Florence a écrit : 07 août 2023, 11:03
Nagasaki a été le gros coup de massue qui a permis à la faction réaliste de prendre le dessus et de permettre à Hiro-Hito de diffuser son message de reddition sans se faire assassiner, et même son message a mis plusieurs jours avant d'être entendu, compris et accepté.
Cette affirmation semble contredire la source de Dominique18, en ce que cette dernière défend l'idée que le principal
(voire unique) déterminant de l'événement fut l'invasion de la Mandchourie par l'URSS.
Cependant, je me permets de jeter l'ombre d'un doute sur cette thèse. Son argument principal est le fait (avéré) que la bombe atomique n'ayant pas un pouvoir destructeur supérieur à celui des bombardements incendiaires des B-29 qui détruisirent plus d'une soixantaine de villes majeures au Japon, son utilisation n'aurait su amener le gouvernement dans son ensemble
(et déjà divisé de façon très polarisée) à reconsidérer sa position quand à la cessation de la guerre. Une justification secondaire repose sur le fait (avancé) que la nature et l'impact exacts de la bombe étaient encore indéterminés au moment de la reddition japonaise. Par ailleurs, il argue que la bombe n'a, dans le discours officiel à l'armée qui marque la fin de la guerre, pas été utilisée comme justification de la reddition, ce qui implique que son pouvoir de persuation était, auprès de ce corps, négligeable.
Ces assertions sont cependant démenties par
cet article (source japonaise) dont voici quelques passages :
Togo was resorting to the time-honored device of making the most of "external pressure" - the atomic bomb - to counter the army, which was adamant for a "decisive battle on the homeland" against an American invasion. In a line of argument that was to be repeated by the peace party, Togo reasoned that "the introduction of a new weapon, which had drastically altered the whole military situation, offered the military ample grounds for ending the war."
Durant l'audience avec l'empereur en présence du "groupe des six" :
Then, in an act unprecedented in modern Japanese history, the prime minister stepped up to the emperor's seat, bowed deeply, and submitted the matter for an imperial decision. Hirohito saw that only his direct intervention could save the situation. Breaking his customary silence, he made the "sacred decision." Speaking with emotion but in a quiet tone of voice, Hirohito said he agreed with Togo, ruling that the Potsdam terms be accepted. "Especially since the appearance of the atomic bomb," he said, continuation of war spelled needless suffering for his subjects and Japan's ruin as a nation.
In a postwar interview (in November 1945), Kido explained the decision to surrender in the following words: "The feeling that the emperor and I had about the atomic bombing was that the psychological moment we had long waited for had finally arrived to resolutely carry out the termination of the war.... We felt that if we took the occasion and utilized the psychological shock of the bomb to follow through, we might perhaps succeed in ending the war"
Il ressort de ma lecture que, bien que les bombardements atomiques n'aient pas suffi, à eux seuls, à convaincre la faction belliciste de se rendre aux conditions de Postdam, ils fournirent un poids non négligeable au clan des "réalistes" pour pousser les militaires à reconnaître l'inanité de la poursuite guerrière. La bombe n'a certes pas eu d'impact direct sur la position de l'empereur ni des militaires, mais elle a cependant ébranlé la capacité des hauts gradés à avancer des arguments convaincants face à leurs pairs. Le fait que ces derniers, Anami en tête, aient eu à l'esprit que la destruction totale du Japon constituerait une issue honorable à la crise n'est pas, à mon sens, un argument en défaveur de cette conclusion - car ils ont, dans la réalité, fini par se rendre à l'évidence, ce qui démontre qu'ils étaient capables d'un raisonnement prenant en compte l'évolution de la situation (politique et nationale) - que la bombe, à la lecture de ces sources, a très probablement influencé.
L'alternative aux bombardement atomiques aurait été
(semble-t-il et d'après ma compréhension du sujet) l'attente et la poursuite du blocus, ce qui aurait fait courir le risque d'une avancée soviétique sur les îles du nord (et d'une issue semblable à celle que connut l'Allemagne). Par ailleurs, rien ne permet de déterminer le moment où les militaires auraient enfin accepté la reddition, ce qui fait planer le spectre de la famine et de dommages encore plus importants infligés à la population civile.
En revanche, les bombardements au napalm des grandes villes japonaies (qui ont causé, au total, bien plus de morts que l'atome) me paraissent moins justifiés, dans le sens où les capacités de production militaire étaient déjà extrêmement réduites du fait de l'embargo sur les matières premières, et où le Haut Conseil de guerre n'entrevit absolument pas la nécessité de la reddition à la lumière des souffrances civiles ainsi provoquées. (Je ne connais cependant pas l'impact véritable qu'ont eues ces actions sur les décisions de chaque partie impliquée, aussi cet avis est-il hautement spéculatif.)