Entre respect et angoisse
Publié : 20 mai 2018, 00:37
Bonjour.
C'est mon premier message ici, et ça sera pas le plus joyeux. Je colle ici un warning "maladie" et un autre "épanchement" pour éviter d'incommoder certaines personnes.
J'ai un pote, un vieux pote. Vieux dans le sens où il est plus bien jeune, vieux dans le sens où ça fait 17-18 ans qu'il est mon pote. C'est tout un groupe de potes en fait, un peu (beaucoup) tendance new-age et "antisystème parce que si c'est assimilable à un système faut être anti". Mais c'est mes potes quand même, parce que depuis le temps que je traîne entre différents types d'anars, punk, écolo & alcoolo, j'ai appris à faire avec cette tendance qu'on "les miens" à être irrationnels. Vous voyez le genre, je pense...
Donc c'est mes potes, lui c'est le doyen de la bande, moi je suis le rationaliste du groupe, et ça fait entre 15 et 20 ans que je les affronte pas avec mon esprit critique. Quand ils m'incluent dans une discussion, j'expose mon argumentation sceptique, mais tant qu'ils m'en tiennent à l'écart je m'abstiens de les souler avec une grille de lecture sceptique qui heurte leurs croyances.
Jusqu'à maintenant, je considérais ça comme une bonne approche, chacun respectant les systèmes de pensée des autres.
Maintenant, le "doyen" a un cancer, pour ce que j'en sais y'a pas encore de cellules qui se baladent partout. Et c'est maintenant que je doute sur ma prise de position passée, en mode non-intrusif et que je me questionne davantage encore sur comment désormais agir & réagir.
Je passe les détails pour pas charger en pathos, mais il lui faudrait a minima l'ablation d'une bonne partie de la langue (c'est a priori bien développé) et une chimio ; il a opté pour un shaman et un régime au jus de légume.
Je me serais pas attendu à ce que qui que ce soit dans ce groupe soit aussi extrême dans l'alternatif vu leur façon de critiquer certaines de leurs accointances qui sont carrément dans le mystique et leur façon d'aborder mon approche factuelle. Je me serais pas attendu non plus à un tel soutien de la part de la majorité. En tentant d'aborder le sujet avec ceux qui me semblent les plus rationnels et les moins enthousiastes face à la thérapie au jus de légume, dans l'espoir de pouvoir constituer un espace de dialogue rationnel, je ne m'attendais pas de leur part à une position de retrait sous couvert de "si il croit au jus, ça peut lui donner la volonté de battre le cancer, la force de l'esprit sur le corps est telle que...".
Bref, il est entouré de gens qui sont partagés entre l'idée que le jus est une bonne voie vers la rémission et celle que ça aura un effet placebo possiblement suffisant. moi, forcément, je pense "métastase" (mais je suis d'une inculture crasse au sujet du cancer).
De son côté, je me dis que c'est peut-être une façon de refuser toute forme d'acharnement thérapeutique ainsi que toute forme de diminution physique autre que les inéluctables. C'est un dur issu de la paysannerie, un coriace de l'existence, un tenace du quotidien. Le genre de mec qui rentre son bois pour l'hiver d'en-bas de la butte avec deux côtes cassées et qui t'engueule quand tu lui propose un coup de main (expérience vécue, j'en rajoute pas).
Du coup, entre le fait qu'il doit quand même y croire un peu, à son jus, le fait que je devine que ce soit pour lui une façon de lutter avec ses propres armes et que ça se respecte quand bien même je suis en désaccord ; entre le fait que le milieu cognitif l'encourage dans cette voie, le fait que ça lui fait plus de chances d'y rester que d'y réchapper et que ça, ça m'angoisse, je ne sais quel discours tenir. Un silence complice et mortifère ou un discours contradictoire qu'il ne veut pas entendre ?
En plus, je l'ai déjà dit, je suis incompétent en terme de cancer, je ne saurais donc même pas comment le tenir, ce discours.
Bon, donc voilà, maintenant qu'est assouvi mon besoin d'extérioriser tout ça, je repose le propos en court et clair, en élargissant un peu pour une meilleure prise de distance avec le sujet : quelle posture morale adopter, tant personnellement que dans le discours dans un contexte dans lequel l'approche critique va à l'encontre des convictions d'une personne qui est probablement en train de se condamner à courte ou moyenne échéance ?
C'est mon premier message ici, et ça sera pas le plus joyeux. Je colle ici un warning "maladie" et un autre "épanchement" pour éviter d'incommoder certaines personnes.
J'ai un pote, un vieux pote. Vieux dans le sens où il est plus bien jeune, vieux dans le sens où ça fait 17-18 ans qu'il est mon pote. C'est tout un groupe de potes en fait, un peu (beaucoup) tendance new-age et "antisystème parce que si c'est assimilable à un système faut être anti". Mais c'est mes potes quand même, parce que depuis le temps que je traîne entre différents types d'anars, punk, écolo & alcoolo, j'ai appris à faire avec cette tendance qu'on "les miens" à être irrationnels. Vous voyez le genre, je pense...
Donc c'est mes potes, lui c'est le doyen de la bande, moi je suis le rationaliste du groupe, et ça fait entre 15 et 20 ans que je les affronte pas avec mon esprit critique. Quand ils m'incluent dans une discussion, j'expose mon argumentation sceptique, mais tant qu'ils m'en tiennent à l'écart je m'abstiens de les souler avec une grille de lecture sceptique qui heurte leurs croyances.
Jusqu'à maintenant, je considérais ça comme une bonne approche, chacun respectant les systèmes de pensée des autres.
Maintenant, le "doyen" a un cancer, pour ce que j'en sais y'a pas encore de cellules qui se baladent partout. Et c'est maintenant que je doute sur ma prise de position passée, en mode non-intrusif et que je me questionne davantage encore sur comment désormais agir & réagir.
Je passe les détails pour pas charger en pathos, mais il lui faudrait a minima l'ablation d'une bonne partie de la langue (c'est a priori bien développé) et une chimio ; il a opté pour un shaman et un régime au jus de légume.
Je me serais pas attendu à ce que qui que ce soit dans ce groupe soit aussi extrême dans l'alternatif vu leur façon de critiquer certaines de leurs accointances qui sont carrément dans le mystique et leur façon d'aborder mon approche factuelle. Je me serais pas attendu non plus à un tel soutien de la part de la majorité. En tentant d'aborder le sujet avec ceux qui me semblent les plus rationnels et les moins enthousiastes face à la thérapie au jus de légume, dans l'espoir de pouvoir constituer un espace de dialogue rationnel, je ne m'attendais pas de leur part à une position de retrait sous couvert de "si il croit au jus, ça peut lui donner la volonté de battre le cancer, la force de l'esprit sur le corps est telle que...".
Bref, il est entouré de gens qui sont partagés entre l'idée que le jus est une bonne voie vers la rémission et celle que ça aura un effet placebo possiblement suffisant. moi, forcément, je pense "métastase" (mais je suis d'une inculture crasse au sujet du cancer).
De son côté, je me dis que c'est peut-être une façon de refuser toute forme d'acharnement thérapeutique ainsi que toute forme de diminution physique autre que les inéluctables. C'est un dur issu de la paysannerie, un coriace de l'existence, un tenace du quotidien. Le genre de mec qui rentre son bois pour l'hiver d'en-bas de la butte avec deux côtes cassées et qui t'engueule quand tu lui propose un coup de main (expérience vécue, j'en rajoute pas).
Du coup, entre le fait qu'il doit quand même y croire un peu, à son jus, le fait que je devine que ce soit pour lui une façon de lutter avec ses propres armes et que ça se respecte quand bien même je suis en désaccord ; entre le fait que le milieu cognitif l'encourage dans cette voie, le fait que ça lui fait plus de chances d'y rester que d'y réchapper et que ça, ça m'angoisse, je ne sais quel discours tenir. Un silence complice et mortifère ou un discours contradictoire qu'il ne veut pas entendre ?
En plus, je l'ai déjà dit, je suis incompétent en terme de cancer, je ne saurais donc même pas comment le tenir, ce discours.
Bon, donc voilà, maintenant qu'est assouvi mon besoin d'extérioriser tout ça, je repose le propos en court et clair, en élargissant un peu pour une meilleure prise de distance avec le sujet : quelle posture morale adopter, tant personnellement que dans le discours dans un contexte dans lequel l'approche critique va à l'encontre des convictions d'une personne qui est probablement en train de se condamner à courte ou moyenne échéance ?