Raphaël a écrit : 04 janv. 2018, 12:44Avant tu disais qu'il n'existait pas de référentiel privilégié pour le temps
En
Relativité seule.
Raphaël a écrit : 04 janv. 2018, 12:44et maintenant tu dis qu'il en existe un concernant l'écoulement du temps dans chaque événement ? C'est un virage à 90° ou quoi ?
Oui, bien sûr. Celui que permet (comme déjà signalé) la prise en compte d'un état d'équilibre dans le cadre d'une théorie quantique des champs sur (par exemple) un espace-temps de Minkowski.
C'est de cet état d'équilibre qu'émerge, dans les Travaux de Connes et Rovelli, via le théorème de Tomita Takesaki, un écoulement privilégié du temps (un groupe unitaire d'automorphismes à un paramètre pour lequel cet état est état KMS) dans une algèbre d'observables en lien avec un écoulement privilégié du temps dans (par exemple) l'espace-temps de Minkowski (un flux géodésique donc).
Tu cherchais un lien entre flot temporel dans les algèbres d'observables (physique quantique) et dans l'espace-temps de Minkowski de la Relativité Restreinte (flot géodésique), cette question est abordée dans les travaux de Connes, Rovelli et Matinetti (cf. par exemple,
Diamonds's Temperature: Unruh effect for bounded trajectories and thermal time hypothesis P. Martinetti, C. Rovelli).
En effet, à la base, un espace temps relativiste (c'est à dire une variété pseudo-riemanienne 4D) offre, en chacun de ses évènements, le choix d'une direction d'écoulement du temps pouvant être quelconque du moment qu'elle reste contenue dans le cône de causalité de cet évènement.
Raphaël a écrit : 04 janv. 2018, 12:44Ça démontre seulement que la Relativité est insuffisante pour expliquer toutes les propriétés du temps.
??? Ben évidemment.
La Relativité Restreinte c'est l'expression de l'invariance de Lorentz. L'écoulement irréversible du temps n'a aucun rapport avec ça, bien au contraire, puisque
le paradoxe de l'irréversibilité c'est justement le fait que l'écoulement irréversible du temps viole l'unitarité des évolutions.
Je l'ai signalé à de nombreuses reprises en présentant un panorama des différents travaux traitant de
l'écoulement irréversible du temps (le passage du temps si tu préfères). Le premier qui ait fait ta remarque ci-dessus (le manque d'une flèche du temps, une direction, et non seulement un sens, d'écoulement du temps dans l'espace-temps de Minkowski) et évoqué ainsi ce que maintenant on appelle la flèche du temps c'est Eddington in "The Nature of the Physical World" (1928).
Ce n'est donc pas une découverte toute récente (cf.
Time’s Arrow and Eddington’s Challenge; Huw Price).
Je rappelle les articles scientifiques (déjà cités dans de précédent posts) qui apportent les meilleures réponses connues aux questions que tu te poses quant à l'origine du passage du temps.
La question de l'écoulement irréversible du temps, autrement dit la question de
la conservation ou pas de l'information à un niveau fondamental reste objet de débat. Elle continue à faire couler de l'encre depuis 150 ans parmi des scientifiques de premier plan spécialistes de cette question. Il s'agit de savoir:
- si l'information se conserve à un niveau fondamental, comme le pensent une majorité de physiciens, notamment les Balian, Bitbol, Gell-mann, Rovelli, Martinetti, Connes, Villani, Price, Lebowitz et on peut rajouter Hawking à cette liste d'ailleurs (il croit, maintenant, que même la formation d'un trou noir n'est pas intrinsèquement irréversible autrement dit, il pense que ce processus conserve l'information via la radiation de Hawking) ce qui fait alors de l'écoulement irréversible du temps une émergence de nature thermodynamique statistique découlant du manque d'information de l'observateur macroscopique)
.
- si au contraire, la fuite d'information caractérisant l'écoulement irréversible du temps est objective, c'est à dire un fait de nature, objectif, valide à toute les échelles d'observation, indépendamment du manque d'information de l'observateur macroscopique comme le pensent (sans toutefois l'avoir démontré dans le cadre approprié, celui de la physique quantique) l'école d'Austin-Bruxelles, notamment Petrosky et feu Prigogine.
D'une façon tout à fait générale, l'hypothèse du temps thermique de Connes et Rovelli fait émerger l'écoulement du temps d'un état d'équilibre, autrement dit d'un manque d'information de l'observateur.
Raphaël a écrit : 04 janv. 2018, 12:44Désolé mais je n'embarquerais jamais dans cette
religion définition de l'écoulement du temps qui dépend de l'observateur.
Ce n'est effectivement pas possible (du moins de façon approfondie) sans avoir des prérequis solides en mathématiques et en physique.
Pour ma part, j'ai toutefois une approche différente de la tienne concernant le choix des hypothèses en physique. Je peux (comme toi) avoir de fortes réticences vis à vis d'une hypothèse donnée et cela peut jouer sur ma motivation à étudier une théorie entrant en conflit avec mes préjugés, mais je n'accepte pas pour autant de rejeter
définitivement une hypothèse physique au seul prétexte qu'elle entrerait en conflit avec "ma religion" concernant tel ou tel choix d'hypothèse. En physique, il faut être plus exigeant. En dernier recours, le juge de paix, ce n'est pas notre "religion" (au sens préférence pour telle interprétation ou hypothèse physique plutôt que telle autre) mais la conformité des prédictions de la théorie proposée avec les faits d'observation.
Einstein et Schrödinger, sont restés fortement attachés à des préjugés réalistes, "une religion réaliste" si tu préfères (une religion que j'estime pour ma part tout à fait honorable même si je suis devenu moins croyant que par le passé). Ils rejetaient la physique quantique (bien qu'ils en aient été des acteurs tout à fait majeurs) car elle entrait en conflit avec leur religion réaliste en raison du caractère essentiellement relationnel que semblent avoir ses prédictions (un caractère d'
inférence bayésienne comme l'interprète Fuchs ou encore T. Jaynes, cf.
Clearing up mysteries)...
...Et pourtant, la physique quantique marche très bien.
Ce n'est pas parce que l'on n'aime pas une théorie du fait qu'elle entre en conflit avec "notre religion préférée" qu'elle est pour autant nécessairement incapable de produire des prédictions correctes...
...toutefois, à l'inverse, ce n'est pas parce qu'un postjugé semble invalidé à un moment donné (la conservation de l'énergie dans la désintégration du neutron avant que le neutrino ne soit effectivement observé par exemple) qu'il est forcément faux.
Bref, pour moi un préjugé philosophique n'est pas une tare. C'est un point de départ souvent juste, mais il faut parfois savoir le remettre en cause à la lumière de ce qui est observé.
Ces observations sont souvent faibles, incertaines et objet de débat au début d'ailleurs, comme ça a été le cas par exemple concernant la
mesure faible (cf. aussi la
video sur la mesure faible par Howard Wiseman) comme le montrent les objections de Legett et Peres initialement émises en 1989 concernant
How the Result of a Measurement of a Component of the Spin of a Spin 1/2 Particle Can Turn Out to be 100 de Aharonov, Albert et Vaidman, cf.
Bref, au bout du compte, les faits ont toujours raison bien sur, mais parfois leur interprétation peut rester un bon moment objet de débats animés, cf.
Weak value controversy, Vaidman, mars 2017 par exemple.