Science Création a écrit :l’État c’est préoccupé de ce que veux dire certains signes et s’en offusque. Pourtant, encore là ce n’est pas de ses affaires....
Techniquement, oui, en effet. Mais je pense qu'il est illusoire, naïf et utopique de penser qu'un État (et pour n'importe quel pays) ne prendra jamais en considération la signification de certains symboles (ou de ce qui est véhiculé par certaines idéologies). Vous le dites vous-même : la vraie laïcité d’un État provient de la démocratie et les gens votent selon leurs convictions. Autrement dit (et nous l'avons déjà évoqué dans ce débat), les droits, les lois, les règles et les valeurs d'un pays sont totalement arbitraires. De plus, le droit n'est pas quelque chose de statique, il évolue et s'adapte en fonction des grandes questions de société, et selon l'ouverture ou la fermeture du public en général.
Autrement dit, c'est l'affaire de tous les citoyens et c'est nous tous, au final, en tant que collectivité, qui décidons jusqu'à quel point nous voulons fermer les yeux sur certaines pratiques et à propos de certains symboles. La démocratie (et la laïcité) n'est que le moins pire moyen que nous avons trouvé pour nous encadré collectivement. Et, en effet, ce moyen empêche qu'un petit groupe prenne le pouvoir et décide seul. Pour que cela fonctionne, cela prend deux rapports de force opposés : les droits individuels (égalité et liberté) et les lois (devoirs et obligations). Selon moi, c'est l'équilibre entre ces deux rapports qui définit la qualité de la démocratie d'un pays, et non (comme plusieurs semblent le penser) la quantité de droits individuels ou de tolérance. Il est donc normal d'avoirs à ajuster cet équilibre à l'occasion. Et puisqu'au final, c'est arbitraire, il est tout à fait normal que chacun prenne position et participe au rapport de force qu'ils jugent devoir renforcer. Pour moi, c'est donc pour cette raison que les arguments ne doivent pas concerner uniquement les présentes limites des droits et des règles (le statu quo). Il est tout à fait légitime de remettre en cause certaines limites. Et c'est bien pourquoi il y a des clauses dérogatoires et nonobstant, etc.
Donc, hors débat de société (et individuellement), nous devons bien sûr respecter les droits et libertés et les règles et les lois que nous avons choisis collectivement, mais lorsque nous sommes dans un débat de société où nous nous posons des questions fondamentales, il est absurde de dire qu'on ne peut faire un truc parce que les lois ou les droits ne nous le permettent pas alors que nous sommes justement en train de discuter de la possibilité et de la pertinence, ou non, de les modifier.
Science Création a écrit :Car de toute évidence si on ne voit pas de femmes voilées dans l’État alors l’État projette l’image d’un État non laïc qui discrimine sur l’apparence religieuse..
Vous avez raison, sauf qu'à l'évidence, ce qui dérange un certain nombre de citoyens (majoritaire?), ce n'est pas tant les signes religieux que certains symboles particuliers véhiculant des idéologies machistes et misogynes (et fondamentalement antidémocratique) beaucoup plus « chargés » que n'importe quels autres signes d'autres religions. Je pense qu'on peut tous comprendre qu'il y a un malaise à tolérer ce genre de symboles et qu'il est normal de se poser la question du modèle que ces derniers projettent lorsqu'ils sont portés par certaines personnes (juges, policiers, enseignants, éducateurs, etc.). À mon avis, le fin fond du débat ne concerne même pas les signes religieux (on se contrefout tous de la kippa et, à ce sujet, HarryCauvert à raison), mais une idéologie machiste, misogyne et antidémocratique. Et nous nous posons la question de les tolérer ou non. Sauf que si nous décidons de ne pas les tolérer (et étant donné que certains de ces signes se confondent avec une culture et une religion), nous ferons effectivement de la discrimination. Voilà pourquoi nous sommes obligés d'inclure tous les signes religieux dans la proposition!
Science Création a écrit :Ce qui je le répète n’est pas de ses affaires
À moins qu'on en décide autrement collectivement, parce que, comme vous le dites : La vraie laïcité d’un État provient de la démocratie et les gens votent selon leur conviction.
Science Création a écrit :L’État étant laïc alors ne pouvant discriminer sur l’apparence religieuse, la résultante est que l’on peut alors retrouver des individus ayant tel apparence religieuse.
Présentement oui, mais, ne croyez-vous pas qu'il ne doit pas y avoir d'exceptions ou de limites? Aucune? Si je suis d'accord pour ne pas commencer à juger les convictions religieuses des uns et des autres pour déterminer ce qui nous plait ou non, je ne suis pas certains par contre que je veuille en faire autant lorsque ça concerne des idéologies foncièrement antidémocratiques, machistes et misogynes. Je suis vraiment désolé envers tous, mais personnellement, ma tolérance et mon support au droits et libertés individuels (et des pratiques religieuses) à une limite et je l'assume entièrement. Pour moi, un juge, un policier, un enseignant, un éducateur, qui travaille pour un État laïque et démocratique ne peut projeter — dans le cadre de ses fonctions — une idéologie qui est fondamentalement opposée aux valeurs et principes de la société dans laquelle il vit.
Science Création a écrit :S’il était vraiment laïc alors justement il ne s’occuperait pas de cela et ainsi il ne discriminerait pas sur ce qui n’est pas de son ressort.
Sauf que lorsque que l'État (ainsi que HarryCauvert et d'autres) utilise comme argument que des gens perdrons leurs emplois si l'on interdit tous les signes religieux, ils sont justement en train de considérer et de tenir compte des exigences de certains cultes (ou du degré de ferveur extrême de certains croyants) pour justifier de ne pas interdire le port de tout signe religieux. Leur argument qui se veut le plus pragmatique est en fait, paradoxalement, basé sur des considérations religieuses (ils font entrer dans l'équation de leur jugement le degré extrême de dévotion de certains individus).
Tsé, il n'y a que deux uniques moyens pour ne pas effectuer de la discrimination dans une société démocratique et ces deux moyens sont tout à fait valables : soit on autorise « la chose » à tous, soit on l'interdit à tous. Dans les deux cas, il n'y a absolument aucune discrimination. C'est très simple en fait! Maintenant, pourquoi choisir l'un ou l'autre? En les autorisant tous, nous n'avons pas le choix d'accepter— potentiellement — des trucs qui vont totalement à l'encontre de nos valeurs profondes, et, qui plus est, par des gens ayant parfois des fonctions éducatives, coercitives, de modèles, etc. Donc pour moi le choix est simple et c'est le moindre mal qui l'emporte. Parce que, franchement, enlever un bout de tissu ou un bijou, ça n’a jamais tué personne. Ensuite, si certains croyants et religieux veulent quitter leur emploi, virer fou ou se flageller, ben leur culte, leur foi et les exigences de leur religion, ben justement,
ça ne nous concerne pas et nous
n'avons pas du tout à tenir compte de ces considérations religieuses ainsi que des conséquences résultantes de leurs croyances, de leur dévotion ou de leurs valeurs personnelles. Ce
n'est pas notre responsabilité! ...D'autant plus quand l'on se targue d'être laïque!
CQFD
Science Création a écrit :Ce que la nouvelle charte tente de faire est de permettre à l’État de faire ce qu’elle n’a pas le droit de faire s’il est laïc.
Comme je l'ai dit, discriminer n'a de sens que si l'on privilégie certaines personnes par rapport à d'autres. Si quelque chose est interdit à tous, on ne peut plus parler de discrimination, c'est autres chose. Voilà pourquoi débattre, collectivement, si l'on veut tolérer ou non les signes religieux pour les employées de l'État n'a en fait aucun rapport avec la discrimination, le racisme ou la xénophobie.
Science Création a écrit :Vouloir imposer c’est valeurs à tous serait un retour en arrière du temps....
Arrêtez-moi ça! Premièrement, des valeurs, c'est impossible à imposer. C'est comme les croyances ou la pensée rationnelle. Nous pouvons les véhiculer, les manifester, porter des symboles les représentant, et tenter d'influencer (sur le long terme), mais les imposer instantanément (et en démocratie), bonne chance! Tsé, on parle juste de ne pas faire étalage de sa religion (ou de ses convictions) pendant ses heures de travail. Nous avons la chance de vivre dans un pays démocratique qui nous permet déjà la liberté de s'exprimer et de faire étalage de nos croyances et idéologies en privé et dans les lieux publics. Au travail, est-ce qu'on peut se concentrer pour travailler, juste 2 minutes? On gave déjà des milliers d'enfants de ritalin parce qu'ils ont des déficits d'attention et qu'ils n'arrivent pas à se concentrer en classe, pouvons-nous S.V.P conserver un cadre un minimum professionnel au travail? Les policiers ont déjà du mal à traiter avec certaines communautés culturelles, pouvons-nous S.V.P garder un minimum de neutralité vestimentaire concernant certains métiers spécifiques? (et ne me dites pas que ça ne concerne pas les policiers, en Ontario et à New York, il y en a déjà qui portent le turban, entre autres).
Science Création a écrit :Il y a des droits fondamentaux.
Oui, mais, en tant que citoyen, il y a aussi les devoirs et les obligations. Et, la nature humaine étant ce qu'elle est, nous sommes comme des ados envers leurs parents : nous exigeons des droits, toujours plus de droits et de libertés, mais jamais nous demandons et exigeons — par nous-mêmes — à avoir plus de devoirs et d'obligations. Faut bien rééquilibrer de temps à autre, parce qu'à force d'avoir toujours plus de droits (et de produire de la jurisprudence), ça finit par produire des absurdités et, au final, le peuple se sent moins encadré et perd peu à peu confiances en la justice et envers ceux qui nous gouvernent. En tant que société, nous sommes comme des enfants, on doit sentir que l'État nous aime et est tolérant, mais on doit aussi sentir qu'il y a des limites, des règles et des conséquences.