matador a écrit :le temps semble s'ecouler plus lentement aux abords de l'horizon d'un trou noir jusqu a s'arreter precisement a l'horizon. Comment un objet peut il tomber a l'interieur ? Il me semble que du point de vue d'un observateur eloigne, l'objet semblera ralentir sa chute de plus en plus et que theoriquement il lui faudrait un temps infini pour atteindre l' horizon. Ce n' est pas un effet d'optique; le ralentissement du temps est reel au voisinage d' un trou noir. Donc comment un objet peut il tomber a l interieur?
Pour répondre à la question il faut préciser dans quel référentiel on se place pour parler
- de la mesure de l'écoulement du temps,
- de la mesure des distances,
- de la simultanéité.
Dans le cas de l'espace-temps de Schwarzschild (modélisant un trou noir de masse M)
le référentiel qui joue un rôle analogue
aux référentiels inertiels de l'espace-temps de Minkowski est
le référentiel de Lemaître.
C'est le référentiel formé des observateurs tombant de "très haut" sur le trou noir et partis à vitesse nulle. Quand, dans leur chute libre, les observateurs de Lemaître atteignent l'altitude r (l'altitude dont l'orbite a une longueur 2 pi r pour les observateurs de Lemaître comme pour les observateurs "immobiles", c'est à dire les observateurs du référentiel de Schwarzschild) ils ont acquis une vitesse de chute v = (2GM/r)
1/2. Il s'agit, en fait, de la vitesse dite de libération. Si on inversait la vitesse v des observateurs de Lemaître, ils reviendraient à leur point de départ "très haut" en atteignant ce niveau au bout de "très longtemps" et à vitesse nulle.
Quand on fait des mesures avec les instruments de mesure du temps et des distances des observateurs de Lemaître et qu'on choisit la simultanéité relative à ces observateurs en chute libre, les photons :
- tombent (par rapport au référentiel de Schwarzschild) à la vitesse c- = c+v
- remontent à la vitesse c+ = c-v.
Le caractère inhabituellement additif (en relativité) de cette composition des vitesses découle du fait que, les trois vitesses en jeu :
- la vitesse c de la lumière vis à vis des observateurs de Lemaître,
- la vitesse v des observateurs de Lemaître par rapport aux observateurs de Schwarzschild,
- les vitesses relatives c+ et c- de la lumière par rapport au référentiel de Schwarzschild,
ont toutes été mesurées avec les mètres, les horloges et la simultanéité
d'un même et unique référentiel : le référentiel de Lemaître.
Du coup, bien que nous soyons en relativité, l'additivité des vitesses (habituellement réservée à la physique newtonienne) s'applique.
Dans le référentiel privilégié de Lemaître, les observations sont les suivantes :
- la lumière tombe à vitesse c+v et remonte à vitesse c-v (la vitesse relative de la lumière est anisotrope vis à vis du référentiel de Schwarzschild, comme dans l'effet Sagnac vis à vis du référentiel tournant).
- En direction verticale, le mètre des observateurs de Schwarzschild est contracté par la contraction de Lorentz. La distance des observateurs de Schwarzschild au trou noir est d'ailleurs infinie quand elle est mesurée avec leurs mètres contractés. En effet, la vitesse de libération v = (2GM/r)1/2 (la vitesse relative entre observateurs de Lemaître et observateurs "immobiles" de Schwarzschild) devient égale à c quand les observateurs de Schwarzschild se rapprochent de l'horizon du trou noir de rayon Rs = 2GM/c².
- L'horloge des observateurs de Schwarzschild tourne au ralenti, et ce d'autant plus lentement qui sont proches de l'horizon du trou noir. En effet, comme le photon tombe à vitesse c+v et remonte à vitesse c-v, il fait des allers retours le long d'une light-clock :
- au repos en direction verticale dans le référentiel de Schwarzschild,
- de longueur L = L0(1-v²/c²)1/2,
- L0 étant la longueur qu'aurait cette light-clock en direction verticale si elle étant placée loin du trou noir,
en un temps T = (2L0/c)/(1-v²/c²)1/2 (comme un rapide calcul de type train qui fait un aller-retour à vitesse c+v à l'aller et c-v au retour permet de l'établir) donc en un temps 1/(1-v²/c²)1/2 plus long que si notre light-clock était au repos donc à vitesse v=0 loin du trou noir.
Bref, les observateurs de Schwarzschild sont victimes d'une sorte de vision "erronée":
- du temps,
- de l'espace,
- de la simultanéité,
résultant de leur "emprisonnement" dans le référentiel de Schwarzschild.
C'est pour cela qu'il sont tentés de penser qu'un objet tombant sur un trou noir met un temps infini pour atteindre l'horizon de Schwarzschild. En réalité, la bonne durée est celle mesurée par les observateurs de Lemaître.
Si les observateurs de Schwarzschild utilisent un Morley-Michelson pour en avoir le cœur net, ils vont être induits en erreur. Leur Morley-Michelson n'y voit que du feu. Il donne un résultat nul quant à leur vitesse absolue. Leur interféromètre est victime de l'invariance de Lorentz découlant :
- de la contraction de Lorentz de leur mètre en direction verticale, contraction induite par leur vitesse v = (2GM/r)1/2 vis à vis des observateurs de Lemaître,
- du ralentissement de leurs horloges, ralentissement induit par leur vitesse v vis à vis des observateurs de Lemaître,
- de l'anisotropie de la vitesse relative de la lumière en direction verticale. Cette anisotropie leur donne une idée "fausse" de la "bonne" simultanéité (la "bonne" simultanéité étant celle relative au référentiel de Lemaître).
En combinant ces 3 effets, les observateurs de Schwarzschild en déduiront que leur référentiel vaut bien celui de Lemaître...
... Et pourtant, le référentiel de Lemaître est, quant à lui :
- un référentiel chute libre (le référentiel de Schwarzschild ne l'est pas),
- feuilletable en feuillets 3D de simultanéité (cette propriété, le référentiel de Schwarzschild l'a aussi),
- dans lequel le temps propre séparant les observateurs est le même pour tous les observateurs, alors que dans le référentiel de Schwarzschild, plus on s'approche de l'horizon de Schwarzschild, plus on vieillit lentement (dilatation temporelle de Lorentz en (1-v²/c²)1/2 oblige),
- l'espace 3D qu'est le référentiel de Lemaître est un espace Euclidien bien plat (nota : un référentiel dans une variété riemannienne 4D est bien une variété 3D. C'est le quotient de l'espace-temps 4D en question par un feuilletage 1D en observateurs).
Bref, la maxime positiviste : "ce qu'on ne sait pas observer n'existe pas" ne marche pas à tous les coups.
Le référentiel chute libre de Lemaître est
l'unique référentiel de l'espace-temps de Schwarzschild ayant les propriétés les plus voisines de celles
des référentiels inertiels de l'espace-temps de Minkowski. Ce référentiel joue, dans l'espace-temps de Schwarzschild, le rôle que Lorentz et Poincaré faisaient jouer à l'éther dans l'interprétation Lorentzienne de la Relativité Restreinte.
Cette interprétation de l'invariance de Lorentz était celle envisagée avant qu'Einstein ne présente la Relativité sous une forme montrant que l'hypothèse d'un éther n'était pas nécessaire à l'établissement des transformations de Lorentz. La possibilité d'observation d'un état de mouvement privilégié est d'ailleurs incompatible avec cette invariance. Si on ajoute l'hypothèse métaphysique des positivistes : "ce qu'on ne sait pas observer n'existe pas", on a démontré l'inexistence d'un référentiel inertiel (un état de mouvement) privilégié.
Il n'est toutefois pas nécessaire d'attribuer au référentiel de Lemaître de l'espace-temps de Schwarzschild une sorte de "matérialité". Il n'est pas nécessaire de voir l'espace-temps de Schwarzschild comme une sorte de fluide tombant à la vitesse de libération v = (2GM/r)
1/2 en chacun de ces "points". Le référentiel de Lemaître est seulement (selon nos connaissances actuelles) un état privilégié de mouvement dans l'espace-temps de Schwarzschild.
Au contraire, tous les référentiels inertiels sont équivalents dans l'espace-temps plat de Minkowski. Aucun d'eux n'y joue de rôle privilégié (sauf interprétation réaliste de la réduction instantanée du paquet d'onde impliquant un référentiel quantique privilégié, selon l'hypothèse de D. Bohm, John Bell, Valerio Scarani, Antony valentini, Ian Percival par exemple et donc une violation de l'invariance de Lorentz au niveau interprétatif).