Chanur a écrit :Bonjour,
Mireille a écrit :Est-il possible d’apprécier par exemple quelquechose de très beau juste mentalement sans que n’interviennent nos émotions ?
Il y a un domaine où en n'en est pas loin : les mathématiques.
Bertrand Russel a écrit :Les mathématiques, considérées à leur juste mesure, possèdent non seulement la vérité, mais la beauté suprême, une beauté froide et austère, comme celle d'une sculpture, sans référence à une partie de notre fragile nature, sans les effets d'illusion magnifiques de la peinture ou de la musique, pourtant pur et sublime, capable d'une perfection sévère telle que seulement les plus grands arts peuvent la montrer. L'esprit vrai du plaisir, l'exaltation, l'impression d'être plus qu'un homme, qui est la pierre de touche de l'excellence la plus élevée, doit être trouvé dans les mathématiques aussi sûrement que la poésie.
Mais c'est une beauté qui ne se laisse pas apprivoiser facilement ...
Et un biologiste dira que la beauté suprême est dans l'ingéniosité des formes vivantes, un astrophysicien dans l'immensité de l'espace, un physicien dans le ballet des atomes, un écrivain dans le pouvoir des mots....
La beauté est là où l'humain la voit, elle n'existe pas sans lui, même s'il aimerait croire que son point de vue sur le sujet est universel (mais c'est un peu le propre de l'homme d'être narcissique.).
Ce qu'écrit Russel est un point de vue qu'on peut éventuellement partager, mais ça n'est qu'un point de vue, le sien, parce qu'
il a vu de la beauté dans les mathématiques. Mais j'aurais tendance à penser qu'objectivement, ce point de vue est bien plus lié à son éducation, son caractère et son choix de carrière qu'à la magnificence des mathématiques.
De plus, à partir du moment où l'on apprécie quelque chose, on fait intervenir des émotions, donc il n'est pas possible d'apprécier sans émotion, mathématique ou pas.
Mireille a écrit :Il y a peut-être moyen de faire intervenir notre raisonnement très vite alors plutôt que de laisser nos émotions nous envahir pour ensuite raisonner le tout. Un peu comme une personne qui a beaucoup d'expérience sur un certains terrain. Un chirurgien pleure peut-être quand il perd son premier patient, mais il ne pleure certainement pas les autres, ce serait une perte de temps et d'énergie mal utilisé. Personnellement, je commence à penser la souffrance comme une perte d'énergie potentiel, il me faut mesurer ce que je suis prête à gaspiller.
Comme dit au dessus, je trouve qu'on est limité dans ce débat par le vocabulaire. Je ne suis pas sûr que ce dont je parle moi quand je parle de raison et d'émotion, soit la même chose que ce dont vous parlez vous. Pire, je ne suis même pas sûr qu'on puisse comparer et à plus forte raison opposer émotion et raison de manière aussi tranchée, à moins de donner crédit à la thèse du dualisme corps/esprit qu'on sait fausse aujourd'hui.
Je serais sans doute plus à l'aise à parler de manière un peu plus scientifiques des processus de pensée, parce que là, j'ai l'impression de faire flou à chaque réponse, tant j'ai peur de voir ma pensée trahit par la polysémie.
Je ne connais pas grand chose en fait de méthode scientifique BeetleJuice, mais quel méthode utilise-t-il pour que n'intervienne pas trop leurs émotions ?
Pourtant, c'est pas faute d'en avoir discuté avec vous plusieurs fois sur plusieurs topics (à croire que vous n'écoutez pas...).
La méthode scientifique est une méthode qui impose de ne jamais s'en tenir à ce que produit son seul esprit quand on tente d'expliquer un phénomène. Ca implique de ne partir autant que possible que des faits observées, d'émettre des hypothèses d'explications
testables, de chercher l'hypothèse la plus parcimonieuse dans le lot, de la tester et d'en tirer une conclusion selon que le test est ou pas positif.
En dehors du laboratoire,, comme on n'a pas forcément de quoi faire des test, ça consiste en une application du scepticisme pronée par ce forum et ça consiste surtout à ne rien tenir pour vrai qui n'est pas démontrer par les faits et à ne pas bâtir d'hypothèse sur d'autres hypothèses. Dans la vie courante, ça implique de se méfier des rumeurs, de mettre en doute la parole d'autrui si autrui ne semble pas fiable sur le sujet, vérifier ses propres hypothèses et ne jamais tenir ses hypothèses pour absolument vraie tant qu'elles n'ont pas été validées par les faits.
Par exemple, c'est ce que vous ne faites pas avec la télépathie. Vous avez sans doute vécu des évènements qui vous ont fait arriver à l'hypothèse que c'est peut-être de la télépathie, mais au lieu de s'en tenir là, de définir ce que vous appelez télépathie et de tester cette hypothèse, vous l'avez considéré comme vraie et vous avez bâti d'autres hypothèses sur cette hypothèse.
Or plus vous vous éloignez des faits, plus vous construisez sur du sable, plus votre subjectivité, vos émotions, vos croyances risquent d'influencer votre pensée, parce que rien ne vient leur poser des limites. L'avantage de se tenir près des faits, c'est que même si on les interprète mal, ils imposent quand même des limites. On ne peut pas dire que les faits ont tord sans être de mauvaises fois, on est obligé de plier notre pensée à leur existence pour les expliquer, même si on risque de mal les expliquer.