LePsychoSophe a écrit : 18 oct. 2018, 15:08Si une particule modifie son état instantanément par rapport à une autre mais qu'on ne parle pas de transmission de quoique ce soit (énergie, information...) alors comment explique t-on ce phénomène?
En interprétant la fonction d'onde, non comme une représentation de la réalité, mais comme une
représentation de la connaissance d'un observateur.
Dans l'expérience d'Alain Aspect (emblématique de la non localité quantique), quand Alice fait une mesure de polarisation sur son photon, elle acquière une information nouvelle qui change l'état de sa connaissance (concernant la paire de photons EPR corrélés). La connaissance d'Alice est, en effet, modélisée par la fonction d'onde qu'elle attribue à cette paire de photons. Cette connaissance, donc aussi la fonction d'onde qui la représente, change quand Alice fait une mesure de polarisation sur son photon car elle acquière ainsi une information nuvelle.
Du côté de Bob, dans cette interprétation positiviste de la fonction d'onde, tant que Bob ne fait pas de mesure sur son photon, rien ne change. Donc, du point de vue positiviste, rien n'est transmis instantanément du côté de Bob quand Alice fait une mesure de polarisation de son côté.
En fait, pour Alice, dans une approche positiviste,
ce qui se passe en même temps du côté de Bob n'existe de toute façon pas puisque ce qui se passe du côté de Bob "à ce moment là" lui est inobservable.
La notion de présent relatif à la mesure d'Alice, autrement dit l'ensemble des évènements simultanés avec la mesure réalisée par Alice (au sens de la simultanéité relative au référentiel inertiel du laboratoire d'alice)
n'est reconstruit que plus tard, au fur et à mesure que les cônes de futur de ces évènements simultanés acquièrent une intersection non vide avec le cône de futur de l'évènement mesure de polarisation réalisée par Alice.
LePsychoSophe a écrit : 18 oct. 2018, 15:08Pourquoi est-on sûr qu'il s'agit d'un instantané?
On a le degré de certitude propre à la théorie quantique (un cadre théorique très largement validé par les prédictions fiables et de grande précision qu'il procure). Il faut d'abord noter que, selon ce cadre théorique, le changement d'état de la fonction d'onde de la paire de photons suite à la mesure d'Alice est instantané
dans tous les référentiels inertiels. Cela signifie que ce changement de fonction d'onde dépend du référentiel inertiel considéré pour la définir.
La réduction de la fonction d'onde n'est pas invariante de Lorentz. Cela n'entre cependant pas (directement) en conflit avec l'invariance de Lorentz puisque
la fonction d'onde n'est pas observable. Le conflit avec l'invariance de Lorentz intervient seulement
au niveau interprétatif si l'on interprète la fonction d'onde comme un champ physique "objectif", autrement dit, si l'on adopte une interprétation réaliste de la fonction d'onde et de sa réduction ET qu'en plus on souhaite interpréter le principe de causalité comme un principe fondamental, un fait de nature (et non comme une émergence thermodynamique statistique).
Dans cette interprétation réaliste de la fonction d'onde et de sa réduction, on est alors contraint d'interpréter l'invariance de Lorentz comme une émergence thermodynamique statistique, un effet de notre myopie d'observateur macroscopique, une myopie l'empêchant d'observer la violation d'invariance de Lorentz supposément provoquée (dans l'interprétation réaliste) par la réduction instantanée et spatialement étendue du paquet d'onde.
Pour ma part, j'ai tendance à penser que l'invariance de Lorentz est effectivement une émergence thermodynamique statistique. Cela correspond à l'interprétation selon laquelle les particules virtuelles (qui se manifestent hors de leur couche de masse, en violation de la conservation de leur quadri-impulsion) ne sont pas de simples outils mathématiques dénués de signification physique "objective" mais ont, au contraire, autant de signification physique (pas plus, mais pas moins) que les particules qualifiées de réelles.
J'ai toutefois tendance à penser (depuis maintenant au moins 3 ou 4 ans)
- que l'émergence statistique de l'invariance de Lorentz se situe à un niveau plus fondamental que l'émergence thermodynamique statistique de l'écoulement irréversible du temps (la fuite d'information hors de portée de l'observateur à la base de l'écoulement irréversible du temps, en violation de la conservation de l'information propre aux évolutions hamiltoniennes)
- et que l'interprétation rétrocausale d'un certain nombre d'effets (dont la mesure faible, le paradoxe des 3 boîtes et l'effet EPR justement) semble résoudre elle aussi un certain nombre de problèmes d'interprétation (cf. Can a Future Choice Affect a Past Measurement's Outcome ?).
LePsychoSophe a écrit : 18 oct. 2018, 15:08Les cerveaux actuels de nos brillants physiciens sont-ils dans l'incapacité de conceptualiser de nouvelles hypothèses quitte à remettre en question les théories les plus abouties et les plus ancrées dans la réalité du jour?
Le problème ne vient pas d'un manque de souplesse d'esprit, mais de l'énorme difficulté pour parvenir à faire rentrer dans un même cadre théorique des faits d'observation qui ne s'interprètent (pour l'instant) que dans des cadres distincts en conflit logique. On parle de la physique quantique, mais en fait il y a (en quelque sorte) "deux physiques quantiques" en conflit logique l'une avec l'autre :
- la partie de la physique quantique qui modélise l'évolution unitaire, déterministe, réversible de la fonction d'onde
- la partie de la physique quantique qui modélise l'évolution non unitaire, probabiliste et irréversible de cette même fonction d'onde lors d'une mesure quantique.
Ce problème épineux, dit de la mesure quantique, malgré presque 100 ans de travaux de recherche des plus grands physiciens, n'a pas encore trouvé de solution totalement satisfaisante et unanimement acceptée par l'ensemble de la communauté scientifique.
En tout cas, je reconnais (maintenant) au moins une chose : l'interprétation de la fonction d'onde comme un outil d'inférence statistique propre à chaque observateur pose moins de problèmes que son interprétation comme une représentation intersubjective de "la" réalité. Toutefois, cette interprétation positiviste de la fonction d'onde ne résout pas tout à elle seule.