Dany a écrit :Sur quoi te bases tu pour dire qu'un appareil de Stern et Gerlach (ou n'importe quel autre appareil) pourrait permettre une détection irréversible, objectivement parlant ?
Sur le fait que de l'information s'est échappée hors de portée de l'observateur macroscopique. C'est ça un phénomène irréversible. C'est ça aussi la croissance de l'entropie des systèmes "isolés". En toute rigueur, l'évolution des systèmes isolés est hamiltonienne donc isentropique. Il n'y a pas d'irréversibilité objective. Il n'y a que de l'irréversibilité intersubjective au sens de l'entropie modélisant les limitations d'accès à l'information d'une famille d'observateurs. La modélisation en apparence la plus objective d'une évolution irréversible, le théorème H de Boltzmann modélisant l'évolution irréversible d'un gaz parfait, fait implicitement intervenir cette fuite d'information. Elle se cache dans l'hypothèse dite du chaos moléculaire par exemple.
Dany a écrit :Il me semble que c'est essayer de faire entrer la notion d'objectivité quelque part où elle n'a pas sa place.
Elle n'en a nulle part. Ce qui a une place dans la physique (et plus exactement dans la thermodynamique statistique et la théorie de l'information) c'est l'intersubjectivité modélisée par la grille de lecture qu'est l'entropie.
Dany a écrit :Puisque tant qu'un membre de cette famille d'observateurs (lui même au départ extérieur au dispositif) ne s'est pas enchevêtré avec le système en prenant connaissance et donc en extrayant l'information ("créant l'information", même, dis tu), la superposition d'états demeure.
Elle demeure même après, en théorie, vis à vis d'un observateur s'il est capable de ne pas détruire cette superposition. C'est ce que fait Serge Haroche quand il crée ses chatons de Schrödinger et observe leur décohérence progressive (avec quelques dizaines de photons en état superposé de deux phases classiques et pas des 10^23 aines d'atomes toutefois).
A noter que l'on n'observe jamais la décohérence d'
un chat de Schrödinger. Si on savait le faire, Bob pourrait instantanément recevoir de l'information transmise par Alice (dans l'expérience d'Alain Aspect). Il suffirait à Bob d'observer la décohérence d'
un seul photon en état superposé D + A parce qu'Alice a mesuré la polarisation H/V de son photon. On sait mesurer la décohérence d'un
ensemble de chatons de Schrödinger tous dans un même état superposé. Il n'existe pas de notion observable de décohérence d'
un seul état superposé.
Dany a écrit :...Dans cette interprétation là, il n'y a pas de réduction de paquet d'onde et donc pas d'opération irréversible sans prise de connaissance. Donc, que la grille de lecture existe quelque part ne suffit pas, il faut qu'elle soit appliquée.
Pas nécessairement. Quand on observe des os de dinosaure, l'information qu'on en retire est présente parce qu'enregistrée irréversiblement bien avant qu'elle ne soit recueillie. Dès qu'il y a eu un phénomène irréversible, on retourne dans le domaine de la physique classique où l'information préexiste à l'observation.
Mieux même, avec la mesure faible, l'information sur l'état d'une famille d'électrons initialement tous dans un état de spin right mais qui seront tous mis ensuite dans l'état de spin vertical up se reflète dans les résultats de mesures faibles de spin vertical
réalisées avant la mesure forte qui va projeter ces électrons dans cet état futur de spin up. L'observateur des résultats de ces mesures faibles ne peut d'ailleurs pas en avoir conscience au moment où il réalise ces mesures faibles puisque ce fait ne peut être constaté qu'après coup, en faisant, après coup, la moyenne des résultats de mesure faible de spin vertical
des seuls électrons qui sont projetés dans cet état de spin vertical up (c'est l'opération dite de post-sélection).
Dany a écrit :Je vois que plus loin, tu privilégies plutôt la décohérence comme autre moyen pour cerner la réduction du paquet d'onde, ce qui laisse supposer que (après avoir manifestement bien potassé ton sujet) la théorie quantique est totalement représentative de la réalité pour toi, contrairement à ce que pensait Wigner.
Mmm... Que la décohérence soit incontestable et qu'elle joue un rôle essentiel dans l'émergence d'un monde classique (cf.
Environment as a Witness: Selective Proliferation of Information and Emergence of Objectivity in a Quantum Universe Harold Ollivier, David Poulin, Wojciech H. Zurek, Nov 2005) je suis de cet avis (il y a encore des contestataires, peu nombreux, et seulement d'aspects interprétatifs).
On a quand même un prix Nobel de physique, Serge Haroche, qui a étudié et réalisé des expériences en cavité microonde supraconductrice sur la décohérence pendant plus de 20 ans (cf.
Oscillation de Rabi à la frontière classique-quantique et génération de chats de Schrödinger, Alexia Auffeves Garnier - Laboratoire Kastler Brossel juillet 2004). Il a d'ailleurs reçu le Nobel précisément pour ces travaux. Que la physique quantique soit complète, pas forcément, puisqu'on a toujours pas de théorie qui permettrait d'intégrer complètement la gravitation et les effets qui sont à la base de la théorie quantique.
En tout cas, quand Einstein disait de la théorie quantique qu'elle était incomplète et qu'il y avait certainement des variables cachées (cf.
EPR, Bell & Aspect: The Original References in PDF Format), il n'avait pas tort puisque la formulation time-symmetric à deux vecteurs d'états rajoute effectivement une variable cachée, le deuxième vecteur d'état qui se propage du futur vers le présent. Il est caché dans le futur. Personne (à part un peu Costa de Beauregard) n'avait pensé à le chercher à cet endroit là, en violation de la causalité (du moins pour les réalistes, pas pour les positivistes) avant Aharonov, Bergmann, Lebowitz, Albert et Vaidman.
cf.
Can a Future Choice Affect a Past Measurement's Outcome? Yakir Aharonov, Eliahu Cohen, Avshalom C. Elitzur, Jun 2015,
6.Summary
The strong correlation between past and future outcomes, suggests the appearance of a subtle local hidden variable - the future state vector.