D’autres part, certains puristes de l’agriculture biologique s’insurgent sans nuances contre les engrais chimiques etc. de la « révolution verte », sans comprendre qu’elle permet de nourrir en Asie des dizaines de millions d’habitants en plus ! La meilleure solution est celle des Chinois, qui utilisent toujours, associés aux engrais – dont la consommation chez eux augmente rapidement – toutes les fumures organiques possibles.
En fin d’année 1986, l’entreprise de transport charter Le Point de Mulhouse nous a demandé d’étudier les réalisations du centre d’Agro-écologie qu’elle avait installé à Gorom-Gorom, à l’extrême nord semi-aride du Burkina Faso. La direction en avait été confiée à Pierre Rabhi, qui avait déjà appris à quelques centres de formation des jeunes agriculteurs de ce pays à faire fermenter les débris végétaux pour les convertir en compost : source fort appréciable d’humus, dont la carence freine les possibilités de l’agriculture africaine. Ce travail, fort utile, méritait d’être généralisé. Mais, mis à la tête du centre d’Agro-écologie et chargé de former des vulgarisateurs agricole burkinabé, Pierre Rabhi a présenté le compost comme une sorte de « potion magique » et jeté l’anathème sur les engrais chimiques, et même sur les fumiers et purins. Il enseignait encore que les vibrations des astres et les phases de la lune jouaient un rôle essentiel en agriculture et propageait les thèses antiscientifiques de Steiner, tout en condamnant Pasteur. Malgré sa bonne volonté, il manquait de connaissances économiques et agronomiques, notamment sur l’utilisation optimale des composts. Selon lui, leur coût de production était nul ; il sous-estimait le travail nécessaire, et même les problèmes de transport, essentiels en la matière. Comme de surcroît il avait adopté une attitude discutable à l’égard des Africains, nous avons été amené à dire ce que nous en pensions, tant à la direction du Point Mulhouse qu’aux autorités du Burkina Faso. L’écologie est une discipline scientifique : nous n’allons pas la discréditer, lui enlever sa valeur, sa rigueur, en conseillant des techniques qui n’auraient pas été mises au point dans les conditions locales. Toutes les expériences faites en milieu tempéré ne valent à peu près rien en climat tropical. Pourtant, ce problème de l’humus reste, nous y reviendrons, un facteur essentiel de maintien, et de la fertilité des sols et de la réussite d’une agriculture qui pourrait prospérer entre les mains de paysans moins méprisés, mieux rémunérés et mieux instruits. »
Commentaires de Yann Kindo:
René, avec nous ! René, avec nous ! René, avec nous !
Ce qui me frappe fortement à la lecture de ce passage, c’est la profondeur de la concordance entre ce que Dumont dénonçait à propos de Rabhi en 1988 et ce que nous avions observé sur place avec des amis ardéchois de l’AFIS lors de notre visite à la ferme-expérimentale qui met en œuvre les idées du gourou shooté au compost :
http://afis-ardeche.blogspot.fr/2012/09 ... .html#more
Obsession pour le compost en sous-évaluant complètement tout ce qu’il faut (y compris l’eau) pour le produire.
Intégrisme natureliste qui refuse tout produit « chimique ».
Sous évaluation du travail nécessaire (masqué par le recours massif au travail gratuit dans la ferme ardéchoise).
Délires mystiques inspirés de Steiner et de la biodynamie, et autres attitudes anti-scientifiques.
Incompréhension complète de ce qu’est une expérimentation agronomique et de sa portée
Et last but not least, le point sur lequel Dumont est encore plus critique que nous sans que malheureusement il ne donne plus de précisions : un rapport douteux aux africains, dans lequel on peut voir une forme de mentalité néocoloniale écolo.
Bref, tout y est.
Ce que nous avons vu en Ardèche en 2012, Dumont l’avait déjà perçu en 1986, même si étrangement il n’avait pas compris la nullité absolue des techniques agronomiques de Rabhi, même en climat tempéré favorable.