Jean-Francois a écrit : Dénoncer l'instrumentalisation des sciences, c'est dénoncer l'instrumentalisation des sciences, pas prendre le parti des camps adverses
Le problème est que le sujet des sciences sociales est moins circonscrit que les sciences de la nature (beaucoup de paramètres inconnus entre en jeu), et que ce que tu dis est souvent plus facile à dire qu'à faire. Dénoncer l'homéopathie est facile parce que l'homéopathie concerne la chimie;
Notre dénonciation de l'homéopathie dépasse largement la question du nombre d'Avogadro ou du principe de dilution: la pauvreté de la méthodologie dans les études cliniques; le biais de publication dans les revues homéopathiques complaisantes; la magnification de cas anecdotiques; les conflits d'intérêts; le foisonnement des sophismes dans la rhétorique des partisans; etc. Ce sont d'ailleurs des critiques que tu as presque toutes personnellement adressées aux partisans de l'homéopathie sur ce forum. Lorsqu'on trouve les mêmes abus chez les féministes ou des chercheuses lesbiennes, il ne faut pas être timide au point de refuser de les dénoncer. Un abus c'est un abus!
Jean-Francois a écrit : … dénoncer l'application de théorèmes ou lois issus des sciences de la nature à des domaines sociaux est aussi possible car on peut montrer que les conditions d'application ne sont pas respectées. Dénoncer le féminisme demanderait de faire abstraction de toute pensée socio-politique et personnelle.
Pas nécessairement! Pas besoin de faire abstraction de toute pensée sociopolitique pour dénoncer de manœuvres de désinformation: publier des donnés statistiques inventées de toutes pièces; attention sélective sur des données et occultation des autres; inférences arbitraires; dramatisation des faits concordant avec la croyance et minimisation de ceux qui la contredisent; dynamique et terminologie dogmatique; exploitation routinière des sophismes dans la rhétorique; etc.
Jean-Francois a écrit : Les chercheurs ont le droit d'avoir des parti-pris et de les exprimer pourvue qu'ils ne tombent pas dans des dérives majeures et faire dire aux résultats de recherches ce qu'ils ne disent pas
Si tu leur laisses le droit d'avoir du parti-pris, laisse-leur aussi le droit d'interpréter les résultats des recherches en fonction de ceux-ci. Ce n'est pas comme si les recherches en sciences sociales donnaient le plus souvent des résultats permettant une seule interprétation.
C'est exactement la liberté que je leur laisse. Je ne conteste pas, par exemple, les prises de position publiques de Golombok. Mais si Golombok évoque les résultats de recherches, elle ne déforme pas les données et ne minimise pas les limites de sa méthodologie. Par ailleurs, aucun des articles que j'ai lus de sa main n'a le ton d'un plaidoyer. Golombok ne plaide pas dans ses propres articles. Elle plaide sur les tribunes politiques. Pour parler "d'instrumentalisation" des sciences sociales, il faut plus qu'une utilisation des résultats de recherche dans une argumentation ou des erreurs ponctuelles commises de bonne foi. Pour parler d'instrumentalisation, il faut un procédé systématique de détournement de l'information scientifique. C'est le minimum, bien que dans le cas des féministes et des partisans le l'homoparentalité les choses vont encore plus loin et glissent dans les mesures d'intimidations et les sophismes grossiers.
Au niveau scientifique, le sommet de l'instrumentalisation me semble le cas des recensions qui exposent les résultats de quelques recherches empiriques qui sont des passoires méthodologiques en occultent les biais méthodologiques pourtant identifier dans les articles originaux pour conclure péremptoirement que « Les résultats convergent tous vers un message clair et sans ambiguïté» (Julien 2003)* pour montrer que …
Ce procédé inqualifiable auquel nous ont habitués les homéopathes ne devrait pas échapper à un sceptique.
L'autre exemple de sommet de l'instrumentalisation est celui que j'appelle le "reversement de l'hypothèse nulle" où des auteurs de revues de littératures transforment la formule:
«les cherches ne montrent pas de différences»
en la formule
«les cherches montrent qu'il n'y a pas de différence»
L'absence de preuves devrait-elle devenir une preuve d'absence?
Certes, les chercheuses lesbiennes ne sont pas les seules à instrumentaliser les résultats de recherches dans ce domaine. Le triste exemple de Cameron et, plus récemment, l'utilisation abusive les résultats de Regnerus en témoignent.
Mais nos gentilles chercheuses sont plus nombreuses, elles occupent les postes clefs, elles reçoivent les subventions de recherche et elles jouissent de la sympathie du milieu de la psychologie et de la sociologie (assez libérale) qui ne demande qu'à applaudir ceux qui alimentent en "preuves"(sic) leurs convictions libérales intimes. C'est pour ça qu'il me semble plus légitime de les prendre en exemple lorsqu'on dénonce l'instrumentalisation des sciences sociales.
Demande-toi comment aurait été accueillie la recherche de Regnerus s'il avait été, comme d'autres, financé par des fondations consacrées à la défense des couples de même sexe et si ses résultats avaient été conformes à la croyance dominante. Aurait ont souligné un "conflit d'intérêts" potentiel? Sa méthode aurait-elle été qualifiée "d'épouvantable"? Non! Le conflit d'intérêts aurait été occulté (il l'est dans le cas des autres auteurs), sa méthode aurait été qualifiée «d'exemplaires» et ses résultats mis sur le podium des revues de littérature. C'est ce qui est arrivé avec le papier de Golombok et al.(2003)** qui a fait une recherche assez semblable à celle de Regnerus avec des biais méthodologiques assez équivalents.
* Julien D. (2003), Trois générations de recherches empiriques sur les mères lesbiennes, les pères gays et leurs enfants, dans P.-C. Lafond et B. Lefebvre, L’Union civile, nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au XXIe siècle (p. 359-384), Cowansville, Éd. Yvon Blais.
**Golombok S., Perry B., Burston A., Murray C., Mooney-Somers J., Stevens M. (2003), Children With Lesbian Parents: A Community Study. Developmental Psychology, Vol. 39, No. 1, pp 20–33