a le choix de la direction de mesure.
Tant que l'on a pas fait de mesure suivant une direction donnée, un qubit est dans un état superposé vis à vis de toutes les directions de mesure autres que l'unique direction passant par son état quantique (un point sur la sphère de Poincaré).
Pour plus de détail sur les considérations d'information quantique versus information quantique, cf.
Quantum Computation and Quantum Information, Michael A. Nielsen & Isaac L. Chuang, 10th Anniversary Edition
Dany a écrit : 14 mai 2018, 12:43L'information sans communication n'existerait pas.
J'aurais plutôt dit : la réalité sans information (impliquant son recueil, son enregistrement irréversible, son traitement et son échange) n'existerait (peut-être) pas.
Mais bon, les notions de réalité et d'existence sont à peu près aussi faciles à cerner que la notion de conscience...
Et que dire d'une information qualifiée de fausse ? Qu'elle représente incorrectement la réalité ? Mézalor, la réalité est donc distincte de l'information qui la caractérise ? La carte est distincte du territoire ? Bref, quand on part là-dedans on n'est pas sorti de l'auberge (donc mieux vaut ne pas y entrer).
ABC a écrit :Mezalor ? Il a lieu quand cet instant magique où la subjectivité "état quantique détenu par Alice/état quantique détenu par Bob" s'efface pour laisser place à l'intersubjectivité ? Quand ils confrontent leurs résultats.
Voui, mais ça se produit après la mesure d'Alice et la mesure de Bob, quand Bob et Alice confrontent leurs résultats d'observation...
...et du coup, sur la ligne d'univers de Bob par exemple, l'action de mesure d'Alice, une action qui précède cette confrontation, se met à avoir un effet sur l'état quantique du photon de Bob dans le passé par rapport au moment où il reçoit cette information. Bref, cette information modifie l'état quantique passé de la paire de photons sur la ligne d'univers de Bob. Voilà une interprétation qui donne du crédit à l'interprétation rétrocausale de l'effet EPR proposée par Aharonov, Vaidman et un bon pool de physiciens partageant leur point de vue...
Dany a écrit : 14 mai 2018, 12:43Ce qui est amusant avec ce point de vue, c'est que la chaîne causale déterministe n'émergerait pas seulement du passé (du Big Bang, comme dans le version classique de Laplace); mais aussi du futur, notre ligne d'univers commune à nous tous dépendant de la "communication ultime".
C'est tout à fait ça. Cf.
Can a Future Choice Affect a Past Measurement's Outcome? Yakir Aharonov, Eliahu Cohen, Avshalom C. Elitzur.
Voir aussi :
L'effet Hartman semble violer la vitesse maximale de propagation des interactions. C'est un sujet suscitant toujours de vifs débats (cf.
Tunneling time, the Hartman effect, and superluminality: A proposed resolution of an old paradox, Herbert G. Winful, 2006) au plan de l'interprétation mais plus, par contre, au plan des faits d'observation eux mêmes (cf.
Tunneling Times and Superluminality: a Tutorial, Raymond Y. Chiao, (Nov 1998).
L'effet Hartman (franchissement d'une barrière de potentiel à vitesse supraluminique par effet tunnel) peut s'interpréter comme respectant l'invariance de Lorentz mais au prix de son interprétation comme une violation du principe de causalité.
A nouveau, voilà que pointe le bout de son nez la difficile distinction entre réalité et information accessible sur cette réalité, autrement dit entre réalité et réalité
observable (distinction sans objet du point de vue positiviste à l'inverse du point de vue réaliste admettant, au contraire, l'
existence d'une réalité unique, indépendante de l'observation et de l'observateur... ...et donc une réalité pas nécessairement systématiquement observable au sens scientifique comme c'est le cas, par exemple, pour des évènements séparés de l'observateur par un intervalle de type espace ou situés dans son cône de futur).
On constate des effets dont l'interprétation la moins difficile à concilier avec les principes actuellement les mieux acceptés de notre physique (1) consiste à les considérer comme dus à des causes en provenance du futur agissant sur les effets observés. C'est du moins le point de vue d'un petit nombre de physiciens... ...mais des physiciens de premier plan tels
qu'Aharonov et Vaidman notamment et au moins une bonne trentaine d'autres physiciens réputés, favorables eux aussi à l'interprétation rétrocausale de la symétrie T. Il s'agit du point de vue interprétatif de la symétrie T selon lequel les faits observés à un instant donné résulteraient d'interférences constructives entre chemins d'espace-temps provenant du passé Et chemins d'espace-temps provenant du futur...
...Mais, nous ne disposons pas pour autant (à ce jour) de possibilité reproductible de nous servir d'effets rétrocausaux supposés pour modifier le passé de façon contrôlée ou pour recueillir des informations sur le futur qui seraient de trop bonne qualité pour pouvoir être interprétées comme de simples prédictions. Le hasard quantique sauve la causalité relativiste. A cause d'un hasard quantique incontrôlable par l'observateur, nous ne pouvons pas recueillir d'information classique en provenance du futur, ni d'information classique en provenance d'évènements séparés par des intervalles de type espace. Bref, le futur d'Alice et ce qui se passe chez Bob du point de vue d'Alice à l'instant présent pour elle n'existe pas encore.
Selon l'interprétation rétrocausale de l'effet EPR proposée par Aharanov, Tollaksen, Vaidman... et quelques autres grands noms de notre physique d'aujourd'hui, l'action mesure d'Alice/création de la paire de photons EPR corrélés (création située dans le passé de la mesure d'Alice) propage son effet à rebrousse-temps sur son photon, photon qui remonte de l'instant présent (l'instant auquel Alice réalise sa mesure) vers l'instant de création de la paire de photons EPR corrélés. Cet effet est alors récupéré par le photon jumeau qui se met dans un état de polarisation cohérent avec l'état de polarisation qui va être pris par le photon d'Alice (photon d'alice reparti lui aussi vers Alice dans le bon sens d'écoulement du temps). Le photon de Bob voyage alors (dans le sens normal d'écoulement du temps cette fois) en direction de Bob dans un état cohérent avec l'état de polarisation qui sera pris un peu plus tard par le photon EPR corrélé d'Alice.
Voilà ce qui permet (dans cette interprétation rétrocausale) d'assurer l'intersubjectivité entre résultats d'observation d'Alice et résultats d'observation de Bob quand ils confrontent leur résultats (un peu mind boggling quand même).
Au contraire, si l'on se base sur l'interprétation la plus courante de la Relativité Restreinte, chacun des deux observateurs a sa propre fonction d'onde pour représenter une paire de photons EPR corrélés. Pourquoi une telle (apparente ?) absurdité ? Parce que quand un seul des observateurs, Alice ou Bob, fait une mesure de polarisation de son côté,
la paire de photons change d'état quantique du côté où la mesure est réalisée
mais ne change pas de l'autre côté. Selon le point de vue positiviste, ce que fait Bob de son côté à l'instant présent d'Alice, n'existe pas encore (pour Alice) à cet instant puisque Alice ne peut pas l'observer. La réalité d'Alice (rajouter le qualificatif d'observable serait un pléonasme d'un point de vue positiviste) est donc distincte de la réalité de Bob quand Alice et Bob sont géographiquement séparés.
Quand on préfère croire qu'il existe au contraire
une réalité unique indépendante de l'observateur, et qu'en plus il y a respect de la causalité, l'effet de la mesure d'Alice sur le photon de Bob est un effet réel... ...donc il y a action instantanée à distance de la mesure d'Alice sur l'état quantique du photon de Bob
en violation de l'invariance de Lorentz. Un tel point de vue réaliste implique donc l'existence d'un référentiel quantique privilégié un peu caché.
Nous voilà donc retombés dans
l'interprétation lorentzienne de la Relativité Restreinte comme proposé par les De Broglie, Bohm, Bell, Scarani, Valentini, Percival, Popper, Bricmont, Goldstein et quelques autres physiciens moins connus (2). La causalité et l'interprétation réaliste de la fonction d'onde sont alors, certes, respectées mais ça se paye par une interprétation de l'effet EPR comme une action instantanée à distance.
L'invariance de Lorentz s'interprète alors comme une émergence thermodynamique statistique.
La goutte d'eau qui m'a amené à (petit à petit) par accorder moins de crédit à une interprétation de l'effet EPR réaliste ET respectueuse de la causalité (en violation de l'invariance de Lorentz au niveau interprétatif) et à envisager, au contraire, l'interprétation rétrocausale de l'effet EPR, c'est l'effet Hartman. Plus précisément, il s'agit de la possibilité de la modélisation T-symétrique de cet effet combinée au
lien mathématique entre caractère négatif de l'énergie cinétique d'une particule traversant, par effet tunnel, une barrière de potentiel et inversion du temps (cf. Structure of Dynamical Systems, a symplectic view of physics, JM Souriau, § 14 A mechanistic description of elementary particles, inversion of space and time).
(1) au même titre qu'il est plus naturel de considérer que c'est la terre qui tourne autour du soleil, et non l'inverse, parce que
les équations ont une forme bien plus simple quand on les écrit dans un référentiel où c'est la terre qui tourne autour du soleil.
(2) Dommage que richard ait eu des compétences aussi limitées en physique et en mathématiques. On aurait pu discuter un peu plus sérieusement de l'interprétation réaliste de la fonction d'onde et de la possibilité, débattable mais mathématiquement correcte, de réintroduire un référentiel privilégié (donc, horreur, un temps absolu) en vue de sauver une interprétation réaliste de la physique (notamment une interprétation réaliste de la fonction d'onde vue comme la représentation d'un objet physique et non seulement comme la seule connaissance d'un observateur comme le pensent les positivistes). Le point de vue réaliste correspond à l'hypothèse métaphysique selon laquelle il existerait
une réalité unique, identique pour tous les observateurs, et non pas seulement, intersubjectivité, c'est à dire cohérence entre observations de ces différents observateurs dès lors qu'ils confrontent leurs résultats d'observation (ce n'est pas la même chose si l'on admet que la carte est distincte du territoire).