Salut Mireille!
En te lisant (et en lisant les commentaires de dedale), j'ai eu envie de m'ouvrir à toi (et inévitablement à d'autres bien sûr).
Je considère que j'ai eu des parents adeptes d'ésotérisme (ils semblent ne plus vraiment l'être aujourd'hui, enfin je l'espère), mais sans être trop engagés sérieusement. Je dirais qu'ils étaient axés sur une certaine spiritualité populaire dans leur manière de penser la vie et les questions existentielles. Pour eux, la réincarnation était une évidence. Durant mon adolescence, j'ai été en quelque sorte encouragé à lire, par exemple, quelques oeuvres D' Omraam Mikhael Aivanhov, de Lobsang Rampa et d'autres que j'ai heureusement oubliées.
J'étais, en quelque sorte, à la même époque, tourmenté par un besoin de trouver des réponses satisfaisantes aux questions existentielles de la vie. En même temps, étant toujours largement insatisfait des réponses qui m'étaient données de lire, heureusement, je m'efforçais à développer mon esprit artistique, philosophique, critique, logique et mathématique.
J'ai aussi découvert J. Krishnamurti dans un petit magasin vendant en grande partie des livres ésotériques. J'ai trouvé que c'était assez paradoxal et drôle en même temps, car, à la connaissance de ses oeuvres, je me suis aperçu qu'il n'avait rien d'ésotérique, bien au contraire. (Il n'a d'ésotérique que le nom.) En m'informant aussi sur sa vie tout de même très surprenante à mes yeux, j'ai trouvé qu'il était plutôt antithéiste, sociologue et prônant le scepticisme. Ça m'a rejoint immédiatement.
Il a par ailleurs probablement contribué à la pratique de ce qui est parfois appelé « la pleine conscience » dans le cadre de thérapies cognitives. Même si je ne suis pas en accord avec tous ses propos, il a aidé à mettre un point final et définitif sur mon aventure à saveur ésotérique. Plus tard, j'ai finalement mis un terme à la plus grande part de mon aventure philosophique (que j'ai d'ailleurs très sommairement synthétisé dans le blogue que je t'ai proposé il y a déjà quelques mois). J'ai pu enfin me libérer de ces questions « indécidables », mais au prix de beaucoup d'énergie et surtout d'une trop grande période de temps à défoncer des portes ouvertes.
C'était probablement par prétention, par paresse, par refus d'affronter la réalité ou par excès de confiance que j'ai voulu trouver les réponses uniquement par moi-même. Je me rends compte aujourd'hui (comme BeetleJuice nous incite souvent, et avec raison, à le faire) que j'aurais vraiment dû y mettre plus de recherche et d'effort de lecture avant de me lancer dans des réflexions assez lourdes et sans fin, et ce, même si mon souci de rigueur et de logique ne m'a jamais fait défaut.
Je t'avoue que j'aime cette pensée métaphysique de dire que « tout est relié » (directement ou indirectement), qu'il y a, au sens psychologique, une partie de moi en l'autre et vice-versa. Cette pensée qui, pour moi, donne un sens profond et suffisant à la vie, est peut-être en partie un produit de mon aventure ésotérique ou philosophique, je ne le sais pas, mais elle m'apparait très importante malgré tout.
En effet, je crois possible à la plupart des humains (ça commence souvent par une bonne éducation au sens large du terme) de pouvoir être libre de bien des conditionnements, en particulier ceux liés à une religion quelconque, un idéal à atteindre sans égard à ce qui se passe... Bref, pouvoir aussi avoir un esprit non pollué par des préjugés.
Il s'agit en particulier de ne pas confondre croyance et fait. Ç'a l'air banal dit comme cela, mais je peux t'assurer que la plupart d'entre nous (y compris ceux qui se proclament sceptiques) peuvent tomber dans ce piège sans s'en apercevoir. Je trouve qu'il en ressort un impératif d'être dans une attention constante, dans une compréhension soutenue et profonde de ce qui nous entoure et de nous même. Par exemple, il est vrai qu'on ne peut pas prouver que, fondamentalement, l'univers puisse être en lui-même une sorte d'intelligence créative. Remarquons qu'on ne peut pas prouver le contraire également.
Évidemment, nos connaissances objectives demeurent limitées par la condition humaine, mais elles sont néanmoins incomparablement plus fiables et plus utiles que n'importe quelle « théorie » ésotérique ou même spirituelle. Pour ce qui est du sens de la vie, il suffirait d'aider naturellement l'autre (et, respectivement, soi-même) dans sa responsabilisation, par une compréhension non abstraite que nous ne sommes pas totalement (voire pas du tout) disjoint de ce et ceux qui nous entourent. À un certain moment, il faut être sa propre lumière. Une éducation globale, entière, approfondie et surtout sans faille logique est un projet de société qui, je crois, permet à une telle autonomie d'éclore.
Personnellement, je me sens responsable d'encourager une pensée saine, logique et véhiculant un minimum de connaissance objective. J'ai décidé de croire que la conscience (j'évite le terme « âme », car je le considère trop vague en soi) en tant que sensibilité intrinsèque, en tant que ce qui permet la distinction entre le néant et le fait qu'il y ait quelque chose, soit quelque chose d'immortel, c'est-à-dire quelque chose d'intemporel, si j'ose dire. Ça peut aider à sentir un sens profond de l'humilité, mais aussi un sens profond de la responsabilité. Il y aurait une tâche infinie à accomplir dans un temps infini.
Par contre, lorsque je dis que la conscience ne meure pas, ce n'est pas « ma » conscience liée à mon corps et mon vécu qui ne meure pas, mais plutôt « la » conscience en tant que telle, ce qui n'est pas nécessairement une bonne nouvelle. C'est dans cet « espace » dénué de temps linéaire qu'il y a, selon moi, la possibilité logique de voir la conscience de l'autre comme une partie de notre conscience, même si, la plupart du temps, elle est évidemment très différente de la nôtre.
On peut donc voir une importance intrinsèque à la responsabilisation et la garder naturellement à l'esprit, mais il n'est toujours pas possible d'en tirer des règles éthiques concrètes, universelles et définitives. Au mieux, mais ce n'est pas rien, on peut y voir une tendance : s'entraider avec une conscience de l'humanité de l'autre (l'altruisme) augmenterait la probabilité de vivre dans un monde plus sain, plus équilibré et moins souffrant dans son extrême. Cependant, en considérant un temps infini, même cette tendance devient incertaine, bien qu'il n’y ait rien d'autre de mieux à faire que de concrétiser des solutions ou de voir qu'il est possible de trouver des (ou être des) solutions concrètes à des problèmes concrets sans faire intervenir des croyances (religieuses) simplement réconfortantes.
Pour imager très grossièrement mon propos, je pourrais dire : « Je serai, tôt ou tard, avant ou après ma mort, la conscience d'une situation semblable à l'autre personne que j'ai aidée ou à laquelle j'ai nui “en toute connaissance de cause”. En ce sens, et seulement en ce sens, la croyance en l'immortalité de l'âme ne me semble pas irrationnelle. Et, inversement, la croyance de l'apparition du néant absolu après notre mort m'apparait comme une erreur en tant que mesure du risque/bénéfice, comme un pari beaucoup trop risqué, pouvant même devenir une justification (philosophique ou psychologique) inconsciente paraissant suffisamment logique et cohérente pour donner libre cours aux passions de l'esprit tordu, du psychopathe extrême qui chosifie l'être conscient.
Toute grande élaboration métaphysique de la notion d'âme (en particulier l'âme individuelle) ou de soi-disant spiritualité m'apparait clairement comme une fuite, une échappatoire devant l'urgence de la compréhension soutenue et de l'action (ou l'inaction) juste à entreprendre, ici et maintenant. En résumé, il existerait logiquement un équilibre entre notre bien-être et celui de l'autre.
Ici, pourquoi chercher plus loin? C'est trop simple?
Je m'arrête là!
