Greem a écrit :J'ai été éduqué de telle façon...
Et, moi, j'ai été éduqué (mais j'ai aussi réfléchi et j'ai accepté) qu'on doit être conséquent avec ce que l'on pense et dit de par ce que l'on fait et projette comme image.
La laïcité ne concerne pas uniquement la discrimination. À vous lire, j'ai l'impression que la laïcité se confond avec la Charte des droits et libertés et ne servirait qu'à empêcher la discrimination en regard des religions.
La laïcité implique deux aspects bien distincts :
— l'impartialité ou la neutralité de l'État à l'égard des confessions religieuses (c'est l'aspect vers lequel vous attirer constamment notre attention).
Et
— le caractère des institutions qui doit demeurer indépendant du clergé, de la foi et des religions (c'est l'aspect vers lequel nous sommes plusieurs à attirer votre attention).
La laïcité sert donc aussi à « exclure » la religion de l'État (par opposition aux religions d'État). Qu'est-ce que cela veut dire concrètement? Ça veut dire qu'on ne veut pas que l'État légifère ou agisse en ayant comme motivation (ou pressions) des convictions religieuses (interdire ou établir des trucs sous prétexte que c'est la volonté d'un dieu ou à cause de croyances irrationnelles, etc.). Mais ça veux également dire que l'État doit « s'afficher » comme tel, parce que c'est son « caractère »!
Selon Wikipédia, Antidote et plusieurs autres dicos, le mot « caractère » est souvent présent lorsqu'ils définissent ce qu'est la laïcité : «
caractère de ce qui est laïque,
caractère des institutions,
caractère de l'État, etc. »
Et, étonnement, lorsqu'on regarde la définition de « caractère », on y lit (entre autres) :
— Signe tracé, écrit, imprimé...
— Symbole formant une unité élémentaire d’information...
— Marque distinctive de qqn, de qqch., trait...
En permettant aux gens de manifester le
caractère religieux de leur foi au travail, on entre en conflit avec le
caractère laïque que l'État doit conserver et projeter!
Ce que je répète (mais avec un langage simple et commun) depuis le tout début de ce débat, c'est que le 3e article de la Charte des droits et libertés de la personne (
Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association.) ne devrait pas être invoqué dans le but de justifier le droit de pouvoir manifester l'expression de sa religion
pendant les moments où l'on participe à prodiguer les services d'un État laïque (ou lorsqu'on la représente)!
Lorsque je parle de « cul-de-sac », d'incohérence ou de « brèche », c'est à propos de cet article de la Charte qui entre potentiellement en conflit avec le deuxième aspect qu'implique la laïcité. Et les avocats l'ont très bien compris depuis longtemps puisque plusieurs suggèrent à leurs clients d'utiliser cet article pour justifier tout et n'importe quoi. Parce que, présentement, les jugements sont rendus au « cas par cas », et sont donc forcement dépendant du talent des avocats impliqués ainsi que des possibles biais idéologiques (et/ou religieux) des différents juges et partis en cause. Et nous pouvons le constater puisque dans les faits, la jurisprudence concernant ce genre de cas est loin d'être parfaitement « homogène » et cohérente.
Je persiste à dire qu'il y a une brèche et qu'il y a incohérence parce que si nous acceptons, collectivement, de considérer que cet article de la Charte est prépondérant au caractère laïque de l’État, techniquement (même si cela parait improbable), un premier ministre pourrait invoquer le droit de manifester sa foi au travail, en tant que chef de l'État, tout en portant un accoutrement religieux.

Et des ministres pourraient siéger en manifestant l'expression de leur foi!

...ainsi que des juges! .......et des policiers! .......et des médecins! ...ainsi que des éducateurs et des instituteurs.

...Bonjour le « caractère laïque » de l'État et de ses institutions!
Même si certaines chose demeurent très peu probable à court terme, en théorie ça demeure tout à fait légitime et possible, légalement (avec le flou juridique actuel et l'absence de balises claires et précises), si l'on prend votre position et qu'on conserve le statu quo et c'est ça qui me dérange le plus (et pour les Québécois qui le connaissent, c'est comme quand Philippe Couillard répond à certains : «
vous avez raison, mais cela n'arrivera pas, alors... »)

Vous parlez d'un argument!

Parce qu'ils pensent que certains n'iront pas jusqu'à faire ceci ou cela, il estime qu'il ne faut pas légiférer même si l'absence de légiférations permet de faire un truc envers lequel il admet concevoir l'absurdité.
Je suis tout à fait d'accord, qu'en pratique et dans la réalité actuelle, ce n'est pas ce qui va se passer d'un coup et que la démocratie n'est pas en péril présentement. Mais on ne peut pas pour autant laisser cette « brèche » ouverte indéfiniment! Les cas présentés maintenant sont peut-être anecdotiques, mais ils démontrent toutefois sans équivoque que cette « brèche » n'est pas illusoire.
Pour ma part, la solution est celle qui implique « le moindre mal». Comme Raphaël, je pense qu'il n'y a que deux moyens pour empêcher une discrimination effective concernant les employés de l'État :
— La neutralité passive : on ferme les yeux sur tout et tous peuvent manifester leur foi, même pendant qu'ils exercent au sein de l'État,
ou
— La neutralité active : on interdit l'expression de la religion pendant les heures de services pour tous les employés (et dans les locaux), sans aucune exception.
Le premier moyen ne permet pas d'être cohérant et de « colmater la brèche » (et est susceptibles de créer toute sorte de débordements et d'exagérations) alors que le deuxième le permet tout en ne discriminant pas les individus. De plus, comme n'importe quel autre citoyen, ils demeurent libres de manifester leurs opinions, croyance et religions dans les lieux publics ou dans le secteur privé.
Il faudrait aussi arrêter de dramatiser et réaliser qu'exiger une certaine neutralité au niveau des vêtements et apparats portés pendant les heures de travail ne constitue pas en soi une forme de discrimination*. Ce n'est d'ailleurs pas sans raison, j'imagine, si les « vêtements » ne sont pas inclus ou mentionnés dans le 10e article de la Charte des droits et libertés (
Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.).
La raison pour laquelle on permet présentement le port de signes, de symboles ou de vêtements religieux (ou que certains employeurs craignent d'interdire ces derniers à leurs employés) provient justement du fait qu'il est possible d'invoquer qu'ils font partie intégrante de l'expression de la foi religieuse. Et le problème consiste à considérer (ou interpréter) que l'expression de la foi religieuse est prépondérante au caractère laïque des institutions et de l'État (ou de l'image d'une entreprise privée et de sa culture d'entreprise). Et en passant, les « convictions politiques » sont bel et bien mentionnées dans la Charte et personne ne s'offusque (
vous y compris Greem) que l'on interdise aux fonctionnaires d'afficher ces dernières par des symboles pendant l'exercice de leur fonction au sein de la fonction publique. Au fait, pourquoi vous ne vous soulevez pas contre cette interdiction?

Privilégieriez-vous l'expression religieuse à l'expression des convictions politiques?

Ou bien vous ne vous opposez qu'à ce qui vous importe et vous dérange, personnellement?
Le caractère laïque d'un État se manifeste (par définition), autant par ses symboles, ses représentations, et donc par l'image globale qu'il projette! Et des employés qui portent des symboles religieux, ça pose problème au même titre que si des employés de la fonction publique affichaient clairement être partisans du PQ, du PLQ, du NPD ou du PC.
Et sinon, savez-vous combien d'individus l'interdiction de porter des symboles religieux est susceptible de toucher (et d'incommoder?)
au maximum au Québec?
1 425 personnes!
...sur 8 millions d'individus!
—
1000 femmes musulmanes — potentiellement — (donc, qui ne portent pas nécessairement toutes le voile) voilées dans la fonction publique.
—
300 hommes juifs portant la kippa et
125 hommes Sikhs dans la fonction publique.
Pour utiliser l'un de vos propres arguments, les « dommages collatéraux » seront donc « anecdotique » comparés à ce que des balises et règles claires permettront d'éviter comme incohérences et absurdités!
*
C'est plutôt le fait de ne pas vouloir respecter cette exigence et de choisir volontairement de quitter son emploi qui créer une forme « d'auto-discrimination ». Tout comme n'importe quel employé peut décider de quitter son emploi s'il n'est pas en accord avec la culture d'entreprise qui règne dans sa boite. Il faut réaliser une bonne fois pour toutes qu'on ne les discriminera pas en fonction de ce qu'ils pensent, croient ou pratiquent en privé, en public ou hors de leurs heures de travail. Il faut réaliser qu'ils pourront tout à fait travailler pour l'État et que, s’il y a bien un truc qui puisse les pousser irrationnellement à choisir de quitter leur emploi, c'est bien une considération religieuse personnelle que nous n'avons pas à juger, et donc encore moins à tenir compte ou à considérer! Sinon, faudrait considérer tout ce qu'impliquent, en terme de conséquences possibles, les croyances de tout un chacun en fonction des lois, règles et conventions.