Bonjour,
Après plusieurs années d'absence sur le terrain de l'ufologie, je vois que le cas du lac Chauvet est relancé et je m'en réjouis. Je m'étais moi même rendu sur les lieux en 2004 pour localiser le lieu de l'observation situé en retrait sur une colline à 1 km à l'Est du lac. Pour rappel, j'avais examiné un large spectre d'hypothèses allant du canular le plus simple jusqu'à tester toutes sortes de méprises, sans succès. Je crois bien que j'ai menées mes dernières réflexions sur ce forum, depuis j'ai quelque peu abandonné ce cas, mais j'ai gardé l'espoir qu'un jour nous parviendrons à expliquer cette observation si peu conventionnelle qu'elle n'en finit pas de retourner mon cerveau depuis 13 ans.
J'ai découvert il y a une dizaine de jours le rapport d'IPACO sur le cas du lac Chauvet, le cas est mentionné dans la rubrique IFOCAT des dossiers expliqués, section trucages :
http://www.ipaco.fr/page22.html. C'est donc avec le plus grand enthousiasme que j'ai commencé la lecture de ce rapport, enfin j'allais découvrir une explication, sinon l'explication?
Hélas, mis de côté la partie descriptive et le travail de recherche historique sur Frégnale plutôt instructif, l'enthousiasme fut de courte durée. En lieu et place d'une analyse scientifiquement balisée à laquelle on s'attend en lisant ce genre de littérature, on est surpris d'y découvrir tous les ingrédients fallacieux qui font la recette des pseudo-sciences : conclusion introduite en hypothèse, raisonnements biaisés, méthodologie scientifique bafouée...
La conclusion de ce rapport est des plus étonnantes car elle reprend une hypothèse déjà évoquée et déjà réfutée il y a plus de 10 ans sur ce forum :
L’explication finale est donc que M. Frégnale a dû lancer, à l’aide d’un appareil, ou faire lancer par un compère une série de petits objets discoïdaux (diamètre entre 9,5 et 18 cm), ou le même objet plusieurs fois de suite, le long d’une même trajectoire. Il s’agissait vraisemblablement de pigeons d’argile (diamètre de 11 cm), ou alors peut-être d’une variante (M. Frégnale était un excellent bricoleur) ou même de Frisbee.
La tache sombre résultait peut-être d’un coup de peinture noire grossièrement donné vers le centre de la base de l’objet (ou des objets) ou, à l’inverse, d’un coup de peinture blanche inégal sur le pourtour de la base sombre (voir le schéma en bas à gauche de la p.63).
Le fait que cette tache semble (très approximativement) alignée avec le Soleil et/ou la trajectoire de l’objet résulte d’un hasard, à moins (mais rien ne le prouve) que M. Frégnale ait réalisé plusieurs séries de 4 clichés pour ne choisir que la série paraissant la plus étrange.
Avant de comprendre par quelle sorte de raisonnements hasardeux les auteurs ont pu être conduit à pareille ânerie, essayons de quantifier la probabilité d'un tel hasard, à savoir l'alignement approximatif de la tache sur les 4 clichés.
Malgré toute la mauvaise rigueur employée pour tenter de démontrer que l'alignement de cette tâche n'est qu'approximatif, le défaut d'alignement ne serait que de 8° maximum.
Si nous divisons le disque en 45 secteurs angulaires de 8°, il y a donc pour chaque photographie une chance sur 45 pour que la tâche soit alignée dans le bon secteur, il y a donc (1/45)^4 = 1 chance sur 4100625 d'obtenir une série de 4 photos du premier coup où la tâche serait approximativement alignée.
Il aurait donc fallu à Frégnale 1 chance sur 4 millions pour réussir sa série photographique du premier coup, ou seulement 16 millions de lancés pour obtenir une chance raisonnable d'y parvenir.
Sans commentaire.
À ce stade, la conclusion n'est que risible, il nous reste à analyser les arguments sensés nous y mener.
Pour parvenir à justifier ce canular à base d'un objet lancé, les auteurs du rapport ont tenté de reconstituer la trajectoire de l'ovni, après bien des raisonnements laborieux et un passage obligé à travers un système de 15 équations à 15 inconnues, les auteurs concluent à une trajectoire parabolique. Les développements mathématiques ne tiennent pas compte de la distortion géométrique de l'objectif, et aucun calcul d'incertitude n'a été mené pour évaluer le spectre des trajectoires. Si ça se trouve, dans sa fourchette d'incertitude, la trajectoire est parfaitement rectiligne conformément au témoignage, mais peu importe, à ce stade nous n'en sommes plus à exiger ce genre de rigueur qui fait dire qu'un témoin est soit un menteur soit un honnête homme.
Mais admettons, admettons donc que la trajectoire fut exactement celle qui a été déterminée par les auteurs du rapport. À partir de cette seule donnée, à savoir la trajectoire de l'ovni projetée sur une vue panoramique, les auteurs vont ensuite calculer la distance à laquelle l'ovni est situé de Frégnale, mais comment faire?
Les auteurs supposent tout simplement que la trajectoire est incluse dans le plan de l'observateur, ce qui revient à postuler que l'ovni était situé juste au dessus de Frégnale ! Bien sûr, aucun élément ne viendra appuyer cette supposition, j'ignore si elle résulte d'un machiavélisme pervers ou d'une incompétence en géométrie, mais il faut avouer que c'est fort, car c'est une manière mathématique assez élégante de mettre en équation le fait que Frégnale est un menteur. C'est aussi un moyen d'évacuer du modèle géométrique toute idée de perspective!
À partir de là, les auteurs déduisent la hauteur maximale de l'ovni, et c'est ainsi qu'ils arrivent finalement à conclure à une taille de 14 cm, soit typiquement celle d'un pigeon d'argile.
Je passe rapidement la partie du rapport sur l'analyse radiométrique des photos qui vient sans surprise confirmer la brillante analyse géométrique que nous venons d'exposer. À leur décharge, les images à leur disposition résultent d'un scan basse résolution compressé en jpeg, algorithme qui présente l'inconvénient de flouter les contours. Ce qui est fort regrettable puisque toute l'analyse repose sur la mesure de la netteté des contours des objets et des décors visibles sur les photos. De toute façon même sans compression destructive, la résolution était bien trop faible, difficile d'être précis quand on mesure une épaisseur de trait de seulement 2 ou 3 pixels.
J'ai fait part de mes réserves sur la qualité de ce travail sur le forum
http://ufo-scepticisme.forumactif.com/ où
le principal auteur de ce rapport dont je ne citerai que le pseudonyme (elevenAugust) a lui même reconnu la validité de ces objections.
En attendant, pour sauver ce qui peut rester d'une logique déjà bien malmenée, j'ai déjà demandé publiquement à ce que le cas du lac Chauvet soit reclassé dans la catégorie des cas inexpliqués sur le site
http://www.ipaco.fr. Il faut croire qu'à l'heure où je rédige ces lignes ma requête est restée lettre morte.