Jean-Francois a écrit : 20 nov. 2015, 17:41Parmi les postulats véritables derrière la démarche scientifique on retrouve:
- il existe un monde extérieur à la subjectivité de chacun, une réalité (l'alternative est le solipsisme);
- on peut comprendre cette réalité (on évite une forme d'agnosticisme stérile).
J'aurais plutôt dit (pour éviter le caractère subjectif du qualificatif "comprendre") : on peut donner de cette réalité une modélisation fournissant des prédictions statistiquement conformes aux faits d'observation.
Jean-Francois a écrit : 20 nov. 2015, 17:41Mais le matérialisme strict (i.e., le monde n'est que matière et rien d'autre) ou même une forme de déterminisme n'est pas un postulat nécessaire. Ce serait plus une conclusion vers laquelle dirigent les observations.
Sans qu'il s'agisse d'un point de vue frontalement opposé, je serais toutefois tenté de compléter/nuancer votre remarque de la façon suivante
1/ Pour ce qui est de la matière, c'est presque une question de définition. Pour affirmer que l'univers est seulement composé de matière il suffit d'appeler matière tout ce qui (d'une façon ou d'une autre) est susceptible d'interagir avec nous. Après avoir posé cette définition, savoir si les champ d'énergie-matière existants sont les seuls champs d'énergie matière reproductiblement observables à ce jour, c'est un "choix occamien".
C'est le choix qu'on a intérêt à faire quand on veut faire avancer la science de façon efficace au lieu de se perdre dans des questions stériles...
...du moins tant que l'on estime ne pas disposer de présomptions suffisantes pour estimer intéressant de poser ces questions et/ou si on estime avoir peu d'espoir de trouver un moyen de leur apporter une réponse scientifique.
La légitimité de telles présomptions est par contre partiellement subjective comme l'ont montrées les discussions un peu vives qu'a provoqué, par exemple, l'hypothèse atomique proposée (notamment) par Boltzmann. Fin 19ème,
Mach se refusait à croire en cette hypothèse. Il la qualifiait de métaphysique (à juste titre d'ailleurs à cette époque).
De même, la question posée par Einstein
"La mécanique quantique est-elle une description complète de la réalité physique?" a elle aussi été classée dans la catégorie "question métaphysique" avant que Bell ne parvienne à lui donner un caractère réfutable (au sens de
Popper) sous la forme de ses fameuses inégalités (
les inégalités de Bell) lesquelles inégalités se sont finalement avérées violées.
La vérification expérimentale de cette violation a été obtenue grâce à
l'expérience d'Alain Aspect. Il en est ressorti la conclusion suivante : l'état quantique d'une paire de photons de polarisations EPR corrélées ne peut pas être la représentation à la fois locale ET intersubjective de la réalité physique de ce système (les deux observa
cteurs Alice et Bob n'attribuent pas la même fonction d'onde à ce système "quand" l'un a réalisé une mesure de polarisation et pas l'autre).
2/ Pour ce qui est du déterminisme, la question est (à mon sens) encore ouverte et ce d'autant plus que cette notion n'est, en fait, pas facile à définir. Le déterminisme de l'évolution d'un système isolé par exemple signifie ceci :
- si on pouvait parfaitement connaître l'état initial d'un système isolé et l'hamiltonien supposé régir son évolution,
- si en plus on disposait d'une puissance de calcul infinie (pour surmonter l'indéterminisme engendré par le chaos déterministe) et d'une mémoire infinie,
on pourrait alors parfaitement prédire l'état de ce système à tout instant ultérieur. Or :
- un système isolé (à part l'univers si on choisit bien sa définition) ça n'existe pas
- un calculateur de mémoire et puissance de calcul infinies, ça n'existe pas non plus
- le résultat d'une mesure quantique n'est même pas déterministe (sauf à adopter le point de vue de Bohm restaurant le déterminisme en introduisant, dans la théorie quantique, des particules ponctuelles à ce jour inobservables pour permettre cette restauration. Son point de vue n'est pas nécessairement faux, mais il est, à ce jour du moins, métaphysique)
Bref, la question du déterminisme est une question intéressante à laquelle la réponse scientifique actuellement préférée serait plutôt non.