Salut Yquemener!
Tu sembles être assez convaincu du bien-fondé de tes raisonnements et de tes arguments. J'aimerais bien l'être autant et entrevoir une réelle solution à la compréhension raisonnablement complète de la conscience et de l'intelligence, mais je n'y arrive tout simplement pas. J'ai plutôt l'impression, du fait de son caractère constamment limité, de sa condition, que l'humain n'a pas les capacités de pouvoir comprendre définitivement la conscience et l'intelligence qui changent constamment.
Cependant, toute recherche scientifique en lien avec l'étude du cerveau et des capacités cognitives doit évidemment être encouragée pour elle-même, sans besoin d'un stimulus tel la récompense d'avoir trouvé la solution définitive au problème de la conscience, par exemple. BeetleJuice (à sa manière) l'a très bien exprimé.
BeetleJuice a écrit :Est-ce que sans l'objectif d'un alunissage ont aurait si vite progressé dans le domaine des fusées permettant d'emporter du matériel, dans le domaine des sondes, dans le domaine de l'informatique embarqué?
Il suffirait d'imaginer un défi comme élément déclencheur. Ensuite, réussir le défi comme tel n'est pas si important. C'est l'état d'esprit de celui qui cherche vraiment et honnêtement une solution qui importe (et les moyens qu'on lui donne, évidemment). Il existe, heureusement, des gens de rigueur qui aiment simplement construire des choses, imaginer des solutions pour le plaisir même de la découverte. C'est justement ce qui manque à l'humanité. Son plaisir est encore beaucoup trop égocentrique et orienté. À mon avis, ces chercheurs n'ont pas besoin d'être constamment poussés dans le dos par un gouvernement avide d'être en avance technologiquement, par exemple. La compétition n'est pas forcément bonne. La coopération (internationale, par exemple) est souvent avantageuse à long terme.
BeetleJuice a écrit :Ce n’est sans doute pas totalement vérifiable, mais comme le dit justement l'homme interviewé, il a vu des chercheurs faire des découvertes intéressantes au moment où ils s'éloignent de la recherche sur l'IA. Est-ce qu'ils auraient fait ses découvertes s'ils n'avaient pas d'abord buté dans le mur de l'IA pour en tirer quelque chose?
C'est principalement sa sensibilité, son questionnement soutenu et ses qualités d'esprit qui lui permettent de faire des découvertes majeures, le domaine étant plutôt secondaire.
Yquemener a écrit :Il y a quelques années, j'avais un mug sur lequel j'avais dessiné un mug et écrit "Je suis un mug". Selon certaines définitions j'ai donc créé quelque chose de conscient.
Intéressant (même si je n'y crois pas)! Indirectement, je trouve que ça pose le problème des limites (frontières spatio-temporelles) de la conscience, de la possibilité d'une conscience collective ou transmissible. Comme si projeter l'expression de notre conscience incitait à faire grandir, élargir la conscience, comme si elle n'était pas seulement « dans » nos cerveaux.
C'est sûr que prendre pour axiome une chose dont l'existence n'est pas avérée et dont la définition est vague te garantit de générer tout un système de croyances bien mystérieux!
Ça dépend ce que tu entends par « existence ». La conscience, le fait de ressentir, on ne peut pas dire que ça n'existe pas d'une manière fondamentale. Par contre, une chose qui me semble utile est d'établir des corrélations entre les états physiques et mentaux. La conscience devient alors immédiatement confondue avec sa façon d'être consciente. C'est déjà beaucoup plus scientifique.
Et moi je crois que c'est à cause du désir insatiable d'une explication dualiste qui donne un espoir d'une vie après la mort.
J'espère que tu as tort sur ce point, car ce serait assez désolant de voir une élite intellectuelle succomber à un tel désir qui n'a plus aucun rapport avec la recherche. Pourrait-on dire que la mort (en un sens) n'existe simplement pas? Que ce n'est qu'un changement très brusque? Enfin, c'est un autre sujet...
Il existe des programmes permettant d'évoluer des comportements, de faire émerger des choses non prévues au départ.
Je suis en accord avec la possibilité de simuler toujours mieux et plus longtemps un comportement intelligent que l'on considère comme étant en partie conscient. Mais, l'entité artificielle ressentira-t-elle vraiment du plaisir, de la douleur, des émotions? C'est aussi ça la conscience.
Simuler n'est pas comprendre. L'émergence de choses non prévues n'est-elle pas, en un sens, un aveu d'une compréhension plutôt parcellaire? Je me demande aussi ce qui, a priori, empêcherait théoriquement que le niveau quantique joue un (petit) rôle dans notre façon d'être conscient?
À mon sens les humains ont également une programmation immuable dont ils ne peuvent sortir, mais elle est à un niveau très bas, invisible à notre conscience.
Oui! À mon avis, on pourrait simplement parler de condition humaine (ou de la définition d'un humain) ou même des règles (de la physique, de la biologie) qui feraient émerger cette condition. Cependant, si « tout change », ce qu'est un être humain changera aussi. Donc, si ton affirmation n'est pas tautologique, je ne suis pas certain d'être en accord avec le principe qu'elle laisse entendre.
Il suffit de montrer quelles sont les causes de la conscience pour réfuter mon affirmation.
L'emploi du verbe « suffire » me fait un peu sourire, car je vois tout de même là le défi le plus difficile à surmonter. Serais-tu d'accord pour dire qu'il est possible de simuler une forme matérielle évolutive qui « ressemble fortement » à une conscience intelligente, mais qui, en réalité, serait une quasi complète inconscience « intelligente (selon notre impression seulement) »? Si l'on décide qu'une procédure purement mécanique est l'expression d'une intelligence seulement parce qu'elle en a toutes les apparences, d'accord. Mais, on ne peut pas en conclure pour autant que cette procédure « ressente » sa seule propre existence intelligente, qu'elle soit dotée de conscience.
D'une façon générale, quand dans une discussion sur l'existence de X, tu prends comme axiome l'existence de X, tu es dans un raisonnement circulaire.
Mais si « X » signifie l'existence? Si l'univers est tout ce qui existe en tant que tout unifié, alors il est tout « ce qui est ». L'univers a une existence, l'univers existe. Mais, puisque l'univers est tout ce qui existe, alors l'existence de l'univers est « dans » l'univers. Le temps et les lois sont « dans » l'univers, ce qui est plutôt contraire à notre façon habituelle et pratique de le penser. Autrement dit, l'univers se rattache à lui-même, il est relié à lui-même. Cette fonction identité totale si j'ose dire, c'est simplement cela, la conscience fondamentale, en tant qu'axiome (à mon avis). Autrement dit, l'univers en tant que tout, en tant qu'unité infinie, existe du fait qu'il a (en puissance) une connaissance immédiate (intemporelle) de lui-même.
De façon intuitive, l'existence existe du fait qu'elle peut savoir immédiatement (absolument) qu'elle existe. Cette unique et double existence paradoxale exprime la nécessité de la conscience axiomatique (en soi) qui n'est évidemment pas ici l'expression d'une conscience façonnée ou particulière. Pour exprimer cette façon complètement philosophique (mais pas inutile!) de penser la conscience, j'ai imaginé une expérience de pensée. Celle-ci existe sûrement déjà dans certains livres, mais, bon, j'ai l'habitude d'enfoncer des portes ouvertes. Peu importe, je reviens à l'exemple que je te propose maintenant.
Imaginons un univers éternel (gouverné par certaines lois) comme étant un tout unifié et forcément sans lien (philosophique ou physique) avec d'autres univers hypothétiques. Cet univers serait tel qu'il ne pourrait aucunement engendrer quelconque conscience ou forme de conscience (c'est-à-dire de sensibilité). Peut-on dire que cet univers pourrait exister ou aurait pu réellement exister? Il est clair qu'on ne pourrait pas l'observer, puisque, si c'était le cas, nous en ferions partie, ce qui est impossible pour cet univers, par définition. Si l'on accepte l'égalité de Leibniz, cet univers n'est pas différent du néant qui, lui, est l'antithèse de l'existence. On pourrait donc raisonnablement penser qu'un univers sans conscience n'existerait pas.
J'exprime cette simple expérience de pensée, car je te propose d'envisager la possibilité que le fait de ressentir ne puisse pas être qu'une illusion, qu'un épiphénomène ou une chose se réduisant complètement à des règles de programmations ou de règles physicochimiques immuables et, à priori, sans conscience.
La machine peut-elle vraiment ressentir qu'elle existe si aucune conscience n'est essentielle pour son existence? Pourrait-on alors plutôt assimiler la machine à la projection et l'expression d'une forme de conscience humaine liée à ses solutions logiques
actuelles (comme l'a exprimé Étienne)? L'intelligence (et les concepts) et le bonheur contiennent leur part irréductible et non négligeable de subjectivité, laquelle est intrinsèque à la conscience (particulière).
Les problèmes (humains) étant surtout une question de bonheur, comme l'explique Raphaël, on tourne en rond. Bien que le rond s'élargisse, il reste limité par rapport aux potentialités infinies de situations nouvelles. La machine devra donc comprendre comment elle peut entrevoir ce qui lui manque pour espérer comprendre ce qu'elle ne comprend pas.
Aussi, pour expliquer ou comprendre comment fonctionne l'intelligence, on le fait en utilisant notre intelligence. Ainsi, il faudra comprendre comment l'on comprend. De la même façon, il faudra comprendre comment l'on comprend comment l'on comprend. Ainsi de suite, indéfiniment, modifiant chaque fois notre structure matérielle et notre état physique. Cette autoréférence (infinie) est le problème fondamental qui semble rendre non résoluble le problème de la conscience (les qualia). En effet, l'autoréférence fait apparaitre le théorème de l'incomplétude (vu la complexité inévitable du programme) qui, lui, est lié à ce qui ne se programme pas. Pour s'ajuster à une nouvelle situation, le programme devra agir sur lui-même. Et là, il risque vraiment de tourner en boucle indéfiniment.
Mais, en réalité, si le programme ne ressent aucune peur (ou souffrance) réelle, on ne peut pas dire qu'il a un problème. Ce que l'humain peut percevoir est moins vaste que ce qui l'affecte. Il ne peut pas directement percevoir une pleine conscience. Il ne saura donc jamais si la machine construite est réellement consciente (sensible ou intelligente) ou non. Par contre, j'admets que la machine construite peut être dotée d'une forme de conscience intelligente.
Mais, encore une fois, les termes « reproduire » et « comprendre » ne sont pas forcément synonymes. Enfin, ce n'est que mon opinion.